An American impressionist woman painter in Paris. Brilliant retrospective and exhibition at Musée Jacquemart-André
Culturespaces et le Musée Jacquemart-André organisent une grande rétrospective consacrée à Mary Cassatt (1844 – 1926). « [**Mary Cassatt, une impressionniste américaine à Paris *] » du 9 mars au 23 juillet.
Bien qu’elle ait vécu soixante ans en France, elle était considérée de son vivant comme la plus grande artiste américaine. Elle-même se considèrera comme américaine. Au fil de cette exposition, on découvre à quel point son art est français. Son impressionnisme subira l’influence de [**Degas*], son ami. Elle admirera aussi [**Manet*], [**Courbet*]. Pourtant, elle s’intéressera très tard et très peu aux paysages, sujets de prédilection des impressionnistes.
C’est la première grande rétrospective consacrée à Mary Cassatt depuis 100 ans, avec une soixantaine d’oeuvres majeures. Un régal !
– [**Les premiers pas d’une impressionniste (1868 – 1879)*]
On suit les premiers pas de cette artiste issue d’une famille aisée d’origine huguenote. Les Cassatt se sentaient chez eux en France. Ils feront de nombreux aller-retour entre les Etats-Unis et la France où ils finiront par s’installer définitivement. Mary Cassatt viendra à Paris en 1865, à la fin de la guerre de Sécession. La capitale française est un peu le « centre du monde », c’est là où l’on trouve les ateliers les plus en vus et les maîtres les plus célèbres. Elle fréquentera plusieurs d’entre eux, encore hésitante quant à la direction à prendre et les modèles à suivre. « Les tableaux de ses débuts sont symptomatiques de cette hésitation, dans le style, dans la manière de peindre. » commente l’un des commissaires de l’exposition, [**Pierre Curie*], Conservateur du Musée Jacquemart-André.
La joueuse de Mandoline est le premier tableau qu’elle présentera au Salon Officiel de 1868. Ce premier succès confirme auprès de sa famille qu’elle a du talent et qu’elle peut faire une carrière. Dans ses peintures de l’époque, on ne peut toutefois pas encore déceler quel art la jeune américaine va développer. Le déclic se fera avec la découverte de [**Degas*]. Marie Cassatt se promène dans Paris avec son amie [**Louisine*]. Dans une galerie Boulevard Haussmann, Mary Cassatt tombe en admiration devant deux œuvres de l’artiste, une répétition de ballet et des chevaux à Longchamp. Séduite, elle fera tout pour rencontrer Degas. Parallèlement, Degas lui-même avait repéré Mary Cassatt. Quelle meilleure manière de faire connaissance par œuvres interposées ? Les deux artistes vont se rencontrer et de là va naître une amitié artistique et personnelle. « Ils ont un peu le même caractère, un peu bourru, un sens de l’humour un peu « vache », acide, mais ils s’entendent bien. Ils se fâchent souvent aussi mais se réconcilient aussitôt. Degas va prendre Mary sous son aile protectrice et va l’aider dans ses débuts parisiens. » précise Pierre Curie.
De cette découverte, Mary Cassatt dira : « J’allais souvent m’aplatir le nez sur cette vitrine, et absorber autant que je pouvais son art. Cela changera ma vie. »
Une américaine à Paris, à la recherche de « l’art moderne ». Elle va faire évoluer sa technique sous l’influence de Degas, ira vers une plus grande liberté dans la touche, vers un travail plus spontané. Elle se verra pourtant refuser quelques toiles à différents salons officiels, à l’époque, seule voie d’accès à la reconnaissance. « Elle est vexée d’essuyer des refus, commente Pierre Curie, car c’est une femme qui avait de l’orgueil et qui avait conscience de sa valeur. Elle exposera au salon des indépendants, qui deviendra le salon des impressionnistes. [**Monet, Pissarro, Renoir, Sisley*] et d’autres y participent, librement. Un vent de révolte soufflait contre l’art académique et contre les jurys qui faisaient la pluie et le beau temps. C’est l’époque de la révolution en peinture. On pense à[** Manet*], et son « déjeuner sur l’herbe ».
