VERSETS

1

Qui voit la mort, il ne sait pas les poivriers sertissant d’or

Ce haut livre de cimes où prend le fleuve son étal, ni ô mystère

Sur le sable les coqs, dormeurs inattendus.


C’est le sable d’azur semé de sable noir, c’était la larme

Qu’hier nous enterrions sur le rivage, près des voiles mortes.

Et les gommiers, rêves du vent, de voiles vives,


Ornent à peine la plaie muette des rochers ! C’est tout là-haut

La solitude, puis un mouton que l’on égorge pour la fête,

Tissant la lie de cette mort, quand vient le jour.


2

Et le poète se connaît, pourtant s’adresse un plein d’autans,

De tempêtes : c’est une mer qui se requiert, ne se trouvant.

Comme une mer jalouse, elle-même amante, se déchire,

Déchaînée ― jusqu’aux arbres, qu’elle ne peut atteindre.


3

J’étreignais le sable, j’attendais entre les roches, j’embrassais

L’eau puis le sable, les rochers — ce cœur des choses rêches, — puis un arbre ! M’écriant

Que le langage se dénoue et que telle baigne, en ce lieu,

Qui aurait allumé plus pur encore le mirage.

― Les trois orties de l’ignorance ont poussé devant ma porte !


Quel est ce lieu, quel est cet arbre sur la falaise

Et qui ne cesse de tomber ?


EDOUARD GLISSANT (1928-2011)


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Dialogue Edouard Glissant et Antoine Raybaud

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