Coming from far away in time, pawing the ground, they seem ready for a race
Ils sont quatre, seuls éléments survivants d’un quadrige antique aujourd’hui disparu. Ils furent volés par les [**Vénitiens*] après la mise à sac de [**Constantinople*] durant la quatrième croisade en [**1204,*] un des jours les plus noirs de l’histoire de la civilisation occidentale où, par pur fanatisme religieux, furent massacrés d’innombrables êtres humains tandis que fut brûlée la bibliothèque impériale avec ses trésors d’écrits antiques ([**Platon, Plotin,*] etc…),que furent réduites en miettes des sculptures en marbre des grands maîtres grecs classiques ([**Praxitèle, Phidias*]…). Aussi furent fondues des statues de bronze de génies encore universellement célèbres comme [**Lysippe, Scopas*] ou [**Phidias*], Pourquoi ? Pour fabriquer des armes…!
Cette horrible destruction de la capitale de l’état byzantin se fit : « au nom du Seigneur Tout-Puissant » car la Catholicité et l’Orthodoxie s’étaient mutuellement excommuniées pour hérésie. Mais la réalité, qui se cachait derrière ce prétexte, était la volonté de [**Venise *] de dominer le commerce international, en anéantissant sa rivale.
Présentés pendant des siècles sur la terrasse extérieure de la basilique, ils ont été rentrés voici trente ans car la corrosion due à l’air marin les avait grandement abîmés.
Ils sont quasiment grandeur nature : hauteur 223 cm, au garrot 171 cm, longueur 253 cm, pour un poids individuel de 900 kg. Ils sont composés de bronze à très faible teneur en étain : alliage de cuivre à 98 pour cent, un pour cent d’étain et un pour cent de plomb. Les bronzes antiques ont, habituellement, une composition de cuivre à 85 pour cent, d’étain à 10 pour cent, un peu de plomb et quelques traces d’autres métaux. Chaque cheval est individualisé et peut-être dissocié en trois parties : tête, collier et corps.
Ils apparaissent verdâtres sous leur vernis d’or qui s’efface, la crinière est raide, coupée droite, le poil est hérissé, l’œil flamboie. Ils semblent ramassés dans leurs encolures.
Les corps robustes ainsi que les encolures fortes sont des caractères romains, typiques de l’époque impériale ( Ier et IIème siècles). La touffe de poils des oreilles, les lunules creusées dans l’iris des yeux qui donnent de la vie au regard, les crinières courtes, les toupets noués d’un ruban, l’étroitesse de la queue au départ de la croupe sont des éléments caractéristiques de l’Art Romain.
Ils sont zébrés de stries, parallèles ou entrecroisées, qui semblent un estompage atténuant la brillance de l’or originel : ils ne devaient pas ternir l’éclat du char qu’ils tiraient. Ces incisions sont pleines d’une patine noire faite de sulfure de fer et de cuivre, de largeur constante, grattée à l’aide d’un ciseau.
Les mors ont été sectionnés au ras des lèvres. Ne subsistent que les canons dans la bouche. Les brides ont disparu.
Les chevaux ne sont pas ferrés ce qui est normal puisque cela était inconnu à [**Rome*] et encore plus, a fortiori, dans la [**Grèce*] antique.
Le titrage du bronze est d’origine grecque mais les utilisations successives des matériaux empêchent toute datation sérieuse. Les techniques de fonderie d’art ont peu évolué jusqu’au 19ème siècle et l’on ne peut pas les utiliser pour situer les chevaux dans le temps. Les cicatrices d’accident sont nombreuses : jambes cassées, enfoncements…
Ils ont été dorés à la feuille d’or et à l’amalgame au mercure qu’utilisaient les[** Romains*] parce que moins coûteux que l’or pur. Les [**Grecs*] n’ont jamais utilisée cette technique.
Toutes ces indications sont des preuves que personne ne peut nier : les chevaux sont issus d’un atelier de la capitale de l’Empire.
Quant à leur datation, c’est le deuxième siècle et l’époque des[** Antonins*], apogée de l’extension de l[**’Empire*] comme de celle du commerce romain dans le bassin méditerranéen, voire au-delà : jusqu’en[** Inde*] et en[** Chine*] !
En confrontant les [**chevaux de Saint-Marc*] avec la statue équestre de [**Marc-Aurèle*], différences et rapprochements deviennent évidents.
[**Notons d’abord les dissemblances :*]
– L’échelle des premiers est la moitié de celle du second
– La crinière ultra courte des premiers s’oppose à celle, bien plus fournie, du deuxième.
– Les chevaux apparaissent « moins vivants » que le destrier de Marc-Aurèle.
[**Observons maintenant les similitudes :*]
– La patte antérieure droite est levée EXACTEMENT de la même manière.
– La marche se fait donc sur trois jambes dans les deux cas, ce qui signifie que le bronze a été traité identiquement et dans le même but : rendre un aspect réaliste.
– L’encolure montre des petites rides qui accentuent la vérité de la bête.
– La tête paraît courte par rapport à l’encolure dans les deux œuvres
En somme, les disparités sont dues au fait que le Marc-Aurèle est une sculpture représentant l’Empereur, donc nécessitant le meilleur atelier romain du temps alors que les chevaux, qui sont AUSSI de belle qualité, mais tout de même pas des cadeaux impériaux, furent créés par un atelier moins talentueux. Mais les constantes d’une période restent pareilles : marche, petitesse de la tête et rendus de réalité objective. Ce sont des qualités et des défauts qui précisent les contours des capacités techniques d’une époque donnée.
Jacques Tcharny
[*La suite au prochain numéro… *] Prochain article: [**Donatello, Le Gattamelata*], parution Mardi 2 août.
Bibliographie : Francis Haskell et Nicholas Penny : Pour l’amour de l’Antique (Hachette, 1988)
[** La Statue équestre *]
– [Une catégorisation structurante de la statuaire équestre. Premier chapitre: Marc-Aurèle
->http://www.wukali.com/La-statue-equestre-tout-au-long-de-l-histoire-2568#.V5vqlcc03Vo]
WUKALI 30/07/2016
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