Eternal Romeo and Juliet
Dans une Vérone fictive, en ruine, menaçante, vit la famille de Juliette, de classe privilégiée et dirigeante. Elle rencontrera Roméo, qui lui fait partie de la population d’infortunés misérables et exploités. Ils vont s’aimer, malgré les interdits et une milice musclée qui rôde, traque et menace la population, et en particulier les amants de Vérone. Roméo et Juliette vont parfois se soumettre jusqu’au jour où ils vont sauter le pas, vivre leur amour et fuir ce monde injuste. Pour autant ils n’échapperont pas à leur tragique destin. Le choc d’une passion ou Shakespeare revisité par Angelin Preljocaj. Néanmoins, ne cherchez pas à établir trop de parallèles entre les deux œuvres. Dans le ballet du chorégraphe, il ne s’agit pas de luttes de clans, mais d’affrontements entre la milice, chargée de maintenir l’ordre social, et les sans-abris. Ce Roméo et Juliette, c’est cette histoire d’amour universelle replacée dans le contexte des régimes totalitaires des pays de l’est. Et le public d’embarquer pour un univers des plus sombres, où plus que jamais la réalité rattrape la fiction. Le génie du dessinateur Enki Bilal y est pour beaucoup. On aime ses costumes sublimes (costumes très remarqués aussi de Fred Sathal) et ce pouvoir qu’il a de créer un univers étouffant, chargé d’images rudes et impitoyables. Des fresques obscures qui collent parfaitement à la chorégraphie bouleversante d’Angelin Preljocaj. Entre deux séquences musclées, puissantes, on reprend son souffle. Quelques précieuses respirations, un peu de douceur et de tendresse, le temps d’espérer… Des séquences sensuelles, frémissantes que nous offrent Juliette (Emilie Lalande) et Roméo (Jean-Charles Jousni), remarquables interprètes.
On est ébloui, dans tous les sens du terme. Les éclairages puissants des gardes balaient la salle obscure. Nous sommes témoins. Aujourd’hui comme hier. Car elle est toujours d’actualité cette histoire d’amour. A travers les conflits et nos guerres qui n’en finissent pas, notre société crée des Roméo et Juliette. Des amours impossibles. Ici, Le désir et la mort se conjuguent. Et pour leur donner plus d’éloquence encore, la toute puissante musique de Prokofiev permet d’aller bien au delà et vient enrichir la virtuosité de chaque séquence. La création sonore de Goran Vejvoda apporte son lot de frissons.
On admire encore le travail extraordinaire des jambes, fulgurant, nerveux et rythmé. Il y a de la rigueur, de la précision, de la virtuosité dans ce ballet…et beaucoup d’amour !
Roméo et Juliette, Pièce pour 24 danseurs
Création en 1990 pour le Ballet de l’Opéra de Lyon
Re-création en 1996 pour le Ballet Preljocaj
Cette année, le directeur du Centre chorégraphique national de Provence-Alpes-Côte d’Azur célèbre les 30 ans de sa compagnie, créée en 1985 dans la banlieue parisienne. Avec son Théâtre et ses quatre studios de danse, le Pavillon Noir est le premier centre de production construit pour l’activité qu’il abrite (création, diffusion, formation, sensibilisation), où les artistes peuvent mener le processus de création en intégralité, du travail en studio à la représentation sur scène.
Des travaux sont en cours. L’architecte Rudy Ricciotti a été récompensé du Grand prix national de l’architecture 2006 pour cette création. En attendant le nouveau look du pavillon, le ballet se produit sur différentes scènes.
Pétra Wauters
Pour en savoir plus sur le Ballet Preljocaj – Centre chorégraphique national et sur la programmation
WUKALI 07/12/2015
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