Dix ans de mystère viennent de trouver fin, mardi 17 juillet, à Miami (Etats-Unis). « Odalisque au pantalon rouge », un tableau peint par Henri Matisse en 1925, déclaré volé au Musée Sofia Imber de Caracas en janvier 2003, a été retrouvé par le FBI dans ce que les spécialistes nomment un « coup d’achat ».
Après une longue approche, les agents américains se sont fait passer pour des acheteurs potentiels. Ils ont proposé 740 000 dollars, soit le quart de la valeur estimée du tableau. A l’heure de l’échange, dans une chambre d’un hôtel de luxe de la ville, ils ont arrêté Pedro Guzman, un Américain de 46 ans, et sa complice mexicaine Martha Ornelas Lazo. Agée de 50 ans, cette dernière avait apporté la toile la veille, roulée dans un grand tube rouge, dans un avion en provenance de Mexico. Tous deux risquent dix ans de prison.
L’arrestation devrait apaiser la honte des autorités de Caracas. Car hormis sa beauté plastique, la renommée de l’artiste, l’importance de la perte – Interpol qui compte des milliers d’oeuvres volées à son registre, dont cinq autres Matisse, classe celle-ci parmi les plus recherchées -, cette odalisque tire sa célébrité des conditions de sa disparition.
En novembre 2002, un collectionneur de Miami d’origine vénézuélienne écrit à la directrice du Musée Sofia Imber pour exprimer son indignation : on vient de lui proposer le tableau. Comment l’établissement peut-il se débarrasser de pareil chef-d’oeuvre ? La fonctionnaire le rassure : la toile, acquise en 1981, est sur les cimaises, et le restera. Elle ordonne toutefois une expertise… Deux mois plus tard, la direction doit annoncer que le tableau exposé est une imitation.
L’enquête commence. On découvre qu’en 2001 une ressortissante vénézuélienne a entreposé la toile à Miami, puis l’a fait partir pour l’Espagne. La maison Sotheby’s s’est, elle, vu présenter une autorisation de vendre – un faux – prétendument signé par la fondatrice du musée, Sofia Imber, remerciée depuis par le président Hugo Chavez au nom de la révolution culturelle…
Un expert français affirme avoir été contacté en 2000 et 2001 par deux galeries, l’une à New York, l’autre à Paris, qui avaient reçu des offres pour le tableau. Une imitation, avait-il répondu, convaincu que l’original se trouvait à Caracas. La copie, en réalité, faisait le bonheur des 150 000 visiteurs annuels du musée qui, pas plus que les gardiens ou la direction, n’avaient vu la différence.
Quand, comment et par qui a été réalisée la substitution ? L’enquête judiciaire permettra peut-être de le savoir. Les amateurs d’art tenteront de leur côté de comparer le vrai et le faux. On dit que les faussaires avaient oublié une rayure verte sur le parquet. Sans conséquences.
Nathaniel Herzberg