William Christie fête ses 80 ans
Bon anniversaire cher Maître
Happy Birthday Billie !
Lorsque William Christie entre sur scène, une salve d’applaudissements s’élève pour accueillir ce « jeune octogénaire plein d’énergie… et aux chaussettes rouges ! Visiblement ému, il s’apprête à fêter ses « quatre fois – vingt ans », anniversaire déjà célébré en France et à l’étranger à travers plusieurs concerts. Ce récital aixois n’est pas le premier du genre, mais c’est comme si, tant l’émotion qui l’accompagne est bien là, du début à la fin.
Derrière son clavecin, il dirige la formation, entouré de sa famille de merveilleux musiciens. L’effectif réduit ne nécessite pas de direction depuis l’estrade. Discret, tout à son clavier, il échange avec ses amis musiciens des regards et des sourires, dans une complicité évidente. Dès les premières notes, la palette sonore des Arts Florissants se déploie, enveloppant la salle entière. On reconnaît immédiatement le phrasé si identifiable, la cohésion parfaite et cette approche qui, sans effets racoleurs, est profondément émouvante.
Le plus « français des chefs américains » (naturalisé en 1995) a fondé les Arts Florissants en 1979, créant une référence mondiale dans l’interprétation du répertoire baroque. Il a redonné vie à l’esprit du Grand Siècle, le ressuscitant et le mettant en lumière. C’est tout naturellement sur ce terrain que le public l’attend pour célébrer son anniversaire. Avec Lully, Charpentier et Rameau, les mélomanes vibrent au son de pages emblématiques qui ont forgé la légende des Arts Florissants : Médée de Charpentier, Atys de Lully, Les Fêtes d’Hébé et Les Indes galantes de Rameau.
Une constellation vocale remarquable
On se souvient qu’il a également crée les chanteurs de l’académie baroque « Le Jardin des voix », il y a plus de 20 ans.
Ce soir-là, à Aix, des chanteurs d’exception portent ces œuvres : la soprano Ana Vieira Leite, les mezzo-sopranos Juliette Mey et Rebecca Leggett, les ténors Bastien Rimondi et Richard Pittsinger, et enfin le baryton Matthieu Walendzik.
Leurs voix superbes se distinguent autant par leur puissance que par leur diction ciselée, révélant l’importance du texte. Certes, on ne comprend pas toujours chaque mot, mais le chant baroque ne serait pas le même sans ces « r » délicatement roulés, qui lui donnent son caractère si particulier. Ce qui importe, c’est l’expressivité des interprètes, capables d’embarquer le public dans un tourbillon d’émotions où se mêlent joies et passions.
L’orchestre, lui aussi remarquable, déploie une richesse sonore qui permet de glisser avec souplesse d’une pièce à l’autre, apportant à chaque partition l’intensité requise.
Une soirée portée par l’émotion
Débuter avec Médée de Charpentier donne le ton. L’œuvre frappe par sa puissance dramatique. On suit l’évolution psychologique du personnage, de sa souffrance à sa vengeance, avec ce point culminant des invocations aux Enfers à donner le frisson. Rebecca Leggett, dans le rôle de Médée, impressionne par son timbre chaleureux et soudain si expressif.
Quel bonheur aussi de découvrir dans Atys, Ana Vieira Leite, à la voix lumineuse. Avec une théâtralité touchante, la soprano habite pleinement ses personnages.
Dans Atys de Lully, tragédie lyrique d’une grande intensité, la célèbre « scène du sommeil » est magnifiée par la finesse d’interprétation de Richard Pittsinger.
Concert à Aix-en-Provence samedi 15 février 2025
©photo Caroline Doutre
Les musiciens des Arts Florissants nous enchantent par leur subtilité et on s’attarde ce soir-là sur l’excellence des flûtes et cordes, qui rendent justice à la finesse orchestrale de Rameau. Les Indes galantes, pièce bien connue, brille plus que jamais par sa virtuosité et son exotisme ensorceleur. Le chef et ses musiciens en révèlent toute la richesse rythmique et les couleurs instrumentales, tout en préservant l’unité musicale propre à Rameau.
On retient aussi la pureté cristalline de Juliette Mey et l’assurance vocale du ténor Bastien Rimondi, qui emporte le public avec Règne amour (Pygmalion de Rameau). Quant au baryton Matthieu Walendzik, il impressionne dans l’air de Thésée (Hippolyte et Aricie) et revient subjuguer toute la salle avec Forêts paisibles (Les Indes galantes). Mention spéciale à Thomas Dunford, dont le jeu au théorbe, tout en finesse et en expressivité, sublime chaque instant. Car oui, tous sont là pour donner le meilleur au public… et à leur chef d’orchestre, chef de chœur et de coeur
Un final en surprise
À la fin du concert, quelques surprises attendent William Christie. Il est invité à s’asseoir et son regard amusé et curieux se promène de la salle à ses amis musiciens sur scène. Il s’attend à ces cadeaux d’anniversaire, la tournée lui en a déjà réservé quelques-uns – mais voilà que ce samedi, une Guest star va faire son apparition : Sophie Daneman ! Les deux artistes s’enlacent, se parlent, et nous sommes témoins de ces belles retrouvailles. William Christie et la soprano britannique ont commencé à collaborer au début des années 1990, soit pendant plus de trois décennies ils ont interprété ensemble de nombreuses œuvres du répertoire baroque…. Les Indes galantes ou Hippolyte et Aricie en faisaient partie.
A souligner encore un bis en cadeau : Tendre amour de Rameau, pour prolonger la magie d’une soirée inoubliable.
Le programme du samedi 15 février à Aix-en-Provence
Marc-Antoine Charpentier
Médée H491
Ouverture
Trio Acte I
Acte III.scene 3 « Quel prix de mon amour »
Jean-Baptiste Lullly
Atys
Musique du sommeil d’Atys
‘Dormons tous’
Qu’il sait peu son malheur … Je jure, je promets
Venez-vous livrer au supplice
Jean-Philippe Rameau
Pigmalion
Ballet Pigmalion
Règne, Amour, fais briller tes flammes
Les fêtes d’Hébé
Air: Pour rendre à mon hymen
Air lent ‘O Mort’
Air ‘Réponds, Oracle de nos Dieux’
Petit Choeur ‘Réponds’
Air tendre
Air ‘Revenez tendre amant’
Choeur ‘Revenez, tendre amant’
Duo ‘Je vous revois’
Platée
Récit ‘Formons les plus brillants concerts’
Air de la Folie ‘Aux langueurs d’Apollon’
Hippolyte et Aricie
Qu’ai-je appris / Puissant maître des flots (III,7) jusqu’à ‘C’est aux dieux à venger les rois’
Les Indes galantes
Gavotte en ré majeur
Je ne vous peindrai point
Rondeau – Forêts paisibles
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