Two artists for one statue


[**Charles Dupaty*] ( 1771-1825), fils d’un magistrat bordelais et frère de l’écrivain Emmanuel Dupaty, opte jeune pour l’art statuaire. Élève de Lemot aux beaux-arts de Paris, grand prix de Rome en 1799, il passera de longues années en Italie. De retour en 1816, il sera nommé membre de l’Institut. Il fit une belle carrière officielle.

[**Jean-Pierre Cortot*] ( 1787-1843), sculpteur parisien, élève de [**Bridan*], ayant également travaillé pour [**Boizot, Lemot, Moitte, Ramey et Roland,*] grand prix de Rome en 1809, il passa 8 ans en Italie. De retour à Paris, ses travaux présentés au Salon furent immédiatement remarqués. En 1819, grâce à ses marbres « Narcisse couché  » et « Pandore » il obtient le grand prix. Son « Soldat de Marathon annonçant la victoire  »(salon de 1822), fera de lui un des artistes les plus recherchés de la Restauration.

Cette sculpture en marbre blanc statuaire de Carrare montre Louis XIII à cheval. Elle a une histoire singulière puisqu’elle est une œuvre de collaboration entre deux artistes. Le modèle par Dupaty fut créé en 1816. C’est Cortot qui en réalisa la pratique en 1821. En 1825, la statue équestre fut installée au centre de la place des Vosges ( place Royale ancienne puisque axée sur la statue équestre du roi) en remplacement de celle détruite à la Révolution(1792).

Olécio partenaire de Wukali

Nous ne savons pas exactement quelles libertés Cortot prit avec le modèle de Dupaty, qui était en plâtre et prévu pour la fonte d’un bronze, car il n’existe plus depuis longtemps et aucun critique de l’époque n’en a fait une étude approfondie. Ce qui est certain c’est que, très vite, les deux compères changèrent leur idée première d’une statue équestre en métal pour celle d’une création de marbre. Mais, étrangement, ils oublièrent les contraintes techniques de ce carbonate naturel de calcium caché sous l’apparence d’une roche calcaire cristallisée à très forte densité ( environ 3,3). Arrivés « au milieu du gué », ils s’aperçurent que leur œuvre ne pouvait pas tenir debout sans renfort sous le ventre du cheval, du fait de la densité du matériau. D’où l’énorme colonne en forme de tronc d’arbre qui sert de soutient. Cet élément est plutôt incongru, pour ne pas dire malvenu par son volume excessif, conférant à la sculpture une lourdeur indéniable. Cela prouve que les sculpteurs utilisèrent la méthode de la taille directe dans la réalisation de la sculpture. Sinon ? Ils eurent envisagés la présence d’une allégorie historique ou mythologique sous les sabots du cheval.

Définissons une fois pour toutes les techniques de taille d’une roche ( marbre, pierre, onyx…) : elles sont deux, la taille directe et la mise aux points :

La taille directe : en face du sculpteur, un bloc de marbre. Dans l’esprit de l’artiste l’œuvre est déjà parfaitement définie. Elle est [*préexistante*] à l’intérieur de la roche. Le sculpteur n’a plus qu’à l’extraire de sa gangue originelle pour que le monde extérieur en apprécie la beauté. Il agit comme un bain révélateur en photographie. Bien évidemment, le talent de l’artiste, et parfois son génie ([**Michel-Ange, Donatello*]), va transfigurer ce qui est supposé exister à l’état natif dans la roche. Pour ce faire, il utilisera différents outils : marteaux, maillets, rifloirs, trépans, forets, limes, gradines… L’attaque du matériau pouvant se faire d’un côté d’abord puis les autres qui seront, petit à petit, raccordés entre eux. Avec un génie ([**Michel-Ange*]), l’attaque se fait de partout en même temps, les raccords évoluant suivant la volonté de l’artiste.

