C’était annoncé dans l’intitulé : Strauss et paillettes pour un concert du nouvel an dirigé par Jérémie Rohrer avec Offenbach, Bizet et valses viennoises. Le nouvel an est passé, mais qu’importe, on veut bien jouer les prolongations.
Voilà déjà un titre qui pétille comme des bulles de champagne, et donne envie ! C’est une tradition, partout dans le monde, de célébrer l’entrée dans la nouvelle année en musique, avec des concerts donnés dans des salles souvent prestigieuses. On pense bien sûr à Vienne, ou encore à Venise… Aix-en-Provence s’inscrit aussi dans cette tradition. Sous l’impulsion de Dominique Bluzet, c’est au Grand Théâtre de Provence que se tient chaque saison ce rendez-vous artistique que les organisateurs conçoivent dans un esprit de fête. Le directeur du théâtre, après avoir adressé ses vœux au public, a souligné que l’Assami et le GTP n’oublient jamais les spectateurs qui ne peuvent pas se rendre au théâtre. Nombreux sont les concerts retransmis. À l’issue du concert, les mélomanes présents ont été invités à savourer des bulles : Champagne pour tous, dans le hall.
Ce concert s’annonçait déjà comme une célébration joyeuse et colorée, et quoi de mieux pour commencer 2025 avec cet ensemble d’excellence « Le Cercle de l’Harmonie » fondé en 2005 par Jérémie Rhorer . Pour le public du GTP, c’était encore une belle occasion de redécouvrir ces compositeurs sous un éclairage inédit. Un concert qui explore des œuvres du Second Empire et s’inscrit dans une démarche originale, à savoir mettre en lumière un répertoire, qui, peut-être, a été éclipsé par d’autres périodes, mais qui reflète bien l’effervescence culturelle de toute une époque. On est loin du Requiem de Verdi offert en grand format, soit 1h40 de bonheur le mercredi 13 novembre.
Dans l’esprit du public, maître incontesté de l’opérette française, c’est bien Offenbach. C’est lui qui ouvre le bal ce vendredi 10 janvier. Il incarne l’esprit léger et pétillant de toute une époque. L’interprétation de cette ouverture a été enjouée et pleine de malice. Des moments d’intensité alternant avec des passages plus fluides, et même si on connaît cette œuvre « presque par cœur », elle réussit toujours à surprendre. Le Cercle de l’Harmonie fait preuve d’une belle énergie, et dès les premières notes, l’ambiance frivole et comique de la pièce s’impose.
Au programme ensuite, la musique de ballet de Faust de Gounod, une partie orchestrale particulièrement exigeante. Elle oscille entre des moments de légèreté, des mélodies charmantes et des passages plus sombres, voire dramatiques, qui révèlent les tensions émotionnelles fortes de l’œuvre. L’orchestre, sous la direction de leur chef, a fait preuve d’une grande précision dans l’exécution des nuances, avec toute la subtilité requise.
Léo Delibes est à découvrir ou à redécouvrir. On apprécie l’inventivité de sa musique, sa légèreté, et l’envie de danser nous prend, si seulement. Mais non, on est là pour écouter et se laisser envoûter par ce raffinement inouï, parfaitement en phase avec le goût du Second Empire, qui valorise le spectacle et l’élégance. L’admirable valse lente du ballet Coppélia reflète magnifiquement l’atmosphère onirique et un peu mystérieuse de l’œuvre, donnant l’impression que le temps suspend son vol. La valse porte en elle une légèreté aérienne que l’orchestre a su magnifiquement retranscrire.
Sylvia, toujours de Léo Delibes, est une œuvre lyrique riche en couleurs et en émotions, l’histoire d’une nymphe de la forêt déchirée entre deux amours. L’œuvre est difficile sur le plan technique, impliquant l’ensemble de l’orchestre, avec une attention particulière aux violons, violoncelles et altos, qui doivent rendre des contrastes forts d’ombre et de lumière. La partie violon mérite une mention spéciale pour son jeu virtuose et précis, notamment dans l’exécution du fameux pizzicato, qui ajoute tellement à l’atmosphère de l’œuvre. Avant l’entracte, c’est un Bizet bien connu de tous qui entre en scène avec la très attendue Arlésienne, composée de la Pastorale, de l’Intermezzo, du Menuet et de la Farandole. On y trouve tout : le calme de la Pastorale, qui laisse place à la gaieté de l’Intermezzo, on glisse ensuite à petits pas feutrés vers le Menuet, avant de terminer par une Farandole aux harmonies vibrantes, qui, avec ses rythmes rapides, incite irrésistiblement à se lever et à danser !
