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Le transhumanisme, la chute de l’empire humain

par Palantir Dewuka

Si depuis quelques années, le transhumanisme est un mouvement de pensée plus ou moins connu, il devient aujourd’hui de grande actualité.

Le mouvement, en lui-même, fut officiellement fondé par deux philosophes, enseignant à l’université d’Oxford, Nick Bostrom et David Pearce, compte actuellement plusieurs milliers de membres essentiellement des universitaires et des scientifiques de tous horizons. Le transhumanisme pose comme principe directeur que l’espèce humaine n’a pas encore atteint son stade final. Il s’agit essentiellement des possibilités d’amélioration des performances humaines, tant physiques, psychiques que mentales et cela au-delà de ce que la médecine classique proposait jusqu’à présent.

L’évolution est une affaire lente, la récente découverte en juin 2017 des Homo sapiens âgés de 300.000 ans le confirme. Mais que se passe-t-il lorsque nous supprimons l’accélérateur et prenons le commandement de nos corps et cerveaux au lieu de le laisser à la nature ? Que se passe-t-il lorsque la biotechnologie et l’intelligence artificielle fusionnent, nous permettant de redéfinir notre espèce pour répondre à nos caprices et désirs ? Nous pouvons un jour devenir quelque chose de nouveau, un mélange novateur du biologique et de la technologie, de chair et de silicium.

L’humanisme, on connaît, les humanités également, mais le transhumanisme, on ne le connait moins voire pas du tout, sauf à fréquenter assidûment les réseaux de nouvelles technologies et de leurs applications.

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Le transhumanisme, même s’il a une histoire déjà ancienne, n’a pas encore une définition fixe et incontestée et fait l’objet de multiples interprétations. Cependant, on pourrait dire que le transhumanisme est un concept et un mouvement à la fois scientifique, culturel, politique et idéologique qui prône l’amélioration des capacités humaines par l’appel à la science et à la technique. Reposant sur une triade : réparation/ transformation/ augmentation, la question de la limite est son fil rouge, jusqu’où peut-on aller quand la technique se mêle de modifier l’homme ? Les transhumanistes font appel au symbole H+, ce qui signifie être humain augmenté.

Parmi ses objectifs, il a celui d’améliorer l’homme, voire de préparer sa transformation grâce aux nouvelles technologies dites convergentes NBIC. Les nanotechnologies, la biologie, l’informatique et les sciences cognitives (intelligence artificielle et neurosciences) progressent et convergent, en ce sens que les découvertes dans un domaine servent aux recherches dans un autre. Cette synergie décuple la puissance de la recherche et permet des avancées spectaculaires. Une médecine de combat utilisant toutes les armes NBIC est déjà sur les rails. Derrière la convergence NBIC, une philosophie de transformation radicale de l’Humanité, le transhumanisme, rêve de changer l’homme. Et que penser de ces fameuses NBIC qui regroupent les sciences de l’infiniment petit, de la manipulation du vivant, de l’informatique et de l’intelligence artificielle, et qui franchissent à présent la frontière de nos corps.

Sans en avoir conscience, progressivement, nous devenons des «cyborgs» , des humains améliorés par la technologie. Lentilles de contact, appareils auditifs, prothèses de hanche, pacemakers… sont devenus monnaie courante. Cœurs artificiels, membres bioniques, implants cérébraux, ont également fait leur entrée sur le marché. Qui ne veut guérir ou améliorer ses performances quand cela est possible ? ʺL’acceptation par l’homme de ces technologies et son désir de les voir se développer sont frappantsʺ, signale le Dr Laurent Alexandre, chirurgien, spécialiste des NBIC et auteur de La Mort de la mort. Où trouver la frontière entre la prothèse qui procède à la réparation d’une déficience et l’hybridation entre humain et robot qui augmente les potentialités de l’individu ? La fusion quotidienne avec le virtuel ainsi que l’hybridation homme-machine se normalisent.

