Accueil Actualités   La population française devrait continuer de vieillir d’ici un demi-siècle 

  La population française devrait continuer de vieillir d’ici un demi-siècle 

par Communiqué

Les projections de l’Insee pour 2070 annoncent une augmentation de la population en France jusqu’en 2044 puis une diminution lente ensuite selon le scénario central, considéré a priori comme le plus probable, alors que les projections précédentes tablaient sur une croissance à plus long terme. Sur quelles bases repose ce nouveau pronostic ? Cette étude de l’INED nous l’explique en passant en revue les différents scénarios envisagés

L’Insee a publié en novembre 2021 de nouvelles projections de population pour la France à l’horizon 2070 [1] (voir encadré 1). D’après le scénario central fondé sur les tendances démographiques récentes, la France compterait 68,1 millions d’habitants au 1er janvier 2070, contre 67,4 millions au 1er janvier 2021, soit 700 000 de plus. La population continuerait d’augmenter jusqu’à un maximum de 69,3 millions en 2044 puis diminuerait ensuite jusqu’à 68,1 millions en 2070. 

 Un doublement des personnes de 75 ans ou plus d’ici 2070 

 Entre 2021 et 2070, la population n’augmente qu’après 75 ans (figure 1) : elle double à ces âges, l’espérance de vie progressant et les générations nées avant 1946 étant remplacées par celles un peu plus nombreuses nées de la fin du baby-boom au milieu des années 1990. Entre 60 et 75 ans, les effectifs restent à peu près les mêmes. Ils augmentent légèrement pour les hommes mais diminuent légèrement pour les femmes, le déséquilibre numérique des sexes en faveur des femmes se réduisant à ces âges même si ces dernières restent majoritaires. En revanche, en dessous de 60 ans, les effectifs diminuent de 10 %. 

La projection centrale est complétée par 26 scénarios alternatifs combinant différentes hypothèses d’évolution de la fécondité, de la mortalité et des migrations. Le scénario central retient une fécondité de 1,8 enfant en moyenne par femme, soit un niveau proche de celui d’aujourd’hui ; une mortalité continuant à baisser au même rythme qu’au cours de la décennie 

 2010 ; et un solde migratoire (entrées moins sorties du territoire) de + 70 000 personnes par an. Selon les hypothèses de fécondité « haute » (2,0 enfants) ou « basse » (1,6), la population en 2070 varie de plus ou moins 4 millions autour des 68 millions d’habitants du scénario central ; de même, selon qu’on fixe le solde migratoire à 20 000 par an (hypothèse « basse ») ou 120 000 (hypothèse « haute »), elle varie de plus ou moins 4 millions. Les variantes en matière d’évolution de la mortalité ont un impact plus limité : plus ou moins 2,4 millions. Au total, en combinant les hypothèses haute ou basse de chaque composante, la fourchette va de 58 à 79 millions d’habitants en 2070 (figure 2). 

Olécio partenaire de Wukali

L’incertitude sur les effectifs varie selon les âges (figure 3). Elle est la plus forte pour les générations qui ne sont pas encore nées en 2021. Par exemple, l’effectif des 0-19 ans en 2070 est de 14 millions selon le scénario central, mais avec une fourchette large, de 11 à 17 millions, selon les scénarios bas et haut, soit plus ou moins 25 % autour de la projection centrale. En revanche, pour les personnes de 75 ans ou plus, qui sont donc déjà nées en 2021, les scénarios extrêmes conduisent à des chiffres de 10 à 14 millions en 2070, soit plus ou moins 18 % autour de la projection centrale, 12 millions. C’est essentiellement l’hypothèse de mortalité qui fait varier les effectifs des 75 ans ou plus entre 2021 et 2070. Mais quel que soit le scénario, leur nombre augmente très fortement (de 89 % dans le scénario central), l’espérance de vie progressant et les générations nées de 1969 à 1994 se substituant aux générations creuses nées avant 1946.