Dans cette première partie de l’exposition, on découvre un très beau tableau de Degas, « Miss Cassatt et sa sœur au Louvre ». Puis nous nous attardons devant plusieurs gravures créées pour une revue d’art qui ne sera jamais publiée. [**Degas*] et [**Pissaro*] participaient au projet avec [**Mary Cassatt*]. La « Scène d’intérieur » (The Visitor) de la jeune femme est particulièrement belle et énigmatique. Degas lui apprendra à graver, et durant toute sa carrière, elle testera toutes sortes de techniques : pointes sèches, aquatinte, eau forte… jusqu’à devenir une virtuose de la gravure. <doc5452|center></doc5452|center>
On aime « Mary Cassatt peinte par Degas ». Un portrait qu’elle détestait cependant car Degas la vieillissait sur la toile et la pause choisie par le Maître pouvait paraître inconvenante pour l’époque. Le tableau est néanmoins superbe, avec un audacieux décentrage de la figure, la vision en plongée et un espèce d’instantané qui fait que nous « surprenons » Mary Cassatt en train de présenter des « cartes de visites ». Il est intéressant de comparer l’autoportrait de Marie Cassatt réalisé à l’aquarelle et datant de la même période. Elle porte la même tenue, le même chapeau, le même nœud. Nous reconnaissons aussi la « manière Degas » dans le portrait qu’il a fait de l’américaine, Mary cassat – A l’opéra, 1880.
On s’émerveille devant le chef d’œuvre « Petite fille dans un fauteuil bleu »
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Ce tableau est d’une extrême modernité. Degas a donné des conseils à Mary Cassat et serait même intervenu dans l’exécution du fond pour approfondir la perspective. Etonnant sujet que cette petite fille dépenaillée sur son fauteuil avec toujours cette même idée que l’on retrouve chez Degas aussi, celle de surprendre son modèle. « C’est comme si nous venions d’ouvrir la porte du salon et avions réveillé la petite fille de sa sieste. » nous précisera Pierre Curie, qui ajoute encore : « La technique est éblouissante de virtuosité mais aussi de facilité. Elle a de l’or au bout des doigts. Même si [**Degas*] est très présent, on sent dans cette œuvre son admiration pour [**Manet*]. Elle aime ce peintre, ainsi que[** Courbet*]. Ce naturalisme qui l’intéresse tant va se retrouver dans son œuvre tout au long de sa vie.»
– [**L’impressionnisme au quotidien (1880 – 1888)*]
Peindre la vie quotidienne, comme les impressionnistes, Mary Cassat le fait avec bonheur. On aime ses scènes d’intérieurs, les portraits de ses proches, qu’elle regarde avec tendresse.<doc5460|center> </doc5460|center>
Elle a peint sa sœur [**Lydia*], élégante et coquette. On la surprend en train de prendre le thé sans un salon, dans une tenue rose. Elle était du reste toujours très contente de retrouver Mary à Paris, ville de la mode et de la création, ville des grands couturiers. La jeune femme était éblouie. « Surtout quand on vient de Pittsburgh, précise Pierre Curie. Dans ces années-là, c’est une ville encore très provinciale. c’est le « Far West !». Lydia souffrait d’une maladie orpheline. Elle mourra très jeune et ce sera pour Mary Cassatt une épreuve terrible de perdre sa sœur. Mary sera toujours un peu dépressive au cours de sa vie.
Un petit frère était mort dans les années 1850. Il avait 13 ans et à l’époque, la famille Cassatt s’était déplacée en Europe en France et en Allemagne pour essayer de le soigner.
