Le programme musical ambitieux et parfaitement réussi de Lucas Debargue
Arcadi Volodos n’a pu maintenir son concert du samedi 27 juillet pour des raisons de santé et on s’attendait à moins de monde sur les gradins à ciel ouvert du Parc de Florans. René Martin, directeur du festival, a donc demandé à Lucas Debargue de remplacer le pianiste russe au pied levé. Bien que le jeune musicien se trouvât dans la capitale, il n’a pas hésité à « descendre » dans le Midi et a honoré cette invitation « avec grand plaisir ». Le public avait la possibilité d’échanger sa place ou de reporter sa venue à une autre date. La majeure partie est restée et s’en félicite. L’invité surprise a « assuré ». Il faut dire que dans sa carrière, le jeune trentenaire a relevé quantité de défis et a toujours su se renouveler.
« Les interprétations du pianiste français Lucas Debargue, lauréat du prestigieux Concours Tchaïkovski, unissent force mentale, spontanéité et panache. L’essentiel de son travail, Lucas Debargue l’accomplit loin de l’instrument. C’est intérieurement qu’il apprend une œuvre, l’approfondit et la fait sienne. Ce mélange de force mentale, de spontanéité, de clarté cinglante et de panache fait tout le prix de ses interprétations. Une personnalité singulière dans le monde du piano. ». C’est ainsi que Bertrand Boissard, de Diapason et du Magazine de la Philharmonie, décrit le travail du pianiste.
Il est discret, Lucas Debargue, quasi effacé dans son entrée sur scène. Un peu de pression sans doute, car ce ne doit pas être facile de remplacer un pianiste au pied levé, quel qu’il soit. Et là, il s’agit quand même de Monsieur Volodos !
Mais la musique rassemble ! Le pianiste accroche dès la première œuvre jouée, on est rassuré, si besoin était.
Fauré : Neuf préludes opus 103. Lucas Debargue semble prendre son temps. Il s’installe, se réinstalle, cherche sa position par rapport au clavier, semble appeler « Fauré », dans un répertoire qui n’a pas toujours été le sien et que l’on découvre en partie aussi. Puis il se lance et livre un jeu tour à tour puissant et virtuose, recueilli, très concentré. Il force sur les contrastes, et les changements de tons se font avec une facilité déconcertante. On apprécie, comme il se doit, les moindres surprises harmoniques dont est truffée la partition. On découvre avec plaisir le jeune homme dans ce répertoire et son interprétation est tout à fait personnelle.
Beethoven : Sonate n°27 en mi mineur opus 90. Il s’agit d’une œuvre parmi les plus poétiques et les plus raffinées du compositeur allemand. On s’incline devant tant de délicatesse, de subtilités, des silences comme des moments d’indécision après des moments très enlevés et chantants. On aime l’allure, le climat insufflé dans le finale et dans le deuxième mouvement. On réalise à quel point il est complexe malgré l’absence apparente de grandes difficultés. Redoutable pour la main gauche, que l’on ne quitte pas des yeux ! Impressionnant.
Chopin sous les doigts de Lucas Debargue ne paraît pas si complexe, pourtant ce Scherzo n°4 en mi majeur opus 54 est considéré comme le plus difficile des quatre scherzos et il n’est pas évident de rendre toute la richesse de l’harmonie. On suit des yeux les doigts du pianiste : oui, ça va vite, très vite, et pour réussir cette performance, il faut des qualités pianistiques immenses. Lucas Debargue sait tour à tour exprimer l’angoisse, l’effroi mais aussi la tendresse, la mélancolie de cette pièce unique.
Après l’entracte, Lucas Debargue est davantage inspiré, quelque chose s’est passé, il va nous emporter plus loin encore. Il se sent bien et cela se voit. De nouveau Fauré, avec les Thèmes et variations opus 73. On est là encore impressionné par la profondeur de cette musique, une belle découverte, magnifique de couleur et de beauté. Le thème est parfois solennel, funèbre, sombre et on suit les dialogues avec un réel plaisir. Cependant par moments cette musique devient joliment fantasque et on reste accroché par ce Fauré passionnant. Comment ne pas aimer ces paysages musicaux au ton si original ?
Beethoven : Sonate n°14 en ut dièse mineur opus 27 n°2 “Clair de lune”. On la connaît, on l’aime tant, mais on ne se rend pas toujours compte que, sous son apparente simplicité, cette œuvre recèle de nombreuses difficultés techniques. C’est soigné, les doigts sont précis, comme toujours chez le jeune pianiste. Il nous joue cette sonate comme on l’imagine, de façon douce et raffinée et un peu de préciosité s’invite dans l’interprétation.
On aime ce Chopin là, sa Ballade n°3 en la bémol majeur opus 47 nous « balade » joliment. Lucas Debargue nous livre avec brio cette œuvre pleine d’émotions et de défis techniques. La musique est jouée avec des doigts en or, bien sûr, mais il y a derrière toute une analyse et une réflexion dignes des plus grands pianistes. On se souviendra longtemps de cette mélodie élégante, avec ce petit quelque chose en plus qui émane du plus profond du chant de Chopin.
Les bis nous ramènent à Fauré, « Après un rêve » et un extrait du Cantique de Jean Racine, de toute beauté.
Illustration de l’entête: ©Pierre Morales
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