Je connais Pétra Wauters depuis de nombreuses années maintenant et elle occupe dans WUKALI une place très particulière, ses critiques y sont particulièrement appréciées. Qu’il s’agisse de critiques artistiques sur les expositions de peinture ou de critiques musicales (Festival d’Aix-en-Provence, Festival de Pâques), Pétra c’est notre Janus bifrons, et je lis moi-même ses textes avec grand bonheur. A cet égard ses relations des récitals et concerts du Festival international de piano de La Roque-d’Anthéron marquent avec élégance et tendresse nos étés. Très bientôt elle sera dans l’action et nous la lirons dans WUKALI rêvant d’assister avec elle à ces concerts uniques portés par la musique et le chant des grillons.
Pétra est une femme discrète, subtile et dynamique. C’est aussi une pédagogue et au delà de ses activités d’artiste-peintre, elle anime aussi des ateliers de peinture où elle enseigne l’art subtil et léger de l’aquarelle. C’est un oeil, un regard, une écoute attentive et bienveillante. Elle a le talent du partage, de la pédagogie pour valoriser son art, et par dessus tout, elle sait faire aimer. Elle possède admirablement bien la technique dont elle se plait à entrouvrir les secrets, et sert ainsi bien l’art de l’aquarelle, toujours souriante et attentive aux autres.
Ouverte sur le monde et grande voyageuse, elle a durant neuf années bourlingué en Espagne et en Argentine, Pétra Wauters a dispensé de nombreux cours de peinture et a exposé également ses créations. Une longue tournée de ses œuvres a été organisée par l’Alliance Française de Buenos Aires dans différentes villes : Buenos Aires, Mendoza, La Plata, Mar del Plata.
De retour en France depuis 2004, elle continue de vivre avec ses deux passions, la peinture et le journalisme culturel. Elle expose régulièrement et enseigne différentes techniques artistiques dans des structures du Pays d’Aix.
Depuis 2021, l’aquarelliste anime des stages dans le domaine du Château de Sannes où « tous les sujets de la Provence se trouvent réunis dans ce paradis au cœur du Luberon ». La famille Gattaz a commandé à l’artiste une série de cartes représentatives du vignoble. On y découvre plusieurs points de vue, les vignes, le château, les jardins à la française et bien d’autres thèmes.
Des originaux de ces aquarelles sont exposés dans le caveau du Château, ainsi que d’autres productions emblématiques de la Provence.
Petra est aussi l’auteur du livre « Ma méthode d’aquarelle – Jusqu’au bout du pinceau » édité en 2021 aux Éditions Ulisse (cliquer pour lire critique dans WUKALI) et déjà réimprimé en 2022. On le trouve en France et dans tous les pays de langue francophone, y compris le Québec.
P-A L
Tutoriel, pas à pas et méthodologie
L’artiste nous offre un pas à pas d’une des plus vues les plus emblématiques du domaine viticole : le moulin, joliment restauré, entouré des vignes du domaine, il est situé à deux pas du petit village d’Ansouis, dans le sud Lubéron. Le château de Sannes est depuis 2017 la propriété Pierre Gattaz. Un parc somptueux abrite le château du XVIIe.
Moulin dans les vignes aux coquelicots
Je dessine précisément le moulin, c’est mon sujet roi. Il faut qu’il tienne son rang. Tourne tourne joli moulin. Édifice emblématique du domaine, il se moque du temps qui passe, se dresse fièrement au milieu des vignes. Quel que soit le point de vue, au fil des saisons, il est là, à la fois immuable et changeant, dans l’ombre et la lumière. Notre regard l’anime. Avec des pigments et de l’eau, on lui donne la vie, passé présent réunis.
1 Le dessin
Si mon trait de crayon est visible c’est pour vous permettre de bien voir le dessin sur mon cliché. De votre côté, essayez de l’alléger et utilisez de préférence un crayon HB, en aucun cas un crayon gras.
On n’échappe pas à la perspective, surtout lorsqu’il s’agit de planter des vignes et les laisser filer à l’horizon. Le point de fuite, au-dessus du 1er poteau à droite, sur la ligne des arbres derrière le moulin. C’est la photo qui me le donne. Les poteaux à l’intérieur des vignes se font discrets, car ils ne sont pas au premier plan, mais même évoqués, ils convergent vers ce point de fuite.
On débute souvent une peinture par le ciel. Toutefois, il arrive qu’il desserve le sujet qui se suffit à lui-même. Il fait beau sans lui. On le découvre bleu dans le blanc du papier. Donc attendons le diagnostic à la fin de l’aquarelle.
