Altogether a muse, a poet, and a romantic lover
Cette peinture d’Eugène Delacroix : portrait de George Sand en habits masculins, est datée de 1834. Elle a été vendue ce jour par l’Étude Osenat à Fontainebleau, présentée par le cabinet Michel Maket, pour la somme de cent cinquante mille euros adjugée, soit cent quatre vingt-un mille euros frais inclus. Et, last but not least (en ultime mais pas en moindre), préemptée par l’état pour le musée Delacroix (place de Furstenberg à Paris).
Cette huile sur panneau de bois, signée en bas à droite, de dimensions 26×21,5cm, est en parfait état.
C’est une œuvre historique car commandée par François Buloz, éditeur de l’écrivain et rédacteur en chef de la Revue des Deux Mondes qui avait l’intention de la faire graver pour que ses lecteurs découvrent la romancière. La peinture, qui insiste sur ce qu’elle était à cette époque de son existence (une femme abandonnée), lui fit peur par son réalisme cru, sans lui déplaire vraiment puisqu’il la conserva toute sa vie.
Il existe une autre peinture de Delacroix représentant George Sand, debout derrière Chopin assis au piano, quelque peu protectrice. Il devait être de taille assez conséquente. La romancière le garda longtemps après sa séparation d’avec le musicien puis, on ne sait pas très bien quand, le fit couper en deux parties. Ironie de l’histoire, le visage de Chopin est conservé au musée du Louvre mais l’écrivain, vue de trois-quarts, se trouve à Copenhague, au musée national des Beaux-Arts…
Peint en novembre 1834, après la rupture avec Alfred de Musset, il représente la femme désespérée qui tentait de se réconcilier avec son amant. Représentée les cheveux coupés, avec une expression pathétique sur son visage amaigri et torturé, d’un romantisme exacerbé, c’est la tristesse le sentiment dominant dans cette œuvre.
Delacroix, en toute conscience, tentait d’apaiser la douleur de son modèle car les deux personnages étaient de brillants causeurs qui se plurent l’un l’autre. D’ailleurs, George Sand écrivit dans son journal intime, en date du 25 novembre 1834 :
– « Ce matin, j’ai posé chez Lacroix (lisez Delacroix), j’ai causé avec lui en fumant des cigarettes…Je lui racontais mon chagrin et il me donnait un bon conseil : c’est de n’avoir plus de courage : « Laissez-vous aller. Quand je suis ainsi, je ne fais pas le fier, je ne suis pas né Romain. Je m’abandonne à mon désespoir. Il me ronge, il m’abat, il me tue. Quand il en a assez, il se lasse à son tour et il me quitte ».
Ce magnifique panneau DEVAIT rejoindre les collections nationales, c’est indiscutable. Où irions-nous si ce tableau n’avait pas rallié le musée Delacroix ? C’est là sa vraie place !
Beaucoup de gens renâclent à accepter le droit de préemption de l’état mais, dans ce cas précis, on remarquera que l’œuvre n’a pas été classée monument historique, ce qui l’aurait interdite de sortie du territoire, auquel cas le propriétaire en eût été lésé.
C’est plutôt le « classement monument historique » qui pourrait poser problème mais, il faut bien le reconnaître, son efficacité ne peut être mise en doute. Bien entendu, il vaudrait mieux un accord avec les ayants-droits AVANT toute mise en vente mais ce n’est pas toujours possible ni, parfois, voulu par l’autorité administrative . Trouver « un juste milieu » n’est jamais simple…
Jacques Tcharny
WUKALI 17/04/2016
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