L’incertitude est plus grande pour les naissances que pour les décès

Le scénario central conduit à un nombre annuel de naissances diminuant de 80 000 (-10 %) d’ici 2070 par rapport au niveau d’aujourd’hui (740 000 naissances en 2020 ; 660 000 en 2070) (figure 4a). En revanche, le nombre annuel de décès augmente de 160 000, passant de 610 000 avant la pandémie en 2019 à 770 000 en 2070, soit une hausse de 25 % (figure 4b). Ces chiffres varient selon le scénario, avec une fourchette plus large pour les naissances que les décès. En 2030, le nombre de naissances varie de 610 000 à 810 000 entre les scénarios bas et haut (figure 4a). En 2070, la fourchette est de 230 000 naissances en plus ou 190 000 en moins par rapport au scénario central (660 000). Le nombre de décès augmente fortement dans tous les cas (figure 4b). L’éventail en 2070, 50 000 décès annuels en plus ou en moins par rapport aux 770 000 du scénario central, est beaucoup plus resserré. Tous les scénarios conduisent à une hausse des décès très importante entre aujourd’hui et 2045 : les générations nombreuses du baby-boom, qui atteignent des âges très élevés à cette période, seront en train de s’éteindre. 

À partir de 2035, le nombre de décès dépasse le nombre de naissances dans le scénario central (figure 5). Le solde naturel, devenu négatif, se creuse ensuite et atteint -110 000 en 2070 (figure 5). Ce solde varie fortement selon les scénarios : entre -330 000 et +160 000. Mais comme tous les scénarios incluent l’hypothèse d’un solde migratoire positif (de 20 000 à 120 000 par an), la population est encore croissante en 2070 dans une partie d’entre eux (11 sur 27). 

 Retour sur 50 ans d’évolution des projections 

Comment les hypothèses sur lesquelles reposent les projections publiées par l’Insee ont-elles évolué depuis 50 ans ? Nous n’examinerons ici que celles du scénario central. Les hypothèses ont beaucoup changé en 50 ans pour ce qui est de l’espérance de vie (figure 6) [4, 5]. 

L’espérance de vie à la naissance tous sexes confondus était de 72 ans en 1970 (contre dix ans de plus en 2021 : 82 ans). Le diagnostic en 1970 était qu’elle avait pratiquement atteint ses limites ou en était proche. Après avoir beaucoup augmenté au sortir de la Seconde Guerre mondiale et dans les années 1950, gagnant près de 5 mois 

Comment les hypothèses sur lesquelles reposent les projections publiées par l’Insee ont-elles évolué depuis 50 ans ? Nous n’examinerons ici que celles du scénario central. Les hypothèses ont beaucoup changé en 50 ans pour ce qui est de l’espérance de vie (figure 6) [4, 5]. 

L’espérance de vie à la naissance tous sexes confondus était de 72 ans en 1970 (contre dix ans de plus en 2021 : 82 ans). Le diagnostic en 1970 était qu’elle avait pratiquement atteint ses limites ou en était proche. Après avoir beaucoup augmenté au sortir de la Seconde Guerre mondiale et dans les années 1950, gagnant près de 5 mois 

Comment les hypothèses sur lesquelles reposent les projections publiées par l’Insee ont-elles évolué depuis 50 ans ? Nous n’examinerons ici que celles du scénario central. Les hypothèses ont beaucoup changé en 50 ans pour ce qui est de l’espérance de vie (figure 6) [4, 5]. 

L’espérance de vie à la naissance tous sexes confondus était de 72 ans en 1970 (contre dix ans de plus en 2021 : 82 ans). Le diagnostic en 1970 était qu’elle avait pratiquement atteint ses limites ou en était proche. Après avoir beaucoup augmenté au sortir de la Seconde Guerre mondiale et dans les années 1950, gagnant près de 5 mois 

par an pendant cette décennie, l’espérance de vie a progressé plus lentement dans les années 1960, ce ralentissement confortant la vision d’un plafond biologique (figure 6). 

