Jeudi 1er et vendredi 2 août 2024, au Théâtre de l’Archevêché d’Aix-en-Provence, lieu emblématique du Festival d’Art lyrique, la chaleur est écrasante. Les éventails et les programmes s’agitent pour tenter de se rafraîchir. À 22 heures, la chaleur reste étouffante, mais bientôt, elle sera oubliée grâce à la performance envoûtante des danseurs du Ballet, qui interpréteront trois créations du répertoire d’Angelin Preljocaj : Annonciation (1995), Noces (1989), et Torpeur, une création de 2023.
Il serait difficile de choisir une œuvre favorite parmi ces créations, tant elles sont différentes et opposées, reflétant plus de 35 ans de création et des inspirations diverses. Le chorégraphe aixois, récemment présent sous la tour Eiffel pour une Dance Parade organisée par Paris à l’occasion des JO, a relevé un joli défi avec 40 de ses danseurs les 29 et 30 juillet derniers.
La soirée à l’Archevêché commence avec Annonciation, un duo remarquable qui aborde, avec audace et pudeur, la perte de la virginité de Marie. L’angle sensuel est prédominant, surpassant l’aspect spirituel ou sacré. Marie, isolée dans sa solitude, est accompagnée par la musique abstraite de Stéphane Roy. L’archange Gabriel fait une entrée éclatante, perturbant la tranquillité de Marie et imposant sa présence par des gestes symboliques, suggérant l’union entre l’humain et le divin, entre l’esprit et la chair. Leurs danses synchronisées reflètent leurs doutes et inquiétudes, tandis que le Magnificat de Vivaldi fusionne mysticisme, religion et sensualité de manière sublime.
Quand la chaleur rime avec torpeur. Avec Torpeur, Angelin Preljocaj nous emmène loin, vers un état d’abandon de soi, d’engourdissement, et le mercure grimpe sur les planches au sens propre comme au figuré. Cette composition où le corps est mis en scène est très, mais alors très sensuelle, et on entend une dame dans les gradins s’exclamer « Oh non ! » « Oh si ! » aurions-nous envie de lui répondre. Cette chorégraphie se transforme gracieusement tout au long de Torpeur. Cela débute par de grandes traversées dansées, sautées, tourbillonnantes, les douze danseurs se croisent, s’élèvent dans les airs. Pirouettes vibrantes pleines de vitalité, d’autant plus que la musique imprime sa cadence. Les danseurs virtuoses le resteront dans la partie ralentie. Car soudain, il se passe quelque chose. Le rythme et la pulsation changent, le cœur se trouble, le corps génère une sensualité qui se savoure avec lenteur. Le corps tout entier se livre, se lit, se dévoile, chaque muscle tressaute et de savantes lumières accentuent les mouvements offrant une chorégraphie inédite au public médusé et conquis !
Avec Noces, on part pour les Balkans et cinq couples nous invitent à la fête. Les mariées, poupées de chiffon toutes de blanc vêtu sont absentes. À l’écart, sans un regard pour les demoiselles d’honneur et les hommes de la cérémonie. Ils livrent un ballet aussi beau qu’étrange. Des pirouettes superbes, des sauts magnifiques et on a chaud pour eux dans leurs costumes traditionnels. Noces de Stravinsky illustre le propos, entre tensions et désirs. Les femmes se rebellent face à la domination machiste. C’est fort, énergique et nous, public, entrons littéralement dans leur ronde effrénée, une danse atypique qui nous émeut, car, malgré les apparences et ce titre trompeur, l’instant est dramatique.
Les deux soirées sous les étoiles étaient magiques. Au cœur de l’été, Angelin Preljocaj nous emmène toujours plus loin avec ses danseurs interprètes d’exception.
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