Autre personne très importante pour Marie, son frère, [**Alexander Cassatt,*] un homme d’affaires américain, président de la société de chemin de fer, Pennsylvania Railroad, la <doc5455|right>compagnie ferroviaire sans doute la plus importante du monde. Ce superbe tableau montre bien le lien d’affection qui unit Alexander Cassatt à son fils mais aussi toute la tendresse que Mary éprouve pour son frère et son neveu. </doc5455|right>
Comme on le voit encore là, c’est une portraitiste, peintre des figures, et le noir, ne lui fait pas peur. Elle utilise toute une variation de tons. C’est une couleur qui rebute les impressionnistes purs et durs, à l’exception de quelques uns, comme Manet, Degas. Précise encore Pierre Curie. « Tout ce qui est autour des personnages est peint rapidement, avec une habilité redoutable. On voit aussi comment est traité le fauteuil, dans sa perspective, son volume… Tout y est, avec une économie de moyens stupéfiante .».
– [**Mère à l’enfant, la modernisation d’un thème (1888 – 1900)*]
Mary Cassatt est très entourée d’enfants, de neveux et de nièces. Elle les accueillera, s’en occupera et sera très présente. Ce seront ses premiers modèles et cela génèrera la thématique de la mère à l’enfant qu’elle développera tout au long de sa carrière. Paradoxalement, elle ne se mariera pas, n’aura pas d’enfant.
Son amie[** Berthe Morisot*] était aussi une artiste intimiste qui mettait en scène ses proches avec beaucoup de douceur. Berthe fera aussi le lien entre l’américaine et [**Edouard Manet*], son beau-frère. Les deux femmes partageaient des motifs intimes, des moments simples qui racontent la douceur des choses, des thèmes qui n’étaient pas souvent traités par les impressionnistes masculins de l’époque. On découvre aussi Mary Cassatt, grande pastelliste. Elle a réalisé pratiquement autant d’huiles que de pastels. On la relie, là encore, à la tradition française dans cette technique rapide et directe. On admire par ailleurs le fabuleux travail des visages et de la carnation.
– [**Expérimentations, le processus créatif de Mary Cassatt (années 1890)*]
<doc5456|left>On prend la mesure de sa capacité à assimiler l’art de son époque dans cette section : les effets, les ambiances, les fondus des peintres impressionnistes et leur touche libre et enlevée. Elle aime aussi l’inachevé qui modernise un tableau. « Il y a cette idée nouvelle de présenter des toiles inachevées en les signant. Degas l’avait déjà fait. Il s’agit de montrer une œuvre dans sa création. » commente Pierre Curie. C’est quelque chose de très intéressant pour le public ». </doc5456|left>
On découvre encore l’artiste graveuse, une de ses techniques de prédilection.
Elle sera injustement exclue du groupe de graveurs qui promeuvent la technique au seul motif qu’elle n’était pas française ! Le danois [**Pissarro*] subira le même traitement. « C’est étonnant mais tout à fait dans l’esprit de l’époque où il était dit que les peintres graveurs devaient être français ! » Commente Pierre Curie. Ces deux artistes auront leur exposition à part, en dehors du groupe. Le travail de Mary Cassatt participe grandement au renouveau de la pratique de la gravure de l’époque. Elle exposera chez [**Paul Durand-Ruel*] qu’elle encouragera à ouvrir une galerie à New York. Il connaitra un grand succès là-bas et un peu grâce à elle, l’impressionnisme va vraiment démarré aux Etats-Unis. « Il ne faut pas oublier, explique Pierre Curie, que Monet a vendu beaucoup plus de tableaux en Amérique que chez nous ! L’impressionnisme n’a jamais vraiment bien marché en France. Parmi les collectionneurs, on trouvait soit des artistes, soit des galeristes. Par ailleurs, les avant-gardes françaises se succèdent avec une telle rapidité à partir de 1895, que cette école impressionniste fut d’une certaine façon assez vite démodée avec l’arrivée du fauvisme, pointillisme, cubisme etc…. L’impressionnisme s’est installé aux Etats-Unis et a fait la fortune des peintres comme Monet ou encore des galeries comme celle de Durand Ruel. » <doc5457|center></doc5457|center>
De l’eau-forte en passant par la pointe sèche, l’aquatinte, Mary Cassatt était fascinée par les défis qu’offrait la gravure. « C’est une expérimentatrice, elle aime aller vers des territoires qu’elle ne connaît pas. » dira encore Pierre Curie.Elle subira également l’influence japonaise, très présente dans le milieu artistique de l’époque.
