En un mot, quand musique et littérature se rencontrent, le cocktail est délicieux
Voilà une soirée des plus originales proposée ce lundi 16 août 2021 dans le Parc de Florans : un récital autour de Madame Bovary. Le pianiste passionné par le roman de Gustave Flaubert, paru en 1857, nous commente son programme en trois étapes, avant de regagner son piano, à chaque fois sous les applaudissements du public.
Ainsi, une dizaine d’œuvres illustre les différentes périodes de la vie de cette femme qui visiblement l’a touché. On se souvient que Flaubert avait déclamé en son temps : « Madame Bovary, c’est moi !» or manifestement David Kadouch pourrait faire sienne cette formule et pourquoi pas nous ? Le genre humain, toujours en quête du bonheur, n’est-il pas souvent assailli par une insatisfaction perpétuelle que ce soit à l’époque des Bovary ou de la nôtre ? Ce pourrait être un sujet de philo, vous avez trois heures pour remettre votre copie !
« A son époque, on parlait d’ennui, de mélancolie, aujourd’hui on appelle cela une dépression. » nous dit David Kadouch
Ambiance particulière ce soir-là ! On tend l’oreille pour l’écouter. Le pianiste-conteur déroule le fil de la vie d’Emma, ce qu’elle a été, ce qu’elle aurait pu être si…
Une clameur nous parvient de la cime des arbres qui se plaignent à leur tour et se balancent en cadence. C’est toute la nature qui communie avec Emma Bovary, David Kadouch et son piano, et nous public, savourons l’instant. Avons-nous l’humeur « spleen » ? C’est bien possible !
Fanny Mendelssohn : Mai, extrait de Das Jahr, composé par la sœur de Félix Mendelssohn. Des effets de grande virtuosité prouvent, si besoin était, que cette femme était une grande compositrice. Mais voilà, nous sommes au XIXème siècle, et sa condition sociale, les interdictions de son père, de son frère, ont ruiné sa carrière.
Pourquoi mai ? Le mariage d’Emma Rouault a eu lieu en mai. Elle va s’enliser dans une routine destructrice. Viendront ensuite de la même compositrice, septembre, mars et Notturno. Des extraits superbement interprétés par un grand Kadouch particulièrement inspiré.
« Elle est prise au piège de son époque, explique le pianiste. Elle n’est pas heureuse dans sa condition de femme et d’épouse ». David Kadouch nous parle « d’abattoir du mariage ».
Et pour mettre « en musique » Emma Bovary, le pianiste a choisi des hommes ou des femmes compositeurs, Frédéric Chopin, Franz Liszt, Clara Schumann, Fanny Mendelssohn et d’autres femmes brillantes, par ailleurs injustement oubliées ! On sait que le jeune homme aime faire découvrir de nouvelles œuvres au public comme il aime « réinventer » de nouvelles formes de concerts pour piano autour de la « grande Histoire » ou encore de la danse. « Révolution », » Dansez-le moi », et « Madame Bovary » sont quelques thèmes de ces récitals-hommages qui permettent au jeune homme de se renouveler et en quelque sorte de « romancer » son piano.
On se fond dans l’humeur de ces œuvres romantiques. Tantôt on sombre dans la morosité, tantôt on reprend espoir. Cependant la frustration est toujours présente. « La transcendance par l’art est quelque chose qu’Emma Bovary ne pourra pas obtenir : la danse, la peinture, la musique sont très présents dans sa vie, cependant elle souffre de ne pas pouvoir s’épanouir en les pratiquant ». Le pianiste nous parlera un peu de ses hommes, son mari Charles, ses amants… et la musique, aussi joliment que les mots, de nous livrer beaucoup de lumière saupoudrée de noirceur.
Puis, le pianiste nous emmène vers Chopin: Trois Nocturnes opus 9 pour illustrer l’obscurité qu’Emma porte en elle. Des interprétations pourtant tout en « douceur » : tout y est subtil, suggéré, presque « féminin », jamais surligné. La partition dans ses moments les plus mélancoliques parle à chacun de nous. Chopin encore dans le bis, la Valse op. 64 n°2 en do dièse mineur. Une valse que le pianiste nous présente dans toute sa gravité et sa mélancolie
David Kadouch est puissant dans son jeu, son bras tout entier se soulève, ses épaules, ses poignets, s’animent, le geste est théâtralisé mais rien n’est jamais trop fort, jamais scandé ou martelé. Il ne va pas « nous chercher », on va vers lui. Et lorsque ses doigts nous chuchotent encore les moments plus secrets et mystérieux de la partition, on est envouté !
Pauline Viardot : Sérénade
Frédéric Chopin : Trois Nocturnes opus 9
Fanny Mendelssohn : Septembre, extrait de Das Jahr
Léo Delibes : Coppélia « Valse lente »
Louise Farrenc : Air russe varié
Fanny Mendelssohn : Juin, extrait de Das Jahr
Franz Liszt : Réminiscences de Lucia di Lammermoor
Clara Schumann : Variations sur un thème de Robert Schumann opus 20
Fanny Mendelssohn : Mars, extrait de Das Jahr
Fanny Mendelssohn : Notturno en sol mineur
Autre bis Hensel-Mendelssohn : Mélodie op. 4 n°2