Quand on recherche des témoignages sonores concernant des artistes lyriques français, qui se sont produits sur les scènes de la Métropole comme sur celles de ses territoires d’Outre-mer, entre 1930 et 1960, force est de constater la pauvreté du legs sonore qu’ils ont laissé. Notre regret est d’autant plus amer, qu’à époques égales, les Italiens, les Anglais et les Allemands, ont su préserver leurs patrimoines lyriques respectifs, grâce à des enregistrements de récitals, d’intégrales d’opéra, captés sur scène ou en studio et republiés régulièrement.
Si le nom de José Luccioni renvoie à de nombreuses entrées sur internet, c’est avant tout pour saluer la mémoire de son petit-fils, le « roi du doublage » au cinéma, disparu en juin 2022. Rares furent alors les chroniqueurs qui mentionnèrent sa filiation avec l’un des plus illustres ténors français du XXe siècle dont il portait les nom et prénom. La carrière de cet aïeul se déroula des années 1930 aux années 1950. Tous les publics qui ont entendu et vu cet artiste sur scène l’ont littéralement adulé.
Pour l’essentiel, sa carrière s’est déroulée en France et dans les possessions d’Outre-Mer, avec de rares incursions aux U.S.A, comme en Europe de l’Ouest. Cet artiste suscitait une particulière ferveur : outre sa voix ensoleillée, la passion qu’il mettait dans son jeu scénique éveillait l’enthousiasme de tous les spectateurs qui l’ont vu et entendu sur scène. Contrairement à beaucoup de ses contemporains – et même de certains de ses successeurs -, il ne se contentait pas de pousser la note : il s’invertissait totalement dans le personnage qu’il incarnait et se comportait sur scène comme un véritable comédien.
José Luccioni, né à Bastia en 1903, et décédé à Marseille, en 1978, commença à travailler comme mécanicien et chauffeur chez Citroën, avant qu’on ne découvre ses qualités vocales lors de son service militaire. Il travaille alors sa voix, à la tonalité lumineuse, dotée d’une flexibilité remarquable, capable d’atteindre un puissant contre-ré. Luccioni maîtrisait les ornements belcantistes, trilles et vocalises que lui avait enseigné son professeur de chant, le célèbre ténor Léon Escalaïs (1859-1940), qui en avait fait sa spécialité. Les débuts sur scène de José Luccioni remontent à 1931, dans le rôle de Mario Cavaradossi, dans la Tosca de Puccini, à l’opéra de Rouen, suivi par Paillasse à l’Opéra de Paris, l’année suivante. Son registre de ténor dramatique, à l’aigu éclatant, lui attire les faveurs du public. Il ne restera cependant qu’une saison au Palais Garnier : son caractère bien trempé ne l’aidait guère à se plier aux exigences administratives du lieu. Dès lors, on s’arrache ce chanteur au timbre d’un éclat et d’une richesse sonore exceptionnels, au phrasé ample, à la diction parfaite, toutes qualités qui font de lui un des chanteurs français les plus prestigieux de son époque.
Un de ses grands rôles fut celui de Don José dans la Carmen de Bizet, un des rares opéras français dans lequel le héros passe par tous les sentiments qu’un homme peut éprouver : l’adoration filiale pour sa mère qui veut le voir épouser la sage Micaëla ; l’éveil fulgurant de sa sexualité face à Carmen, qui le fait tomber dans la marginalité et le crime. On est loin d’un Roméo adolescent, et même de celui d’un Faust qui se vend au Malin, pour retrouver la jeunesse, autant de rôles que José Luccioni a chantés sur scène, avec la même ferveur vocale et la même vérité dramatique.
Un soir, au début des années 50, sur la scène du Théâtre municipal d’Oran, pris par son personnage de Don José, ivre de rage et de désespoir contre Carmen qui lui affirme qu’elle « ne l’aime plus », Luccioni, emporté par sa fougue, jeta à terre sa partenaire avec une telle force que la malheureuse ne put se relever ! José Luccioni a répondu à un certain nombre d’engagements internationaux (Londres, Monte-Carlo, Vérone, Chicago, New York), mais sa carrière se développe avant tout en France et dans ses colonies. Les rôles dans lesquels Luccionti a le plus brillé, ont été, sans aucun doute, celui de Don José qu’il chantera en 1935, à Londres aux côtés de l’inoubliable Conchita Supervia et qu’il interprétera plus de 500 fois au cours de sa carrière. Il crée le rôle-titre de Cyrano de Bergerac de Franco Alfano, en 1936. Pour le reste, il interprète les principaux rôles du répertoire le plus souvent à l’affiche, à l’époque de sa carrière : Werther dans le rôle-titre ; Canio dans Paillasse ; Cavaradossi dans Tosca ; Rodolfo dans La Bohème ; Turridu dans Cavalleria rusticana), Roland dans Esclarmonde.
Une des incarnations les plus impressionnantes de Luccioni, dans lequel sa voix comme son jeu de comédien restent inoubliables pour tous les mélomanes qui l’ont vu sur scène, fut celui d’Otello, dans l’opéra éponyme de Verdi. Nul autre comme lui n’aura su rendre avec justesse le cheminement de ce héros dont la passion amoureuse se mue en une jalousie obsessionnelle qui le fait sombrer dans le désespoir et le pousse au crime puis au suicide. Ce fut une des plus belles incarnations de José Luccioni vocalement et scéniquement parlant.
Les enregistrements de José Luccioni restent réduits à un seul CD dans la collection « Les Voix d’Or » (Marianne Mélodie).Ce disque a le mérite de donner à entendre la beauté d’une voix au timbre ensoleillé, conduite avec une technique impeccable, mise au service d’une interprétation conforme au style propre au compositeur et au caractère du personnage incarné. C’est peu mais cela reste une magnifique anthologie.
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