In the core of the Cubist movement
[**Raymond Duchamp-Villon*] (1876-1918) appartenait à la fratrie des Duchamp avec ses frères [**Marcel Duchamp*] et [**Jacques Villon*] et sa sœur [**Suzanne Duchamp*]. Originaire de Normandie, étudiant en médecine, il vit à Montmartre dès 1894. Suite à de terribles rhumatismes il est obligé d’interrompre temporairement ses études, ce qui le fera s’intéresser à la sculpture. Autodidacte, il progresse vite et expose en 1902 et 1903 au salon de la nationale des beaux-arts. C’est à cette époque qu’il devient Raymond Duchamp-Villon pour se distinguer de ses frères.
En 1907, les trois hommes s’installent ensemble à Puteaux où ils constitueront « le groupe de Puteaux » du cubisme, ainsi nommé pour se différencier du « groupe de Montmartre » de la même école (composé de[** Picasso*], de [**Braque*] et de [**Juan Gris*], le trait d’union avec Puteaux). C’était une réunion de peintres, sculpteurs, écrivains, critiques d’art et savants : outre les trois frères, on y rencontrait [**Gleizes, Kupka, Léger, Metzinger, Picabia, Maurice Princet*] ( le mathématicien du cubisme), [**Apollinaire, Salmon, Valensi*] et l’architecte [**Auguste Perret*].
Mobilisé en 1914, Raymond Duchamp-Villon est affecté au service médical de l’armée. Fin 1916, la fièvre typhoïde l’atteint. Il n’en guérira pas. Il meurt à l’hôpital militaire de Cannes en octobre 1918.
Trop tôt disparu, il fut surtout connu des amateurs jusqu’à la grande exposition de 1967 à Rouen, organisée par son frère Marcel. Laquelle fut reprise au Musée d’Art Moderne de Paris où elle connut un triomphe. La renommée de l’artiste devint alors internationale.
Il avait créé une petite sculpture en plâtre de notre sujet en 1914 (44 cm, conservée au musée de Grenoble). Elle devait illustrer ses travaux récents mais, du fait de la guerre, il ne put faire couler en acier le modèle à échelle monumentale dont il rêvait, afin de conférer à son œuvre sa vérité première : être une allégorie triomphante de l’âge industriel.
En 1930-31, sous la direction de [**Jacques Villon*] est réalisé un agrandissement en plâtre, d’un mètre de haut, du Grand Cheval. C’était la taille de l’armature laissée par l’artiste dans son atelier.
En 1966 [**Marcel Duchamp*] prend le relais. Il se fait aider par le sculpteur[** Émile Gilioli*] pour la réalisation de la version finale en plâtre, de plus d’un mètre cinquante de hauteur, qu’il baptisera « le cheval majeur » en référence au terme « cheval-vapeur ».
C’est la [**maison Susse*] qui aura la charge de le fondre en bronze à patine noire. Les dimensions en seront : hauteur 150 cm, longueur 97 cm et largeur 156 cm, et le poids 550 kg. Neuf exemplaires destinés à la vente, trois épreuves d’artiste et un dernier spécialement pour le musée national d’art moderne furent coulés. Soit un total de treize bronzes. En 1984, à la demande de la veuve de Marcel Duchamp et du musée de Nancy, un exemplaire en acier fut coulé.
La diffusion de l’œuvre fut donc faible mais sa renommée est allée en grandissant, au point de devenir un archétype de la sculpture universelle, dépassant largement le cadre de la sculpture cubiste.
[**Raymond Duchamp-Villon*] a exprimé clairement ce qu’il voulait faire ressentir au spectateur en créant « le cheval majeur » : « le vrai but de la statuaire est avant tout monumental »… « l’œuvre doit vivre décorativement à distance par l’harmonie des volumes, des plans et des lignes. Le sujet importe peu ou pas du tout ».
Au premier regard un enchevêtrement de lignes confuses semble rendre impossible toute lecture normale de l’œuvre, multipliant les points de vision sur « le cheval majeur », caractéristique du cubisme s’il en est. Après cet instant de panique, l’œil s’habitue et le cerveau s’adapte. Le monument devient alors lisible et le spectateur, rasséréné, est séduit par la souplesse et la précision des formes de la sculpture : sur une base large à pans coupés s’élève un piétement métallique épais, à segments losangés, supportant un corps mécanique fait de sphères, de sections, de cylindres et de cônes apparentés à des poulies, des essieux et des rouages. Lesquels marquent l’accomplissement de cette substitution aux membres de l’animal. Sur cet ensemble repose la tête et l’importante crinière, reconnaissables toutes deux, du cheval avec son long cou si souple qu’il paraît bondir en avant, malgré sa concavité. Les points d’intersection des lignes, très marqués, et les angles visuels, multiples, accentuent le dynamisme de cette sculpture monumentale. Un des aspects les plus classiques du cubisme tridimensionnel c’est qu’il est nécessaire de tourner autour de la sculpture pour en saisir la force expressive comme les qualités structurelles. Ici, l’évidence n’a besoin d’aucune démonstration.
Cette métamorphose, authentique transmutation, est issue en droite ligne d’une analyse aiguë de l’anatomie de l’animal. Un ressenti de force en mouvement y est évident. Ce dynamisme des formes trouve son origine dans les travaux des futuristes italiens (**Boccioni*] dans sa sculpture [« Formes continues dans l’espace »).
[**Matisse*], visitant l’atelier de son confrère, parlera de « projectile » pour qualifier la sculpture.
L’élaboration fut très lente : en 1912 [**Duchamp-Villon*] ébauche des statues équestres dans des esquisses de maisons cubistes. En septembre 1913, l’artiste fait de nombreux croquis sur le vif au polo de Bagatelle ; on y voit les formes stylisées du cheval.
En 1914 il précise ses idées d’une interprétation mécaniste, quelque peu abstraite, du cheval avec deux autres dessins : son « cavalier penché » du musée de Rouen et son « cavalier droit » (collection privée). L’étape suivante est son dessin dit « le petit cheval »(collection privée), nettement plus abstrait, où cavalier et cheval s’imbriquent jusqu’à se confondre. Tous ces dessins expliquent l’évolution des idées de Duchamp-Villon. Ils se concrétiseront la même année dans la sculpture du « petit cheval » en plâtre( 44 cm de hauteur) que nous avons déjà évoqué.
La démarche intellectuelle de l’artiste est similaire à celle de[** Boccioni*]* dans sa sculpture « Formes continues dans l’espace » ou à celle de [**Jacob Epstein*] dans son « Rockdrill » : une fusion réussie d’une machine mécanique et d’un être vivant. Cette idée était donc bien dans l’air : Il s’agit d’une constante d’époque. Naturellement il y eut d’autres tentatives, par d’autres artistes, mais elles eurent un impact réduit, voire inexistant. Seules ces trois là sont considérées, à juste titre, comme accomplies. Le temps a fait son œuvre.
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WUKALI 26/01/2018)]