Nous abordons une ère nouvelle, où la technologie sera intégrée à la nature humaine. Une ère ou nous ne parviendrons plus à distinguer ce qui est humain et ce qui ne l’est pas. La fusion entre la machine et l’homme est inéluctable. Le processus est en marche et redéfinit déjà le sens même que nous donnons à humanité. Un futur où l’homme fusionnerait avec les machines, où il ne connaîtrait plus la maladie, la vieillesse, la mort, c’est ce qu’imaginent les transhumanistes.

Transhumanisme : bienvenue dans l’ère de l’Humain +

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Êtes-vous prêt pour l’avenir ? Un avenir transhumaniste ? Un avenir de lentilles de contact qui voient dans l’obscurité, de membres bioniques qui dirigeraient nos ordinateurs par la seule force de notre pensée et d’implants à puce cérébrale qui lisent vos pensées et les communiquent instantanément à d’autres. Les progrès technologiques nous bluffent et modifient profondément notre quotidien. Est-ce un pari ? Cela se produira néanmoins bientôt, très bientôt. En fait, une grande partie de la technologie existe. Certains d’entre eux sont commercialisés ou sont testés dans des laboratoires, en ce moment, dans le monde.

Un sixième continent, virtuel et numérique, existe désormais parallèlement à notre monde physique, Un monde sans humains. Les Français passent la moitié de leur temps libre, soit 4 h 58 par jour, devant un écran. Nos smartphones s’aventurent rarement à plus de quelques mètres de nous, même la nuit, même en vacances. La moindre administration, école, entreprise, est connectée au Cloud, cet espace virtuel où nous stockons nos informations et dont la croissance est vertigineuse. En 2015, il s’est produit davantage de données qu’au cours de toute l’histoire de l’humanité. On compte désormais en yottabytes soit 10 puissance 24 bytes. A titre de comparaison le diamètre de l’univers connu est de 880 yottamètres. Pour être complet, il faudrait préciser que le yotta équivaut à 10 puissance 24, le diamètre de notre galaxie la Voie lactée étant « seulement » égal à 10 puissance 21 mètres, un yottamètre est donc 1000 fois supérieur au diamètre de la Voie lactée ! Pour la première fois nous sommes confrontés à devoir comprendre une avalanche d’informations nous permettant de prendre de meilleures décisions, et à en être capable physiquement et mentalement malgré le volume extravagant de ces données.

La fusion de la technologie et de la vie

La première utilisation du mot «transhumaniste» remonte aux années 1950, mais sa popularisation date seulement du milieu des années 1990. C’est à cette période que les chercheurs commencent à cerner les promesses de la convergence NBIC.

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Si l’on en croit ses promoteurs, le projet transhumaniste de fusion de la technologie et de la vie devrait se déployer en trois étapes :

D’abord la technologie pénètre la vie grâce aux prothèses médicales et la bio-ingénierie. Nous y sommes.

Puis la technologie permet de créer la vie artificielle. Les déclarations fracassantes de Craig Venter (scientifique de génie, décodeur du génome et découvreur la vie synthétique) témoignent du début de la course en annonçant en 2010 sur le site web de la célèbre revue Nature avoir créé la première cellule vivante synthétique.

