Depuis le 17 mai 2013, le mariage est ouvert aux couples de même sexe en France. A partir des données d’état civil sur les mariages et de l’enquête Famille et logements (Insee 2011), Gaëlle Meslay, doctorante à l’Ined, nous éclaire sur le nombre et les caractéristiques sociodémographiques des couples de même sexe qui ont choisi de se marier. Les couples d’hommes sont plus âgés et plus souvent parisiens que les couples hétérosexuels, tandis que les caractéristiques des couples de femmes sont proches de celles des couples de sexe différent. En revanche, les couples binationaux sont plus rares chez ces dernières. Elles accordent par ailleurs une plus grande importance aux enjeux juridiques liés à l’adoption.
Les couples gays se marient à des âges plus avancés
Entre 2013 et 2017, 39 916 mariages de même sexe ont été célébrés (sur un total de 1.180 637 mariages), dont une part importante durant la première année. Des écarts relativement importants sont observables entre les couples gays et lesbiens (on compterait six couples gays pour quatre couples lesbiens). Pour les gays, il existe une surreprésentation des plus âgés chez les mariés (plus de 45 ans au moment du mariage), tandis que pour les lesbiennes, c’est la catégorie des 25-34 ans qui est particulièrement surreprésentée.
Dans la mesure où les couples de même sexe ayant des enfants sont en grande majorité des couples de femmes, une partie d’entre elles s’unissent dans un but de filiation lié à la reconnaissance du statut parental des deux conjointes. À ce titre, bien que les lesbiennes aient d’abord été moins nombreuses à se saisir du mariage que les gays (près de 40 % des mariages en 2013), leur nombre augmente au fil du temps pour devenir légèrement supérieur à celui des hommes en 2017. En revanche, pour les hommes qui choisissent de se marier, c’est surtout l’avancée en âge qui importe. Parmi eux, il y a des couples dont les durées de relation étaient relativement longues et qui se sont mariés pour des raisons juridiques, militantes, ou simplement parce que cela représentait l’aboutissement de leur relation. Cela explique sans doute un effet de rattrapage.
Les couples gays sont plus souvent parisiens
Les couples de femmes mariées résident plus souvent que les couples d’hommes dans des communes rurales, dans des petites villes et dans des villes de taille moyenne. À l’inverse, les couples d’hommes résident bien plus fréquemment dans l’agglomération parisienne (c’est le cas de 28 % d’entre eux, contre 16 % des couples mariés de femmes et 19 % des couples mariés de sexe différent).
Cette localisation parisienne apparaît comme une spécificité gay qui peut s’expliquer par des mobilités vers la capitale. Le choix de l’Île-de-France se détache de façon bien plus importante pour les gays dans les migrations nationales que pour les lesbiennes. Par exemple, une partie des gays mettent en avant le choix de Paris pour accéder à des rencontres et investir des lieux de sociabilité homosexuelle, tandis que la sociabilité lesbienne se réalise plus souvent dans un cadre privé. Cela s’explique aussi par un critère de proximité avec les parents qui semble plus important pour les femmes que pour les hommes.
Les couples binationaux sont plus rares chez les couples de femmes
On observe bien moins souvent de couples binationaux chez les couples lesbiens : 5 % des couples de femmes mariées sont binationaux, soit 3 fois moins que les couples gays et les couples hétérosexuels dont les proportions sont proches (16 % des couples d’hommes mariés et 14 % parmi les couples hétérosexuels). Ces différences semblent reposer sur une homogamie plus grande dans les couples de femmes. Elles se « ressemblent » davantage que les hommes en termes d’âge par exemple, ainsi qu’en termes de nationalité. Cela peut aussi s’expliquer par le fait qu’elles se rencontrent plus souvent dans des lieux privés où elles sont donc plus susceptibles d’avoir des profils similaires.
L’expérience d’un mariage hétérosexuel pour un couple homosexuel sur cinq
On compte un peu plus de remariages dans les couples de femmes : dans 20 % des cas, l’une d’entre elles a été mariée par le passé, contre 18 % pour les couples d’hommes. Pour les couples de même sexe, il s’agit très certainement de premiers mariages hétérosexuels, dans la mesure où la loi paraît trop récente pour que l’opportunité de deux mariages de même sexe ait pu se présenter. Il y là un effet de génération : les relations hétérosexuelles et leur institutionnalisation via le mariage représentaient davantage une obligation auparavant, tandis que cela tend à s’atténuer au fur et à mesure que les relations de même sexe trouvent une reconnaissance juridique et sociale.
Chez les plus âgés, le mariage de sexe différent pouvait aussi être investi pour accéder à la parentalité, dans un contexte où les possibilités envisageables apparaissaient bien plus restreintes qu’aujourd’hui. On sait par exemple que dans les couples lesbiens, les enfants de moins de cinq ans sont bien plus souvent nés via l’aide médicale à la procréation, tandis que les enfants plus âgés étaient davantage conçus dans le cadre d’une précédente union hétérosexuelle.
Pour en savoir plus :
Gaëlle Meslay, 2019, « Cinq ans de mariages de même sexe en France : des différences entre les couples d’hommes et les couples de femmes », Population-F, décembre 2019.
À propos de L’Ined :
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