Un concert du Nouvel An sans Strauss père et fils, c’est presque impensable. On les retrouve en deuxième partie, d’abord avec Johann Strauss fils et sa célèbre An der schönen blauen Donau (Le Beau Danube bleu),op. 314. Cette valse incarne à elle seule l’élégance et la grandeur viennoises. Avec ses rythmes ondoyants et ses jolies mélodies, elle nous transporte dans un tourbillon de grâce et de légèreté. C’est presque un hymne intemporel qui s’accorde si bien à la capitale autrichienne. Chaque note est envoûtante et appelle à la danse — ce que, vous l’aurez compris, nous ne pouvons malheureusement pas faire. Nous poursuivons le voyage avec la Vergnügungszug-Polka, op. 281 de Johann Strauss. À la gaieté des motifs s’ajoute une pointe d’espièglerie que les musiciens ont su insuffler avec malice, agrémentée d’échanges de sourires qui n’ont échappé à personne depuis le début du concert ! On pense notamment à deux contrebassistes, visiblement joyeux et complices. Tout l’orchestre, mené par son chef, a interprété ce petit bijou avec une joie contagieuse. On se retrouve dans le train avec eux, sans envie que l’excursion s’arrête. Au rythme de la locomotive et de la musique cadencée des roues sur les rails, l’orchestre nous emporte avec élan.
On est arrivé, tout le monde descend ! Sur le quai de la gare nous attend La Valse de l’Empereur (Kaiser-Walzer, Op. 437). Majestueuse et noble, elle incarne toute la grandeur impériale tout en dévoilant, paradoxalement, une délicatesse et une intimité propres à cette valse.
Quand le diable s’en mêle, on invite la Lucifer-Polka, une œuvre vive et enjouée qui évoque, avec malice, le diable en pleine danse ! Que de changements de tempo, quelle vivacité d’exécution ! C’est, une fois encore, une pièce aussi brillante qu’exigeante.
Continuons à célébrer la joie avec la Morgenblätter-Polka, op. 279 de Johann Strauss qui nous fait danser au petit matin, sous les premiers rayons dorés du soleil.
On aime les ambiances légères et malicieuses des Pizzicatos et particulièrement celle La Pizzicato-Polka de Johann Strauss. C’est juste charmant et ludique, jamais envahissant. C’est comme si chaque instrument jouait sa partition et dansait, seul, tout en restant en totale synergie avec l’orchestre.
On est toujours pris dans le tourbillon viennois, avec L’Orphéus Quadrille de Johann Strauss une œuvre pétillante qui mêle sophistication, élégance et virtuosité. Le caractère festif de la Wiener Blut-Polka (Vienne, sang de Vienne) parle à notre cœur et à notre esprit, qui, en fin de concert, ne se sont toujours pas lassés de cette joyeuse effervescence. Si le chef d’orchestre a joué un rôle essentiel tout au long de ce magnifique concert, dans cette Polka, il a plus que jamais su trouver l’équilibre parfait et guider ses musiciens. Une performance qui demandait à la fois une belle énergie et une maîtrise technique irréprochable.
Pour finir, le célèbre Radetzky Marsch op. 228 de Johann Strauss, invite le public, sur l’impulsion de Jérémie Rhorer, à marquer la cadence en tapant des mains, d’abord doucement, puis de plus en plus énergiquement. Un instant de partage collectif, très joyeux, où l’énergie de l’orchestre et du chef se transmet directement au public. Par ce geste simple, chacun participe à l’élan festif de l’œuvre ! Applaudissements enthousiastes au moment de se quitter, avant de rejoindre le hall pour trinquer à la nouvelle année, musicalement si bien commencée.
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Illustration de l’entête: Photo ©Caroline Doutre