Enfin, la technologie devrait dépasser, voire remplacer la vie. La montée en puissance de Google DeepMind, étoile montante de d’intelligence artificielle, prouve que cette étape n’est plus si loin, en battant en mars 2016 Lee Sedol champion du jeu de Go, 4 -1 avec leur programme Alphago. D’origine chinoise le jeu de Go est d’une incroyable complexité et probablement le plus vieux sport cérébral du monde. Il y a «10 puissance 170» positions possibles, soit d’avantage que le nombre d’atomes dans l’univers ( 10 puissance 80) explique Dennis Hassabis, PDG de DeepMind. Et que penser du chef de l’ingénierie de Google, Ray Kurzweil,  inventeur visionnaire aux 39 brevets et 19 doctorats honorifiques, qui a créé en 1976 la première machine capable de lire des livres aux aveugles, il a prédit que s’il peut vivre jusqu’à 120 ans, il vivra pour toujours, cela supposera une augmentation rapide des connaissances sur la façon de restaurer le vieillissement de la structure moléculaire et cellulaire d’un corps. Il est également le prophète de la Singularité technologique. Pour Kurzweil, la Singularité nous permettra de transcender les limites de nos corps et de nos cerveaux biologiques. Nous gagnerons le pouvoir sur nos destinées. Notre mortalité sera entre nos mains. Google a investi des centaines de millions de dollars dans la recherche anti-âge, y compris dans le projet biotechnologique qui veut tuer la mort, Calico (California Life Company) qui est trop secret pour autoriser les journalistes à proximité.

Un véritable lobby bio-progressiste est déjà à l’œuvre, qui prône l’adoption enthousiaste de tous les progrès NBIC, quitte à changer l’humanité. Ce lobby est particulièrement puissant sur les rives du Pacifique, de la Californie à la Chine et à la Corée du Sud soit, et ce n’est pas un hasard, à proximité des industries NBIC. C’est là qu’émerge la nouvelle devise de notre siècle « la vie n’est qu’une nano machine particulièrement sophistiquée».

Bienvenue dans votre futur

Un futur proche, très proche, que nous aurons le pouvoir de façonner ou de laisser entre d’autres mains.

Intelligence artificielle, robotique, nanotechnologies, la science progresse inexorablement. Ce qui était inconcevable il y a quelques décennies fait partie de notre quotidien. Les smartphones sont devenus les prolongements de nos bras.
Bientôt des implants, directement dans le cerveau nous permettront de mieux voir, de surfer sur internet par l’esprit, sans smartphone. Alors, quand les dirigeants de Google annoncent que nos cerveaux seront bientôt connectés en live à Internet, nous ne rigolons plus, signale Joël Garreau, chef du service investigations du Washington Post. Quant à lui Facebook travaille actuellement sur une interface cérébrale qui nous permettra de communiquer uniquement avec notre esprit. Le travail provient du mystérieux «Building 8 (B8)» de Facebook, qui semble travailler sur des technologies de cerveau-machine depuis un certain temps.

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Mark Zuckerberg a déclaré le 18 avril 2017 quel serait l’objectif ultime de cette interface : «Demain, nous allons vous mettre au courant de tous nos travaux sur la connectivité. Nous avons une équipe en ce moment en Arizona qui se prépare pour notre deuxième vol d’Aquila, notre avion à énergie solaire qui va aider à propager la connectivité Internet aux gens du monde entier et nous allons aussi vous mettre au courant sur beaucoup d’autres technologies que nous développons. Regina Dugan vous parlera d’un projet que nous menons pour développer quelque chose qui va au-delà de la réalité augmentée, et cela comprend les travaux autour des interfaces directes du cerveau qui, éventuellement, un jour, vous permettront de communiquer en utilisant seulement votre esprit» .

Il existe cinq domaines principaux où l’augmentation humaine est actuellement très active.

Bionique

C’est la forme d’augmentation humaine qui est déjà testée pour un petit nombre d’utilisateurs spécifiques. Il est même possible de se rendre à un Cyborg Olympics, un concours pour tester les membres des membres bioniques et les exosquelettes robotiques. Ce qui est déjà mis en œuvre dans la vie réelle est l’utilisation d’exosquelettes robotiques, qui ne remplacent pas le corps humain normal mais lui donnent une force supplémentaire et, dans certains cas, une dextérité supplémentaire. Ils sont déjà utilisés pour aider la marche des personnes paralysées ou comme un gant robotique pour remplacer la force des mains. Et les exosquelettes commencent à être utilisés dans des applications industrielles et dans l’armée.

L’objectif est la fin des handicaps physiques, avec des bioniques remplaçant les yeux perdus, les oreilles et les membres et la perspective d’améliorer le corps valide avec une force, une vitesse et une endurance humaine, super humaine.