La mise aux points  : le sculpteur est plutôt modeleur avant d’être tailleur de pierre. Il va créer un petit modèle en cire, en terre crue ou en argile, sur lequel il prendra un moule en plâtre. Ce petit moule sera agrandi par la méthode dite des trois compas jusque vers 1780 (on transpose les points de repère en agrandissant l’œuvre) puis par le pantographe après ( appareil mécanique, déjà semi-industriel, permettant la reproduction à la taille désirée d’une sculpture, invention d’un bijoutier lyonnais, [**Nicolas Gatteaux,*] dont certains membres de la famille furent fondeurs). A partir du grand moule, de taille réelle et en fonction de la statue à produire, on réalisera la sculpture. Cette méthode implique la présence d’un atelier travaillant avec le maître sculpteur, si c’est lui qui dirige le travail, exemple : [**Rodin*]. Sinon par un atelier de reproduction expérimentée : il existait des ateliers de reproduction mécanique de statues de marbre chez les meilleurs fondeurs de bronze, exemple : chez [**Barbedienne,*] peut-être le plus célèbre fondeur-éditeur du 19ème siècle.

La sculpture est sise sur un piédestal de pierre entouré de grilles en fer forgé. Le monarque est habillé en Empereur romain. Sous son manteau, on aperçoit une armure, de cuir bardé de métal ainsi qu’un bout de son glaive. Le tapis de selle est orné d’un décor de corde et de franges larges. Ses pieds nus sont dans des sandales romaines.
Une grande perruque recouvre sa chevelure. Cette dernière porte une couronne de laurier. La tête est perchée sur un cou trop long. Sa fine moustache domine la bouche tandis qu’une esquisse de bouc, sous la lèvre inférieure, déborde d’un menton mollement sculpté. Le visage apparaît jeune et souriant. Ses yeux aux pupilles peu marquées nous propose un regard lointain car doucement orienté vers le haut, comme son menton. Pour un observateur attentif, l’évidence se fait jour : il y a axe de symétrie entre les deux parties du visage. Une sorte de langueur, de fatigue se dégage de la statue royale : le monarque ploie sous le poids du fardeau des responsabilités mais il assumera son destin. Cette vision du rôle historique de Louis XIII est exacte.
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Il tient les rênes de la main gauche. Il écarte son bras droit d’un geste souverain et se tourne sur sa gauche. Le cheval lève la patte antérieure gauche, tournant la tête vers la droite, à l’opposé donc du visage royal. Les autres jambes restent fixes, ce qui ne peut surprendre : les risques d’effondrement seraient monstrueux dans le cas contraire.. Sa queue en l’air forme un angle souple puis les crins du bas sont magnifiquement rendus, par touffes. La crinière de l’animal est moins bien sculptée que sa queue mais elle est honorablement travaillée. La bouche du destrier est ouverte sur des dents déjà élaborées. A l’intérieur, le canon et à l’extérieur le mors, individualisés et précisés. Des veines sont visibles entre les yeux et les narines, bien nettes.

Malgré des défauts certains, la sculpture dégage un attrait indéniable. Nous sommes face à une statue équestre de style néo-classique adouci, fort appréciée par les critiques de cette période : le « temps des romantiques » a commencé…

[**Jacques Tcharny*]|right>


-[* À suivre… *]le 16ème article de cette série : [**Charlemagne, Louis et Charles Rochet*], parution prévue : Jeudi 27 octobre 2016


Récapitulatif des articles déjà parus dans cette étude de Wukali sur la statuaire équestre

[**Marc Aurèle*]

[** Les Chevaux de Saint Marc*]

[**Donatello: Le Gattamelata*]

[**Verrochio : Le Colleone*]

[**Leonard de Vinci : Le cheval Sforzza et le monument Trivulzio*]

[**Pietro Tacca : la statue équestre de Philippe IV*]

[**Bernin. Louis XIV en Marcus Curtius*]

[**Girardon. Louis XIV à cheval*]

[**Coysevox. La Renommée et Mercure sur Pégase*]

[**Guillaume Ier Coustou. Les chevaux de Marly*]

[**Edme Bouchardon, Louis XV à cheval*]

[**Jacques Saly, la statue équestre de Frédéric V*]

Falconet, la statue équestre de Pierre le Grand à Saint Pétersbourg

Louis XIV par F.J Bosio

WUKALI 21/10/2016
*Courrier des lecteurs *] : [redaction@wukali.com

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