Come back on Roland Joffé’s film: The Mission. Palme d’Or at Cannes Festival 1986


Continuons à nous focaliser sur les films les plus puissants du cinéma mondial avec Mission de Roland Joffé, film britannique de 1986. Il raconte l’histoire des « réductions », sorte de petites républiques autonomes créées par les jésuites et approuvées par le pouvoir colonial espagnol, dans ce qui est aujourd’hui le Paraguay. Il s’agissait de territoires protégés des esclavagistes, fléau qui sévissait partout en Amérique du sud à l’époque : l’action se situe vers le milieu du dix-huitième siècle.

Jeremy Irons, jésuite idéaliste, fonde une communauté pacifiste avec l’aide d’un ancien négrier (Robert De Niro). Ce dernier vient d’assassiner son jeune frère. Se morfondant dans sa culpabilité, il cherche sa rédemption.|center>

Le cardinal Altamiro (Aidan Quinn) écrit son rapport au Pape. Il raconte ce qu’il a découvert pendant cette « mission » chez les Guaranis (amérindiens locaux évangélisés par la Compagnie de Jésus). Notamment, une merveilleuse école musicale de qualité exceptionnelle qui a permis l’éducation de la population. L’Espagne et le Portugal s’étant mis d’accord, la « grande politique » exige le démantèlement des réductions et l’expulsion des Guaranis vers les forêts, s’il ne veulent pas être asservis (voire exterminés) par les colonisateurs.

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Le cardinal est bouleversé par ce qu’il voit, mais la décision a été prise bien avant son arrivée  : les réductions doivent disparaître… Et les jésuites doivent être expulsés du Nouveau monde(1754/56). Certains d’entre-eux refuseront de partir et se rangeront du côté des Guaranis. Ils en assumeront les conséquences en étant tués avec eux. La résistance est dirigée par Mendoza (Robert De Niro) qui mourra en combattant, tandis que son mentor (Jeremy Irons), qui refuse la violence, sera assassiné avec ses ouailles par les soldats portugais, à coup de canon…Ce bain de sang sera un génocide, une tragédie ignominieuse…

Le cardinal conclut son rapport : « Et donc, Votre Sainteté…Vos prêtres sont morts…et moi…Vivant. Mais à la vérité, c’est moi qui suis mort…Et eux vivants. Car il en va toujours ainsi, Votre Sainteté. L’esprit des morts survit…Dans la mémoire des vivants »… Son écœurement est complet… Il ne pourra oublier, lui qui a couvert ces horreurs… Mais il restera au service du Vatican...


Le film obtiendra la « Palme d’or  » à Cannes en 1986. Son budget avoisina les 25 millions de dollars. Une extraordinaire scène, d’une plastique parfaite, tournée aux chutes d’Iguazu (aux confins de trois pays : Brésil, Argentine et Paraguay) ouvre le film.

La mise en scène de Joffé est époustouflante, d’une beauté à couper le souffle. Le jeu des acteurs est impeccable, dans une relative discrétion des dialogues qui sont là pour mettre en valeur les images, nettement dominantes dans cette œuvre visuelle. La recherche d’un esthétisme de l’atroce, avec des images parfois effroyables mais toujours fascinantes, devient paroxystique… Et serait intenable sans le soutien de la musique d’Ennio Morricone qui a créé là une œuvre combinant chorales liturgiques, percussions amérindiennes, guitares espagnoles et harpes douces. Le thème principal, Falls (les chutes), a fait le tour du monde. Le film est un opéra, sauvage et grandiose. Il synthétise musique, images, paroles, mise en scène, utilisation des effets spéciaux, palette colorée… Devenant poème symphonique… Cet aspect syncrétique, évident ici, marque un « moment de l’histoire du cinéma ».

Son intemporalité, car le film va bien au-delà de ce qu’il narre, rejoint la jeunesse éternelle des créations artistiques de l’humanité qui sont frappées du sceau du génie. « Mission  » n’a pas vieilli, ne vieillira jamais…


Au-delà du film, j’aimerais raconter un souvenir personnel : ayant réalisé un grand tour d’Amérique du sud, pendant l’été 1978, un jour je suis arrivé à Asuncion, la capitale du Paraguay. Visitant cathédrales et églises, je me suis vite aperçu d’un nombre inattendu de joueurs de harpe qui officiaient à l’intérieur. Ils étaient tous talentueux. Une majestueuse mélancolie, une douce nostalgie s’échappaient du corps de leur instrument. Leurs doigts glissaient le long des cordes, réussissant à rendre toutes les variations, toutes les impulsions venues du fond de leur âme… Ce fut un moment magique. A tel point que je revins avec quelques CD à eux consacrés…

C’est en voyant « Mission » que j’ai compris l’origine de ce don si particulier qu’ont ces merveilleux musiciens…Qu’ils en soient remerciés.

Jacques Tcharny


WUKALI 12/03/2016
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