The beating heart and origins of the Renaissance
C’est [**Jacob Burckhardt*] qui, pour la première fois au XIXe siècle, a couché sur papier le terme « Renaissance » pour qualifier une période de grands changements politiques, économiques et culturels en Europe couvrant plus de trois siècles. Implicitement italienne, elle marque la transition entre le Moyen âge et l’Époque dite moderne. Pour Burckhardt, elle commence toutefois bien avant l’heure, avec la période dite de la Pré-Renaissance. Une période cruciale, prolifique et essentielle dans l’histoire de l’art italien qui échappe malheureusement à l’imagerie populaire que l’on possède de la Renaissance. Une période de près d’un siècle qui a marqué des tournants politiques et artistiques vertigineux et a permis d’ouvrir la voie aux célèbres dirigeants et talentueux artistes de la génération suivante, celle du fameux Quattrocento (XVe siècle italien).
La Pré-Renaissance, c’est avant que [**Dante*] n’écrive la Divine Comédie, que les [**Médicis*] ne règnent en maître sur [**Florence*] et que les artistes ne soient libres de représenter des sujets profanes. Avant que [**Cosme l’Ancien*] et [**Laurent le Magnifique*] ne mènent des politiques de mécénat intenses et que [**Botticelli, De Vinci*] ou [**Raphaël*] ne maîtrisent des formes, les expressions et les couleurs. C’est au Duecento et Trecento, XIIIe et XIVe siècle italiens. Au moment où les ordres religieux commandent des œuvres aux Primitifs italiens qui, se détachant progressivement des stricts crédos byzantins, opèrent à une véritable révolution picturale. Au moment la peinture commence à s’animer, où les corps sont normalisés, tout autant que les expressions et les décors. Au moment où l’artiste commence à se faire un statut social et crée l’avant-garde. Sans cela, sans eux, sans leurs soutiens, leurs audaces en leurs temps, un autre visage pour la Renaissance.
[**Duecento et Trecento, cités états et ordres mendiants en Italie*]
Tout est d’abord une question économique. Au XIIe siècle après les Croisades, les routes commerciales de l’Orient s’ouvrent et l’Italie, au centre de la Méditerranée, devient une plaque tournante entre Europe et Asie. On entre dans une ère nouvelle. Dans les premiers temps du XIIIe siècle italien, le Duecento, les marchands italiens s’enrichissent, la bourgeoisie émerge tout autant que la rivalité entre les cités indépendantes de Florence, Milan, Sienne, Urbino, Mantoue, Naples et Venise, sans oublier les états de la papauté de Rome. Elles se concurrencent intensément dans les domaines de la politique, de l’économie mais surtout des sciences et des arts.
Parallèlement, deux ordres religieux catholiques stricts, ordres dits mendiants, se partagent les fidèles italiens. L’Ordre des Frères mineurs (Franciscains) est né sous l’impulsion de [**Saint-François d’Assise*] en 1210 et l’Ordre des Prêcheurs (Dominicains) a été fondé en 1215 par [**Dominique de Guzman*]. Il s’agit de confréries primitives fondées en réaction contre le catharisme et l’hérésie et basées sur la pauvreté, la prédication, le travail, l’aumône et la chasteté. A Florence, les frères se mêlent à la population et les quartiers se partagent. La notoriété des Frères est telle qu’il finiront par s’improviser premiers mécènes d’une génération d’artistes ayant travaillé aux XIII et XIVe siècle, les Primitifs italiens. Frères et peintres useront de l’art pour imager les écritures saintes, attirer les fidèles et aider à la contemplation. La politique, l’économie, tout autant que la religion se mêlent rapidement à l’art et ces deux domaines en deviennent presque dépendants.