– [**Modernité (1892 – 1915)*]
On retrouve dans cette section des oeuvres liées à la grande peinture murale Modern Woman que Mary Cassatt a créée pour le Woman’s Building de l’Exposition universelle à Chicago en 1893. « On a souvent associée Mary Cassatt au féminisme. C’est vrai et c’est faux tout à la fois » explique Pierre Curie, «Il faut bien comprendre le féminisme de 1890 comme quelque chose de très différent de celui d’aujourd’hui. Elle est amie de [**Louisine Havemeyer*] qui elle, est vraiment une féministe combattante, une vraie suffragette américaine. Mary Cassatt est davantage dans la retenue de par son éducation. » <doc5458|center></doc5458|center>
Après 1900, ses amis lui demandent fréquemment de représenter leurs enfants. « Elle était devenue la grande spécialiste de ce type de peinture. Dans ces tableaux et notamment ces maternités, Mary Cassatt a toujours gardé ce sens de la surprise. Les modèles sont saisies dans un espèce d’instantané. » commente Pierre Curie.
Dans la dernière salle, une toile étonnante. « C’est le « petit Jésus avec sa nurse anglaise ! » ironisera [**Degas*], qui a dit encore, avec humour : « Je ne supporte pas qu’une femme dessine aussi bien ! »
On retrouve ici l’aboutissement de sa thématique de la mère à l’enfant. Elle l’élargit encore jusqu’à s’ouvrir à une thématique quasiment chrétienne avec deux signes parfaitement identifiables. Une auréole formée par le miroir dans l’arrière-plan et aussi par cette nudité de l’enfant, cette façon de monter le sexe du petit garçon, fait étonnant pour l’époque.
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Mary Cassatt va peu a peu perdre la vue. Son opération de la cataracte a échoué. Par ailleurs, elle sera diabétique, à une époque où on soigne très mal cette maladie. Cela aura une grande incidence dans son travail. Sa technique s’est empâtée, elle est moins virtuose mais le résultat reste néanmoins surprenant et intéressant. Mary Cassatt devient aveugle en 1921 et meurt le 14 juin 1926 au Le Mesnil-Théribus dans L’Oise, où elle sera enterrée.
Cette américaine à Paris restera dans l’esprit de tous une femme libre et moderne, reconnue internationalement à une époque où il n’était pas facile de se frayer un chemin dans le monde fermé de l’art. A découvrir jusqu’au 23 juillet.
<img5451|right>[**Pétra Wauters*]</img5451|right>
[**Exposition Mary Cassatt*]
musée Jacquemart André
Commissariat général :
[**Dr. Nancy Mowll Mathews*], historienne de l’art et conservateur.
[**Pierre Curie*], conservateur du Musée Jacquemart-André
Musée Jacquemart André, 158, boulevard Haussmann, 75008 Paris
Accès: Métro : Lignes 9 et 13, stations Saint-Augustin, Miromesnil ou Saint-
Philippe-du-Roule. Ouvert tous les jours de 10h à 18h.
Illustration de l’entête: Mère et l’enfant (Le miroir ovale), (détail) 1899, huile sur toile, 81,6 x 65,7 cm, The Metropolitan Museum of Art, collection H.O Havemeyer, legs de Mme H.O Havemeyer, 1929 © The Metropolitan Museum of Art, Dist. RMN-Grand Palais / image of the MMA
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WUKALI 16/03/2018)]