2 Le moulin et la colline au loin
Je débute par le moulin. Porte, fenêtre, les ailes, le toit, les ombres. Je mouille seulement le toit, pose un gris violet qui glisse sur la gauche sous le contrôle d’un pinceau propre pour préserver la lumière laissée blanche. Je laisse également blanche la partie en relief qui contient le mécanisme. Le reste du moulin se résume à des traits à l’aquarelle, à l’aide d’un pinceau fin et ferme pour aider à la précision. Ces traits sont juste fondus avec un peu d’eau. J’utilise cette même couleur grise-violette en ajoutant un peu de terre de sienne ou d’ombre brûlée pour les ailes. Je vérifie que mon toit est bien sec. A l’intérieur des pales le trait se fait plus discret et interrompu. Un lavis ocre rosé très dilué signifiera les murs. Là encore je pense à garder la partie droite blanche. Je passe à la colline au loin, légèrement bleutée. Le travail se fait dans l’eau, juste dans cette zone. Je mouchette de verts-violets-bleutés, à la base sans forcer sur les pigments. J’ajoute un peu de cette couleur qui marque les lointains entre les arbres. Très peu. Cela permet de faire tourner les couleurs sur l’ensemble de l’aquarelle mais aussi de tenir compte de la perspective tonale.
On aperçoit du reste quelques bleus-violets sur la photo modèle entre les arbres.
3 Piquets
Je pose sur les piquets ce même gris violet légèrement brun utilisé pour les ailes. Je laisse la partie gauche blanche même si elle n’est pas très visible sur le cliché. Il faut que la lumière s’accroche. Certes vous ne la voyez pas tout à fait blanche, mais c’est ainsi qu’elle peut se traduire à l’aquarelle. Seul le blanc du papier joue ce rôle lumineux. Je remets à plus tard le travail des vignes.
4 Les arbres au loin
Je remonte vers le moulin. Les arbres offrent quantité de verts. Ils paraissent foncés sur la photo.
Ce serait une erreur de suivre à la lettre ce que l’on voit sur le cliché. Je cherche plusieurs verts. Naturels! C’est souvent là que le bât blesse. Je trouve un premier vert de base que je prépare en quantité suffisante. Pour ma part, j’utilise souvent du jaune et du bleu, et j’ajoute une troisième couleur sur une autre partie de ma palette. Je peux choisir un vert, de vessie, ou vert sapin, ou encore un autre vert, mais j’évite les verts artificiels et l’ajout de trop de couleurs à la fois. Je dis souvent, à chacun d’effectuer ses recherches. Le travail des couleurs c’est son laboratoire propre, sa personnalité. Là encore on prend l’habitude de préparer suffisamment de couleur pour la surface à peindre. Je mouille les arbres en tenant compte de leur volume. Un à un, bouquet par bouquet, car je les veux séparés comme ils le sont.
J’ajoute des verts foncés. Ils peuvent se faire avec le vert de base, agrémenté de bleu outremer, un peu de rouge magenta ou une terre de sienne ou encore du brun van Dick. Tout est question de dosage, il faut surtout éviter de faire de la gadoue !
Je prévois des verts plus tendres, plus lumineux pour les zones exposées à la lumière. Au sommet mais aussi dans les bouquets de feuillages en relief. Avec la complicité de l’eau, toujours indispensable.
Nos verts ne doivent pas être trop vifs. On garde le peps pour le premier plan toujours pour une question de perspective. Lorsque ma haie est terminée, je vérifie que la base est suffisamment ombrée et j’ajoute des troncs et quelques branches. Celles-ci doivent apparaître naturellement dans les feuillages. J’étudie où et ne me précipite pas même si cela fait partie des détails. Une branche trop sombre accrochée dans le vide car elle ne s’engouffre pas dans les feuillages, attire le regard et nous fait perdre le sujet.
5 Les vignes
Je m’intéresse à la première rangée de vignes. Je mouille la première plante. Ici je le fais avec une eau légèrement colorée afin de vous permettre de mieux voir. Ainsi, vous distinguez déjà la vigne, les feuilles esquissées et leurs échappées. Je reviens pour redessiner des formes dans ces taches, pas trop, pour ne pas alourdir. J’ajouterai plus tard quelques piquets, dans la perspective. Je les habillerai lorsque la première rangée sera sèche, des vignes que je souhaite plus légères et adoucies que le premier plan. J’étire un lavis vert tendre jusque sous les arbres. Avant qu’il ne sèche j’ajoute des taches plus soutenues pour certaines horizontales mais la majorité à la verticale et courtes. On voit les vignes apparaître discrètement dans le lointain.
6 Le premier plan aux coquelicots
J’ai préparé des verts pigmentés pour le premier plan. Je les dispatche après avoir mouillé le papier. Les verts fusent et du coup se dégradent. J’évoque quelques herbes de diverses tailles et épaisseurs, sans excès, avec un pinceau fin. J’ai laissé de nombreuses zones blanches.
Dans la partie haute de ce premier plan, je glisse quelques orangers discrets, quelques-uns a l’horizontale . Je souhaite faire moins de détails que ce que je vois sur la photo. Trop de fleurs modifierait mon thème qui doit rester le moulin. Les coquelicots ne sont là que pour donner un peu de pétillant sur le devant de la scène. A un moment donné j’ai décidé d’arrêter. Finie la distribution de coquelicots! En revanche je réfléchis à la pertinence d’un ciel ou pas. Si je le fais, il ne pourrait être que très discret, superflu. Alors je tranche. Il n’y aura pas de ciel. Il fait beau, le soleil brille déjà.
Exposition Pétra Wauters
château de Sannes ( en plein cœur du Parc Naturel du Lubéron)
du 10 juillet au 6 août 2023
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