Sous l’impulsion de sa mère qui rêvait d’être concertiste, Glenn Gould commence le piano dès l’âge de deux ans et demi, et s’y révèle aussitôt très doué. Il lit la musique avant même de savoir lire et écrire. Devenu adulte, il va totalement révolutionner la façon de jouer du piano, et vendre autant de disques que les plus grandes rock stars. Mais plus le public l’acclame, plus Glenn en souffre, car sa personnalité Asperger et hypocondriaque lui rend chaque concert extrêmement pénible et douloureux. Sans parler de sa vie privée, totalement sacrifiée… C’est l’histoire du destin extraordinaire et tragique d’un des plus grands artistes du 20ème siècle.
Glenn Gould, un destin hors du commun
Derrière ce destin hors du commun c’est une réflexion profonde sur le statut d’artiste qui sous-tend la pièce. Un statut que Gould n’a jamais cessé d’interroger, et de réinventer. « A quoi bon jouer une œuvre de Bach, si elle a déjà été jouée comme ça ? », répétait souvent le pianiste. Son obsession était donc à chaque fois d’apporter sa propre lecture à un concerto, à une sonate, à une partita… Lecture toujours différente de ce qui avait déjà pu être fait, joué, enregistré, quitte à changer le tempo de la partition, voire parfois même, à ne pas jouer toutes les notes… ou en jouer de nouvelles. Cette posture semblait faire écho à la fameuse réflexion de Federico Fellini qui disait : « Lorsque je me demande ce qui compte le plus dans l’acte créateur, la réponse qui me vient à l’esprit est simple : est-ce vivant ou non ? »
Cette histoire de Glenn Gould est vraie puisque l’auteur l’a inventée
Plus qu’un « biopic », c’est donc l’histoire d’un drame. Une tragédie familiale, shakespearienne, où plus le temps passe, moins les êtres qui s’y débattent n’ont de chance de trouver ce bonheur qui leur échappe, et bien au contraire, plus ils courent vers leur perte, et leur disparition prématurée.
Dans le destin de ce prodige l’auteur s’intéresse au rapport de Glenn à sa mère, jamais vraiment traité. Il existe peu de documentation disponible sur cette mystérieuse Flora Gould. Au détour de certaines biographies (celle de Razzana par exemple, Le dernier samaritain, mais aussi celle de Michael Clarkson, The secret life of Glenn Gould, a Genius in love) on apprend que cette mère a dormi dans le même lit que son fils unique une nuit sur deux, jusqu’à ses 15 ans. On sait aussi que Flora a mis Glenn au piano dès l’âge de deux ans et demi. Elle qui rêvait d’être concertiste, mais qui n’a jamais pu dépasser le statut de simple professeur de piano…
Ces quelques faits ont suffit à à l’auteur pour composer l’histoire d’une éducation particulière. Une éducation qui n’est pas sans rappeler celle prodiguée par le père de Mozart à son fils Amadeus. Cette fois ci, seulement, l’œdipe se joue avec la mère. C’est cette mère fusionnelle et probablement incestueuse que Glenn n’a jamais réussi à tuer symboliquement.
Le prix à payer
L’auteur s’interroge donc sur le prix à payer pour devenir un artiste de génie, le prix à payer aussi pour le rester. En se gardant de répondre de manière directe aux questions qu’il pose car les réponses sont toujours ambigües, ambivalentes, complexes. « Un jour, j’écrirai ma biographie, et elle sera certainement fictive », a déclaré Glenn Gould dans une interview, avec tout l’esprit délicieusement facétieux dont il savait faire preuve. C’est bien une pièce fictive mais où tous les événements relatés sont exacts, faisant écho à la maxime de Boris Vian, « cette histoire est vraie, puisque je l’ai inventée ».
Glenn, naissance d’un prodige au théâtre du Splendid
Jusqu’au 30/04/23
Infos et réservations :
Guichet : 48, rue du Faubourg Saint Martin 75010 Paris
Distribution : Josiane Stoleru, Bernard Malaka, Thomas Gendronneau, Lison Pennec, Benoît Tachoires en alternance avec Michel Scotto di Carlo, Stéphane Roux / Mise en scène : Ivan Calberac / Scénographie : Juliette Azzopardi, Jean-Benoît Thibaud / Lumières : Alban Sauvé/ Costumes : Bérengère Roland / Vidéo : Nathalie Cabrol / Assistante à la mise-en-scène : Florence Mato
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Illustration de l’entête: Glenn Gould peint par Valeriya Lakrisenko. Huile sur toile. 129,5/78,7cm. Saatchi Art Gallery