Témoin parmi les hommes tel qu’il aime à se définir, Olivier Weber, écrivain-reporter à la manière de Joseph Kessel, se devait d’aller voir en Ukraine ce qui s’y passe depuis que Poutine a déclenché son opération spéciale qui, bien évidemment, est une véritable guerre. Après avoir parcouru toutes les zones de combat dans le monde entier et avoir exploré le Mustang, petit royaume rattaché au Népal pour se laver la tête de toutes les horreurs auxquelles il a été confronté, Olivier Weber n’a pas hésité. Il a repris son sac à dos pour aller à la rencontre des combattants, militaires ou non et pour aller à la rencontre des civils jeunes et moins jeunes qui subissent les bombardements et qui résistent à l’envahisseur russe.
C’est en rencontrant les Ukrainiens qu’il se rend compte qu’une nation est en train de naître. La symbiose entre les combattants et les civils est totale, l’engagement de toute la population dans la lutte contre l’envahisseur est profond et ne fléchira pas. Olivier Weber demande donc à l’Europe d’accorder le statut de membre à part entière de l’Union européenne à ce pays qui, dit-il, est pétri de la philosophie des Lumières. L’Europe, une Europe renouvelée, « ne doit pas finir à Kiev, mais y recommencer ».
Après être née sur les ruines de la Seconde Guerre mondiale et pour empêcher tout nouveau conflit en son sein, après avoir versé dans la technocratie, l’Europe est en train de renaître face à un conflit qui la force à se regarder en face. Pour Olivier Weber, il serait dommage « que les Européens oublient qu’ils sont, eux aussi, dépositaires de la liberté et de l’indépendance ukrainienne ». L’avenir dira ce qu’il en est, l’avenir dira si l’Europe s’agrandit jusqu’au Donbass et de quelle façon.
Comme toujours et au milieu des bombes ou dans les tranchées, l’écrivain-reporter fait appel aux philosophes, poètes ou romanciers qu’il convoque. Il cite tout au long de son récit Pouchkine, Apollinaire, Hannah Arendt et bien d’autres figures de la culture européenne mais aussi russe
Du nord au sud, il parcourt toute la ligne de front depuis Kharkiv, ville dont aujourd’hui tout le monde connait l’existence, jusqu’à Odessa, l’une des cibles de l’armée des envahisseurs dans laquelle il s’arrête longuement. Ville cosmopolite, ville-monde elle est, pour l’auteur, le symbole de ce que Poutine ne veut pas voir et encore moins avoir à ses portes. Le souvenir de Pouchkine y est encore bien présent, la riche vie culturelle avec son théâtre et son opéra, son port sur la mer Noire témoignent d’une ouverture au monde bien au-delà de l’influence russe. Poutine, par le déclenchement de la guerre, a ruiné toute la proximité que la culture ukrainienne pouvait avoir avec la culture russe. Les Ukrainiens en sont parfaitement conscients La paix et la coexistence pacifique sont encore loin.
Que l’on soit d’accord ou non avec son titre Naissance d’une nation européenne et avec ses conclusions visant à l’inclusion de l’Ukraine dans l’Europe, ces témoignages qui vont du chirurgien devenu officier à l’ancien directeur de l’école d’art dramatique d’Odessa devenu soldat, sont une pierre de plus pour la construction d’une Europe solidaire dont les frontières restent à définir. Et la question des frontières est ici posée de manière tout à fait concrète.
Olivier Weber
Naissance d’une nation européenne
éditions de L’Aube. 15€
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