Interfaces cerveau-ordinateur

Le cerveau humain est un organe extrêmement complexe qui compte plus de 86 milliards de cellules nerveuses ou neurones. Ces neurones communiquent entre eux par des signaux chimiques et électriques. Les scientifiques savent depuis longtemps que l’on peut stimuler le cerveau à l’aide d’un faible courant électrique, mais une équipe de chercheurs va plus loin et pense pouvoir utiliser l’électricité pour nous rendre plus intelligent.

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Les interfaces cerveau-ordinateur, ou BCI, sont testées pour être utilisées dans le contrôle des membres artificiels pour les personnes handicapées et pour la «communication avec ceux qui sont enfermés» en raison de lésions de la moelle épinière ou même pour inverser la paralysie par un « bypass neuronal» qui permet au cerveau de communiquer directement avec les muscles.

Sans doute, les premiers cyborgs du monde sont des personnes impliquées dans les implants cochléaires pour restaurer leur audition. Depuis 2011, Second Sight Medical Products fabrique des implants rétiniens comme le système de prothèse rétinienne « Argus II» qui est destiné à stimuler électriquement la rétine afin de déclencher une perception visuelle chez les personnes aveugles.

Il y a eu des expériences récentes avec des implants qui ont été placés sous le crâne pour convertir les signaux d’une rétine artificielle dans le cerveau en activité cérébrale. Si l’on se projette un peu plus loin, on pourrait avoir une réalité virtuelle et une réalité augmentée venant de notre cerveau. Ou même des appels téléphoniques arrivant comme des voix dans notre tête. Ou encore on pourrait s’entretenir avec une personne tout en recherchant un fait sur Google pour l’introduire dans la conversation

Cette technologie, chaque fois qu’elle arrivera, va révolutionner la façon dont nous nous interagissons avec nos appareils et avec le monde numérique en plein essor qui nous entoure. La meilleure interface avec notre technologie n’est pas de pointer, de cliquer et de faire défiler les menus. La meilleure interface n’est pas une interface mais c’est d’interagir avec nos appareils de la façon dont nous interagissons avec nos mains, nos pieds et nos paupières. Nous pensons juste et cela se produit.

Comme Elon Musk l’explique, «nous sommes déjà cyborgs. Votre téléphone et votre ordinateur sont des extensions de vous, mais l’interface est à travers des mouvements de doigts ou de la parole, ce qui est très lent». La perspective est d’augmenter notre façon de penser plus rapidement et directement en la connectant au Cloud et même à Internet.

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Mais cela pourrait-il changer aussi la façon dont nous pensons. En augmentant notre cerveau, la modifierons-nous. Que se passe-t-il si vous pouviez utiliser Internet en tant que banque de mémoire étendue et cela serait-il particulièrement judicieux de le faire. Certes, être mieux référencé dans les résultats de recherche Google deviendrait encore plus précieux si les entreprises savaient que les résultats étaient gravés directement dans les têtes des personnes. Et imaginez les guerres d’édition lorsque les gens utilisent Wikipédia comme une sorte de mémoire collective, c’est-à-dire plus que nous ne le faisons déjà.

Ce sont des problèmes avec lesquels nous luttons déjà parce que les gens passent beaucoup de temps à regarder leurs écrans. Mettre les appareils dans notre cerveau amplifie les problèmes de portée et d’intensité. L’objectif est d’accéder plus rapidement et sans heurts à l’information et à l’interaction avec les machines. Est-ce que cela entraînera une dépendance encore plus grande aux appareils ? Même si nous le souhaitons, il sera plus difficile de régler nos appareils s’ils font partie de nous. De même, l’avenir des BCI rendra-t-il encore plus difficile pour les personnes de ralentir et d’interagir avec le monde réel ?

