The Barefoot contessa, so beautiful Ava…
Le tournage de[** La comtesse aux pieds nus *] de [**Mankiewicz*] s’est déroulé en Italie ( Cinecitta, Portofino, Rome, San Remo, Tivoli). Le metteur en scène en fut aussi le scénariste et le producteur. On affirme qu’il s’est inspiré de la vie de [**Rita Hayworth*] dans l’élaboration de son scénario…
Notons, techniquement parlant, qu’il s’agit d’un film sur la naissance d’une star d'[**Hollywood*] et sur les coulisses du cinéma.
[**Mankiewicz,*] comme [**Lewin*], est un homme de grande culture, un érudit. Mais, à l’opposé de son confrère, son psychisme est marqué du sceau du pessimisme messianique : aucune histoire qu’il raconte ne peut bien se terminer. Ici, c’est celle de Cendrillon avec un correctif tragique : la catastrophe rôde, le spectateur le voit dès le départ puisqu’il assiste à l’enterrement de l’héroïne, Maria Vargas devenue comtesse Torlato-Favrini, dans un paisible cimetière italien…
-« J’ai essayé de faire un conte de fée qui corresponde à la vie d’aujourd’hui, une version amère de Cendrillon » : précisa-t-il, on ne peut être plus clair. Mais, parfois, la vérité profonde d’un film dépasse les intentions de son créateur-démiurge : c’est le cas ici.
Qu’en pensait la divine Ava ? Voyons cela
-« La scène où je devais danser une sorte de flamenco fut une des expériences les plus merveilleuses de ma vie professionnelle… Vêtue d’un pull moulant, d’une jupe en satin, aguichant mon cavalier, me dérobant à son étreinte, me servant de mon corps comme jamais… J’étais fascinée par les rythmes romantiques du flamenco…C’était la première fois que je dansais dans un film… Nous avons tourné la séquence dans une oliveraie de Tivoli avec une centaine de gitans frappant dans leurs mains… Quand le disque sur le phonographe a rendu l’âme, ils ont continué de taper dans leurs mains et c’est cette prise que nous avons conservée »…
L’actrice avait raison : cette scène s’est inscrite, à tout jamais, au panthéon mondial du septième art et les vrais cinéphiles auront toujours une tendresse particulière pour elle…
Personnage secret, insaisissable, inaccessible, lointain même, Maria semble vivre dans un rêve solitaire où frustrations et manques sont monnaie courante… A l’opposé d’Harry Dowes, vieux cheval de retour des studios, fatigué, usé, sans la moindre illusion, ancré dans une réalité fade et triste, parfois immonde. Le son de sa voix rauque et désabusée est en harmonie avec son imperméable mastic sous la pluie du cimetière, vêtement nous rappelant ses interprétations de [**Philip Marlowe*] ( le grand sommeil) à un détail près : le film est en couleurs…
Cette Cendrillon issue de la boue, à la splendeur unique, livrant un combat désespéré et inutile face à un univers infâme, est éblouissante dans sa quête d’absolu… Qu’elle croira trouver chez le Comte Torlato-Favrini… Elle possède une classe innée d’aristocrate et le naturel d’une femme du peuple.
Son partenaire, le monstre sacré qu’était [**Humphrey Bogart*], à l’époque déjà très malade de ses excès d’alcool et qui devait mourir peu de temps après (1957), s’aperçut vite qu’Ava lui disputait la vedette, sans vouloir le heurter le moins du monde. Une sorte de rivalité puérile apparut alors chez lui, créant des problèmes à Mankiewicz. Rapidement Bogart évolua dans sa relation à sa coéquipière, reconnaissant et acceptant son talent. L’arrivée de[** Lauren Bacall*] facilita l’empathie naissante entre les deux comédiens car elle sympathisa immédiatement avec Ava Gardner. Une complicité évidente naquit entre les deux femmes et le film s’acheva dans une complète connivence, voire une parfaite entente. Aspect illustré par l’instant où Harry Dowes retrouve Maria Vargas chez elle pour lui parler de son avenir.
C’est [**Jack Cardiff*], le génial chef opérateur anglais, qui s’attacha spécialement au rendu du visage et de la silhouette d’Ava. Il l’avait « éclairée » dans « Pandora », le film qui révéla sa beauté unique au monde cinématographique. Il avait joué le même rôle auprès d’Humphrey Bogart dans « African queen ».
Les personnages secondaires sont bien campés, qu’il s’agisse des odieux « maîtres de l’argent » que sont Kirk Edwards ou Alberto Bravano, d’Oscar Muldoon chargé de relations publiques devenant un être profond ou du Comte Torlato-Favrini, incarnation d’un individu fin de race issu d’un gotha mourant.
L’instant le plus pur de ce récit est celui où le millionnaire argentin agresse, quasiment physiquement Maria, dans le Casino où paraît ce monde artificiel et où, miracle, il reçoit une maîtresse gifle de la part du Comte qui emmène Maria loin de tout cela. La perfection de l’image y est magique, entraînant l’œil ravi du spectateur vers le paradis qu’est supposé être l’Olympe renommé Rappalo… Le destin de Maria est inévitable, on le ressent tellement bien que le déchirant des situations vues finit par obséder le spectateur dont la compassion pour Maria devient totale. Le conte de fée se termine mal mais pouvait-il en être autrement ?
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WUKALI 05/08/2017(Précédemment publié le 28/11/2016)