La prestigieuse marque de luxe française Chanel a été condamnée, vendredi 14 septembre, par la cour d’appel de Paris pour « contrefaçon » du motif d’un petit sous-traitant de Haute-Saône, World Tricot. Chanel devra ainsi verser 200 000 euros de dommages et intérêts. Cette décision ponctue un bras de fer de sept années entre la petite entreprise World Tricot et le géant du luxe sur la question de la propriété intellectuelle des fabricants.
« De la comparaison visuelle de l’échantillon modèle original versé aux débats et de la veste aux crochets Chanel, il résulte que le motif de la veste constitue une copie servile de l’échantillon appartenant à la société World Tricot », écrit la cour dans son arrêt. Une décision qui infirme le jugement de décembre 2009 du tribunal de commerce, qui avait blanchi la maison de luxe de l’accusation de contrefaçon portée par son sous-traitant.
« La justice française n’a pas raté le rendez-vous qu’elle avait avec le milieu du luxe et a rendu un arrêt qui va faire jurisprudence, c’est une manière de reconnaître la créativité de tous ceux qui dans l’ombre de leur atelier ont de l’imagination », s’est réjoui maître Pascal Créhange, avocat de World Tricot, aujourd’hui en liquidation judiciaire. Carmen Colle, créatrice de cette petite société qui a démarré comme atelier de réinsertion de femmes grâce à un chèque de la Fondation Abbé Pierre, a fondu en larmes à l’annonce de la décision.
« DROIT D’AUTEUR-CRÉATEUR »
World Tricot demandait à la justice la reconnaissance d’un « droit d’auteur-créateur » pour les façonniers, et avait assigné Chanel en 2005, l’accusant d’avoir fait produire en Italie un motif au crochet créé par son atelier, qu’elle affirmait avoir reconnu dans la vitrine d’une boutique Chanel lors d’un séjour à Tokyo. Chanel réfutait toute « contrefaçon » et revendiquait « la propriété intellectuelle » du motif.
Le tribunal de commerce de Paris avait débouté en 2009 le petit sous-traitant après quatre années d’une procédure rarissime dans le monde feutré et hiérarchisé de la mode. World Tricot avait été condamné à verser 200 000 euros d’indemnités à la prestigieuse maison de haute couture pour « dénigrement manifeste » de la marque. Mais le tribunal avait aussi condamné Chanel à verser à World Tricot 400 000 euros de compensations pour rupture abusive du contrat qui les liait. La cour d’appel relaxe cette fois Chanel sur ce point.