Ces améliorations ne sont pas encore présentes, mais beaucoup de capitaux y sont consacrés. Elon Musk vient d’annoncer le lancement de Neuralink qui travaille sur une interface cerveau-machine« neural lace». Il rejoint un autre entrepreneur de la Silicon ValleyBryan Johnson, dont le lancement du projet Kernel travaille sur le même problème.

Mais Kernel n’essaie pas seulement de faire des interfaces neuronales pour nos machines. Il expérimente également les moyens de changer et d’améliorer le fonctionnement de notre cerveau. C’est une notion encore plus radicale qui nous conduit à la prochaine forme d’amélioration humaine future.

Neurotechnologie

C’est la technologie la plus spéculative de toutes nos connaissances qui, sur le fonctionnement du cerveau humain, sont encore très limitées.

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Pierre-Roth

Les efforts actuels, en particulier du projet Kernel de Bryan Johnson, se concentrent sur les neuroprothèses afin d’améliorer la mémoire en brisant le code pour le stockage et la récupération des souvenirs dans une partie du cerveau appelée l’hippocampe, qui peut ensuite être augmentée par un implant. À un certain point, cependant, cette technologie sera perfectionnée au point où elle sera considérée comme une amélioration précieuse. Et si vous pouviez, par exemple, tirer parti d’un rappel parfait de tous les événements de votre vie, chaque rencontre, conversation, musique etc. Que faire si vous pouvez trier les données plus rapidement et remarquer de nouvelles connexions ?

L’objectif est de construire une fonction mentale améliorée, peut-être même une sorte de super-intelligence, dans notre propre cerveau plutôt que de la construire dans un ordinateur distinct. Quels sont les effets secondaires et les conséquences potentielles à long terme de la modification de nos fonctions cérébrales avec des implants ?

Considérez l’une des raisons pour lesquelles les stéroïdes sont interdits dans la plupart des sports. Quand un joueur commence à prendre des stéroïdes, cela peut améliorer sa performance et il ressent le besoin de la maintenir pour rester compétitif, quitte à subir les effets secondaires, à la fois immédiatement et à long terme.

En ce qui concerne la neurotechnologie, si nous pensons qu’il nous faudra longtemps pour faire confiance aux voitures autonomes, cela nous prendra beaucoup plus longtemps pour faire confiance aux machines pour nous aider à diriger notre cerveau.

Nootropiques, le médicament transhumanisme ?

Nous sommes tous familiers, certains d’entre nous plus que d’autres, avec des psychotropes qui affectent l’humeur et la perception. Les médicaments nootropes (de noûs, νοῦς, mot grec pour  » l’esprit « ) sont des médicaments qui affectent et, en théorie, améliorent le processus de réflexion. Le terme a été inventé en 1972 par un chimiste roumain qui a cherché des médicaments pour améliorer l’apprentissage et la mémoire.
Les nootropiques ont développé une base de fans dans Silicon Valley, où la fonction mentale aiguë est vénérée et récompensée autant que la force physique et l’endurance.

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Le problème est que les études de sécurité à long terme chez des personnes en bonne santé n’ont jamais été réalisées. La plupart des études d’efficacité n’ont été menées qu’à court terme. Ce que nous avons tendance à obtenir, c’est une grande quantité de preuves anecdotiques d’amateurs engagés mais il est difficile de dire à quel point cela ne représente qu’un effet de placebo. En effet, les nootropiques sont censés être des stéroïdes pour le cerveau, et cette comparaison devrait susciter une réflexion prudente, car l’effet des stéroïdes est bien connu, il y a une liste d’effets secondaires délétères, en particulier en cas d’utilisation à long terme. L’objectif est d’être super-smart, comme cette pilule dans le film Limitless (qui est en fait basé sur une véritable drogue). Le transhumanisme serait-il aussi un traitement ?

