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Ensemble Astera, un quintette franco-suisse, de Mozart à Fazil Say

par Pétra Wauters

L’Ensemble Astera est un quintette à vent franco-suisse fondé en 2019 par cinq musiciens diplômés de la Haute École de Musique de Lausanne. Nous les avons découverts le 7 octobre 2024, à l’occasion de la présentation de la programmation de l’édition 2025 du Festival de Pâques d’Aix-en-Provence. Ce n’était pas un simple intermède musical offert au public du Conservatoire Darius Milhaud, mais une véritable révélation. Leur performance nous a captivés d’emblée, et la rencontre en coulisses n’a fait que confirmer une évidence : ce rendez-vous avec eux était immanquable !

Au-delà de leur indéniable talent, de leur capital sympathie et de leur sonorité unique, c’est leur ouverture au répertoire contemporain et leur engagement sincère qui nous ont séduits. En octobre, ils nous avaient fait découvrir Alevi Dedeler rakı masasında (Quintette à vent, op. 35) de Fazıl Say. Il s’agit d’une œuvre qui tisse un lien entre cultures et langages musicaux, tout en restant ancrée dans la tradition turque. Sous le charme, nous avons réécouté cette pièce étonnante à plusieurs reprises, fascinés par la manière dont les vents imitent les timbres des instruments traditionnels turcs. Les musiciens ont expliqué à l’auditoire qu’il s’agissait d’une représentation musicale « des discussions philosophiques et spirituelles des derviches alévis, réunis autour d’une table où l’on boit le rakı » . (un alcool anisé très populaire en Turquie). Certains passages de cette musique, imaginés par Fazıl Say, sont d’une grande cohérence et semblent répondre à un rituel, tandis que d’autres, plus libres, évoquent des élans d’improvisation (peut-être sous l’influence de la boisson alcoolisée ). La musique brouille alors quelques lignes de la partition, si l’on peut dire, mais tout est fait avec une virtuosité remarquable.

En début de concert, nous découvrons la Sérénade n°12 en do mineur, K. 388 de Mozart, dans l’arrangement de D. Walter. Une œuvre d’une grande expressivité, étonnante parfois dans ses parties sombres et dramatiques, contrastant avec l’image que l’on associe le plus souvent à une sérénade. Peut-être est-ce l’arrangement réalisé pour l’Ensemble Astera qui nous laisse cette impression. Un arrangement adapté à un quintette à vent, qui déjoue bien des difficultés, redistribuant habilement les rôles au sein de l’ensemble. Dans cette partition, on retrouve toute l’élégance et la clarté mozartiennes. 

Coline Richard à la flûte, Yann Thenet au hautbois, Moritz Roelcke à la clarinette, Gabriel Potier au cor et Jeremy Bager au basson, nous embarquent dans leur interprétation. Certains passages, notamment dans le Menuetto in canone, exigent une technique incroyable. On sent les interprètes à l’écoute les uns des autres, plus complices que jamais. Ce sont des amis, et cela se sent. Diplômés de la Haute École de Musique de Lausanne, ils travaillent depuis des années leur sonorité artistique, un son unique. 

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On le rappelle : l’Ensemble Astera a obtenu le Premier prix du Concours international de musique de chambre Carl Nielsen en 2023. C’est justement avec Carl Nielsen (1865-1931) et son Quintette à vent, op. 43 que les musiciens franco-suisses terminent le concert. Une œuvre remarquable, riche. Déjà par son écriture, joliment personnalisée : d’emblée, on est séduit par les personnalités des instruments, chacun possédant son caractère propre. Cela demande aussi, de la part de chaque instrumentiste, une grande virtuosité. L’œuvre regorge de contrastes, de passages lyriques, dramatiques, et parfois même humoristiques ou inattendus. On l’aime d’autant plus, cette pièce précieuse, qu’elle reste très accessible pour l’auditeur, qui se délecte de ses belles mélodies.

Belles mélodies ne signifie pas musique facile,  et la musique de Ravel le prouve, notamment dans le bis offert à la fin du concert : une transcription pour quintette à vent des Jardins féeriques, d’une grande complexité technique. Les cinq amis se sont « bien entendus » pour créer une harmonie parfaite entre les instruments et restituer l’atmosphère onirique conçue par le compositeur. Avec des nuances subtiles, des changements d’atmosphère, ils livrent des effets de lumière et d’ombre si caractéristiques de l’esthétique impressionniste. Tout est dans la suggestion, et c’est aussi pour cela qu’on aime cette musique, faite d’images. Ravel pourtant se défendait de cette « étiquette », mais avec un titre comme Jardins féeriques, il prenait le risque de nous livrer de « petites sensations », des couleurs sonores, par petites touches impressionnistes.

Depuis 2023, l’Ensemble Astera est Artiste résident à la Fondation Singer-Polignac à Paris.

L’Ensemble Astera sortira son premier album le 30 mai 2025 chez le label suisse Claves Records. Cet enregistrement, fruit de près de deux ans de travail, a été réalisé à l’été 2024 grâce à une résidence en Écosse et en collaboration avec l’ingénieur du son Michael Seberich. ​L’album, intitulé Debussy, Nielsen, Say, Barber, met en lumière la diversité du répertoire pour quintette à vent, mêlant des œuvres classiques et contemporaines. Il est actuellement disponible en précommande sur le site de Claves Records

CLIQUER içi pour en savoir plus sur l’Ensemble ASTERA

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