[**Cimabue, premier des primitifs en lutte contre le hiératisme byzantin*]
Le terme «primitifs italiens» désigne les peintres en Italie qui, suivant les préceptes des Frères mendiants, réalisent des œuvres empreintes d’un message évangélique humain. Principalement exécutées sur des retables, les compositions suivent les crédos du [**Concile de Latran*] de [**1215*], et sont placées derrière l’autel des églises pour séparer les espaces sacré et laïc. Sous l’impulsion de leurs commanditaires qui veulent donner l’image d’une Église proche du fidèle, les Primitifs amorceront très vite un changement du traitement de la peinture en introduisant des principes picturaux nouveaux. [**Cimabue, Duccio, Giotto, Martini*] et les frères [**Lorenzetti*] passent d’un style byzantin et gothique figé à un style vivant typiquement et proprement italien. Ils humanisent, normalisent la peinture et donnent à voir à l’œil des productions de plus en plus naturalisées.
[**De l’évocation à la représentation pour une cohérence des images*]
A l’image de son maître, le second primitif [**Duccio da Buoninsegna (1255-1319)*] a fini par dépasser les canons byzantins en assouplissant ses schémas et en tempérant le hiératisme ou la raideur. Sa Madone Rucellai de 1285 est d’une ressemblance frappante avec celle de Cimabue, mais présente cependant un effort supplémentaire sur les volumes. [**Giotto di Bondone (1267-1337)*] quant à lui développe une profondeur spatiale réaliste, un point de fuite perspectif. Il met l’accent sur les attitudes et la communication entre les personnages.
[**Pré-Renaissance et Primitifs italiens, bases posées de la modernité*]
C’est après cette période de Pré-Renaissance et grâce aux travaux de ces maîtres précoces que les bases de la Renaissance se fixent. Ils ont ouvert la voie de la culture humaniste qui revalorise la place l’homme et de la culture après le Moyen Age ou l’Age sombre. La lumière revient au contact de l’Antiquité : on pratiquera intensément l’archéologie et on reviendra sur les textes des Anciens pour atteindre l’idéal, l’Âge d’or antique. Les artistes mais aussi les théoriciens comme [**Pétrarque*] et [**Filippo Villani*] liront le De Architectura de [**Vitruve*], daté du Ier siècle avant JC, pendant que [**Cennino Cennini*] commencera à rédiger son Libro dell’arte. Les artisans deviennent artistes : le mot “artiste’‘ a été posé par [**Dante*] dans la Divine Comédie. Il s’agit d’un homme capable de faire un projet intellectuel (esprit) et technique (main), doué d’adresse (ars) et muni d’un talent inné (ingenium). Peu à peu, les maîtres ouvriront des ateliers, rejoindront des corporations et recevront des commandes nombreuses et variées, à l’image des commandes passées par les [**Médicis*].
L’humanisme fait opérer aux théoriciens et artistes à trois différents processus : la restitution (redécouverte du vocabulaire antique), l’intégration (réutilisation et réappropriation de ce vocabulaire) et enfin la rénovation (dépassement des Anciens). Simultanément à sa théorisation, la renovatio s’est appliquée aux trois arts du dessin, et donc peinture, sculpture et architecture. D’abord, on redécouvrira les corps : les artistes travaillent sur la corporéité et les manières de rendre l’anatomie réaliste, sur les techniques de mise en espace et de mise en scène du corps et sur le moyen de le rendre support d’émotions. Mais surtout, c’est à la Renaissance que l’on mettra au point, entre tant d’autres choses, la perspective (de prospicere siginifiant regarder au loin). Un artifice graphique résultant techniques mathématiques et permettant de figurer des corps dans un espace en trois dimensions, la perspective, offre une façon de reproduire la réalité qui va durablement bouleversé les arts figuratifs. Suite à ses avancées, les peintres et sculpteurs achèvent des oeuvres naturalistes, nararratives et finalement souvent profanes. L’architecture quant à elle s’accrochera au principe de mesures pensées par l’homme et pour l’homme.
Illustration de l’entête: L’Annonciation. Simone Martini. 2,65m x 3,05m. Florence, Offices
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WUKALI 31/03/2018)]