Édition de gènes, un pas de plus vers le transhumanisme

Le premier séquençage du génome humain a été publié en 2003 après un investissement de 2,7 milliards de dollars. Dix ans plus tard ce séquençage intégral ne coûte que 1000 dollars, le service devient accessible hors des laboratoires de recherche. En 2013, 23andMe société californienne présidée par la cofondatrice Anne Wojcicki, ex-femme de Serguei Brin l’un des fondateurs de Google (Google a investi 3.9M$ dans 23andMe en 2007), propose même un séquençage partiel à moins de 100 dollars, il est limité aux gènes dont les effets sur la santé sont connus. 23andMe a vendu auprès d’un million de particuliers un séquençage de la part analysable de leur génome,l’exposome, soit un chiffre d’affaires cumulé d’environ 100 millions de dollars. L’entreprise a doublé la mise en concluant des partenariats avec Roche et Pfizer pour analyser ces données. L’information génétique est devenue une marchandise, dont les initiateurs ont perdu le contrôle.

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Nous sommes à l’aube d’une révolution de l’édition de gènes, Les observateurs de la singularité lorgnent, sans aucun doute, la révolution de l’édition de gènes en cours. Les progrès sont vertigineux, surtout sur la méthode de manipulation génétique appelée CRISPR-Cas9 (déclarée découverte de l’année 2015) qui est en fait une enzyme capable de détecter une partie spécifique de l’ADN et la détruire. Jennifer Doudna, l’un des chercheurs à l’origine de cette méthode, la résume de la façon suivante: Pour elle, CRISPR-Cas9 est un outil qui permet de modifier les gènes de manière précise et facile. Il y a une protéine qui agit comme des ciseaux et qui coupe la séquence ADN, et une molécule d’ARN qui dirige les ciseaux ou on le souhaite sur le génome (si l’ADN porte le code génétique de notre corps, l’ARN réalise ses instructions, permettant au code de fonctionner). C’est un peu comme du traitement de texte qui s’applique sur de gènes : on peut enlever un gène, en ajouter un et même modifier une seule lettre d’un gène. Cette méthode entre dans la famille de nano biotechnologies et opère sur le vivant à l’échelle du milliardième de mètre.

La possibilité de modifier l’ADN à volonté et de propager le changement à travers plusieurs cellules, c’est ce que CRISPRvient de nous offrir. Cela a conduit à la spéculation qu’à l’avenir,« écrire du code» ne signifie pas seulement un logiciel pour les ordinateurs, cela signifie coder l’ADN.

CRISPR a permis à la Chine la première modification génétique d’embryons humains en avril 2015. Aujourd’hui, MIT Technology Review annonce que la première tentative de création d’embryons humains génétiquement modifiés a été réalisée par une équipe de chercheurs de Health and Science University de Portland.

Certains critiques disent que nous entrerons dans une fabrique du « bébé parfait» ou du «bébé sur mesure» (le business du bébé à la carte représente neuf milliards d’euros par an) uniquement conçus avec des améliorations génétiques. L’année dernière, James Clapper, directeur du renseignement US (CIA) avait déclaré que « la modification du génome est une arme de destruction massive» ajoutant : «La recherche dans l’édition du génome réalisée par les pays avec différentes normes réglementaires ou éthiques différentes que celles des pays occidentaux augmente probablement le risque de la création d’agents ou de produits biologiques potentiellement dangereux» .

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L’objectif est de choisir des capacités extraordinaires dans le pool de gènes et les mettre ensemble dans des nouveaux humains ultra capables.

McKinsey Global Institute a estimé que la génomique aurait un impact économique potentiel compris entre 700 milliards et 1600 milliards de dollars d’ici 2025.

Le souci c’est que l’augmentation va changer la nature humaine, une partie de notre nature a toujours été le désir de nous améliorer et d’augmenter notre pouvoir sur le monde. Les humains ont déjà été significativement «améliorés» par des technologies comme la langue, la culture et la médecine.