La projection publiée en 1970, dont l’horizon est 1995, prolonge la tendance à la hausse de l’espérance de vie, d’abord au même rythme que dans la décennie 1960, puis à un rythme décroissant. La projection suivante, publiée en 1979, est plus pessimiste et considère que l’espérance de vie va progresser plus lentement encore, puis plafonner à 73,8 ans en 2000, tous sexes confondus.

Ces deux projections se sont révélées très en deçà de l’évolution réelle. Tenant compte de l’énorme décalage entre les projections précédentes et la réalité, la projection de 1986 fait progresser l’espérance de vie nettement plus rapidement tout en conservant l’hypothèse d’un ralentissement puis d’un plafonnement à terme. 

Malgré ce relèvement, l’espérance de vie progresse à nouveau plus rapidement que la projection, et le plafond est atteint puis dépassé en 1997. Le constat que les plafonds même rehaussés sont régulièrement dépassés au bout de quelques années conduit à l’abandon de l’idée même de plafonnement dans les projections suivantes. Celles-ci extrapolent la tendance récente sur toute la période de projection, sans fixer de limite. Elles correspondent assez bien à l’évolution observée pour l’instant. 

Concernant la fécondité, les projections ont en revanche peu changé en 50 ans (tableau). Mis à part la projection publiée en 1970, sensiblement plus élevée que les autres (on est encore dans la période du baby-boom, même s’il est sur sa fin), les révisions sont légères, et tantôt à la hausse, tantôt à la baisse, reflétant à chaque fois la tendance récente de l’indicateur de fécondité. Ce dernier, stable sur le long terme depuis la fin du baby-boom, enchaîne en effet des périodes de baisse et de hausse, entre 1,7 et 2,0 enf ants en moyenne par femme. 

Pour le solde migratoire, les hypothèses ont sensiblement évolué en 50 ans : le solde est relativement élevé dans la projection de 1970 (130 000 par an), puis diminue brutalement pour s’annuler dans les deux suivantes (publiées en 1979 et 1986), en lien avec l’arrêt de la migration de travail en 1973. Il varie ensuite du simple au double dans les projections suivantes, entre 50 000 et 100 000 par an. L’effet d’une variation du solde migratoire de 50 000 personnes en plus ou en moins a un impact sur la population projetée en 2070 comparable à une variation de la fécondité de 0,2 enfant par femme en plus ou en moins (voir figure 2) 

Que nous apportent ces nouvelles projections ? Elles confirment le vieillissement de la population d’ici 2040, avec un ralentissement probable de sa progression ensuite [1]. Si la taille de la population projetée d’ici 2070 est fortement conditionnée par les hypothèses retenues, tous les scénarios conduisent, sans exception, à une hausse importante de la proportion de personnes âgées à cet horizon. L’ampleur des variations entre les scénarios et les effets induits par la révision du scénario central rappellent les incertitudes sur l’évolution de la population à long terme, tout en confirmant la poursuite inéluctable du vieillissement. Enfin, la nouvelle projection présente la diminution lente de la population dans 50 ans comme étant le scénario le plus probable si les tendances actuelles se prolongent. 

Résumé
Selon les projections de l’Insee publiées en 2021, la France comptera entre 58 et 79 millions d’habitants en 2070. Le scénario central conduit à une population de 68 millions d’habitants. Il annonce une population plus vieille qu’aujourd’hui, et en légère diminution à partir de 2044 alors que les projections précédentes tablaient sur un maintien de la croissance. L’excédent des décès sur les naissances ne serait en effet plus compensé par un solde migratoire positif. L’écart avec le chiffre annoncé pour 2070 par les projections précédentes (publiées en 2016), 76 millions, est important. Il vient de la révision à la baisse à la fois de l’effectif de la population de 2021 et des hypothèses de fécondité, d’espérance de vie et de migrations. 

Auteurs de cette étude:

 Laurent Toulemon*, Élisabeth Algava**, Nathalie Blanpain** et Gilles Pison*** 


 numéro 597 • Février 2022 • Population & Sociétés • 


 * Institut national d’études démographiques 
** Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) 
*** Muséum national d’histoire naturelle et Ined 

 

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