Un jeune soldat français vient d’être tué ce jour en Afghanistan portant à 70 le nombre de nos morts. Pour mieux décrypter les événements qui se déroulent en Afghanistan, pour mieux comprendre un pays constitué d’une multitude d’ethnies, d’enjeux de pouvoirs, de rivalités et d’influences internationales, pour avoir une idée de ce qui se passe à Kaboul autour du Président Karsaï dont le demi frère vient d’être assassiné par son garde du corps, pour connaître ce dont est fait l’économie de l’opium dont l’Afghanistan est un des principaux fournisseurs mondiaux, WUKALI a demandé à Gilles van Grasdorff*, ses analyses.
Gilles van Grasdorff est en effet écrivain et reporter de guerre, il connait bien les pays et les hommes de la chaîne himalayenne qu’il a fréquemment visités.
Voici son premier papier pour WUKALI ,
C’est le mardi 12 juillet que celui que l’on appelle AWK a été abattu de plusieurs balles devant ses gardes du corps. Il était onze heures du matin. Ahmad Wali Karzaï, cinquante ans, père de cinq enfants, est le demi-frère du président afghan.
Son assassin, Sardar Mohammad, était un proche, responsable depuis sept ans de la sécurité de Bala Karz, à Kandahar. C’est le fief des Karzaï.
Riche, sa fortune se compte en millions de dollars ; AWK possédait un restaurant à Chicago. S’y retrouvent les Américains de l’Afghanistan de l’avant invasion soviétique.
Puissant, AWK a su se rendre incontournable. Alors qu’il aurait pu couler des jours tranquilles à Dubaï, où vit déjà un autre demi-frère du président Karzaï, il est soupçonné de collaborer avec la CIA. Le New York Times relate dans ses colonnes qu’en 2009, AWK recevait des versements des services secrets américains. Informations démenties.
Paradoxalement, Ahmad Wali Karzaï est très implanté sur le terrain. Homme de pouvoir, il présidait le conseil provincial de Kandahar. Ce Pachtoune de la lignée des Durrani, né dans la tribu des Popolzaï, une des dynasties royales afghanes, il connaissait parfaitement tous les réseaux tribaux. Sa mort risque de provoquer, au sein des chefs tribaux, une guerre de succession, qui ne pourra que profiter aux talibans. Ces derniers ont salué sa mort comme un énorme succès depuis que leurs offensives ont repris au printemps.
A moins que sa mort n’ai été provoquée par un des nombreux groupes mafieux de la région. AWK trempait dans de nombreuses affaires et une partie de sa fortune venait de l’opium et du trafic d’opiacés et de cannabis. Un chiffre du rapport 2011 de l’Office des Nations unies contre la drogue et le crime : 63% de la surface cultivée mondiale de l’opium se trouve en Afghanistan, soit 123 000 hectares.
AWK était également soupçonné de jouer un double jeu. En 2000, on l’aperçoit à Quetta, au Pakistan. C’est la que vit le clan Karzaï. Après les attentats du 11 septembre 2001 et l’engagement des Américains en Afghanistan, il aide son demi-frère Hamid, à la tête d’un groupe antitalibans, à s’implanter dans le sud du pays. Le futur président, qui veut des hommes à lui dans tous les rouages du paysage afghan, en fait alors son émissaire à Kandahar.
En 2005, AWK est élu président du conseil provicial. Il échappe, en 2009, à un attentat lancé contre son convoi dans la province de Kaboul. C’est à cette époque que son nom apparaît sur la Joint Priorized Engagement List, à côté d’insurgés à éliminer prioritairement. Car, depuis mars 2009, Ahmad Wali Karzaï était soupçonné de livrer des armes aux insurgés afghans.
Gilles van Grasdorff
Gilles van Grasdorff a publié récemment “Alexandra David-Néel” ( lire critique dans Wukali; également « A la découverte de l’Asie avec les Missions étrangères », on lui doit aussi maints ouvrages sur le Tibet et le Dalaï Lama, dont il est spécialiste
Titre du prochain sujet abordé: » Une paix impossible »
A suivre sur WUKALI … !
PAL