Cependant, la prochaine étape du développement humain est susceptible de venir lentement et progressivement, sur une période de plusieurs décennies. Les stimulants de la nouvelle technologie peuvent prédire qu’ils vont télécharger leurs esprits dans les ordinateurs d’ici 2030. Si cela arrive, cela prendra presque certainement beaucoup plus de temps. Cela signifie que nous aurons le temps de nous ajuster, et dans l’intervalle, nous profiterons de tant d’autres améliorations technologiques et mineures que ce qui semble dangereux et non naturel aujourd’hui peut ne pas sembler si radical au moment où il devient disponible.

Si nous avons le temps de nous ajuster, nous devrions mieux l’utiliser, pour commencer à reconnaître la nouvelle technologie qui se présente et à nous préparer aux décisions importantes concernant l’utilisation.

Ces innovations disruptives, celles qui font changer de nature, et non pas seulement de degré, l’intervention sur l’espèce humaine, pour étonnantes qu’elles apparaissent aux néophytes, sont discutées par un certain nombre de personnalités averties et influentes du monde contemporain, au sein d’une kyrielle de groupes de réflexion assez fermés dont l’Institut du futur de la vie, financé assez largement par des industriels du secteur des technologies de l’information comme Elon Musk, et l’Université de la singularité qui compte parmi ses fondateurs des grands industriels comme Google, Cisco, Nokia, Genentech, Autodesk, etc.

Pour donner une idée de l’écho que recueillent ces conceptions, évoquons les bonnes œuvres du milliardaire russe Dmitry Itskov, ce dernier craint qu’une fois nos consciences téléchargées sur des machines hyper intelligentes, nous ne soyons désincarnés, au sens propre, car réduits à un état purement informationnel. Pour nous sauver, sa philanthropie l’a conduit à monter une entreprise qui vend des corps robotisés que nous pourrons mouvoir à distance avec notre conscience téléchargée afin de nous réincarner et de poursuivre ainsi une existence mondaine. Comme il reste moins de 30 ans avant l’instant ultime, tous peuvent dès à présent commencer à concevoir ce corps qui accueillera leur esprit pour l’éternité, ou presque, et s’exercer à sa manipulation en ayant recours aux technologies actuelles des interfaces cerveau-ordinateur. Il suffit de se rendre sur le site 2045.com de cette société et d’appuyer sur le «bouton d’immortalité» (Immortality Button) pour initier la conception de son futur avatar.

Doit-on croire à ces thèses et se soucier tout de suite de son salut par l’intelligence artificielle en achetant un avatar robotisé ? C’est bien évidemment une question très personnelle à laquelle il n’y a pas de réponse ici, d’autant plus que la science actuelle n’est pas en mesure de démontrer rigoureusement l’impossibilité d’un tel scénario.

Nous assistons à la marche implacable du transhumanisme. La technologie dépasse même la religion. L’endroit le plus intéressant dans le monde d’un point de vue religieux n’est pas la Bible Belt, mais la Silicon Valley. Les gourous de la technologie promettent tout : le bonheur, la paix, la prospérité et même la vie éternelle mais ici sur terre avec l’aide de la technologie, et non après la mort avec l’aide des êtres célestes.

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Le transhumanisme, ce tsunami invisible est à notre porte. A nous qui ne croyons plus aux lendemains qui chantent, il promet que demain nous entrerons dans une nouvelle ère. Nous aurons dit adieu à notre misérable condition humaine, nous vivrons dans un monde à la mesure de notre démesure, habité par des surhommes technologiques, à la fois humains et machines, oscillant entre une réalité réelle et virtuelle, immortels dans l’ignorance du temps, vivant dans l’ignorance de la vie. Dépasser la condition humaine, vaincre la mort et conquérir la vie éternelle, semble une quête ancestrale de l’humanité.

Maintenant, c’est certain, un jour, ils découvriront comment garder les hommes vivant pour toujours, mais je serai déjà morte», ainsi s’exprimait une exquise duchesse à la Cour de Louis XVI et âgée de quatre-vingt ans, assistant à la première ascension d’une montgolfière en 1783…

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