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Céline Posson-Girouard dans un roman aux tonalités proustiennes

par Christophe Baillat

Le thème de ce roman, Bellême, mon Combray de Céline Posson-Girouard, se situe entre Enfance de Nathalie Sarraute, et Le livre de ma mère d’Albert Cohen. Ce roman autobiographique explore, en forme d’hommage, la relation complexe de l’auteure avec sa mère, tout à la fois celle qui lui a donné le goût de la littérature ; mais celle aussi dont l’amour l’étouffait. Se refusant à toute approche psychologisante, préférant l’approche sensible, les « conversations souterraines », le livre offre-t-il à l’auteure une occasion de clarification ?

L’auteure 

Céline Posson-Girouard est de Bellême (Orne), elle a mené une carrière universitaire après avoir obtenu une maîtrise de lettres en Sorbonne. Ancienne directrice de la bibliothèque de Viroflay, elle anime aujourd’hui un cercle de lecture (auteurs abordés : Giono, Hemingway, Zweig…), et propose un atelier d’écriture à Versailles.  La Librairie Antoine, où il se tient, a d’ailleurs accueilli sa première séance de dédicaces pour son nouveau livre : Bellême, mon Combray, le 24 mai 2025. 

Signe particulier : L’auteure fréquente le cercle proustien à Cabourg l’été. C.P-G voue un culte à Proust. À son exemple, elle cherche à comprendre le sens de l’amour filial, écrit-elle dans l’Avant-propos du livre.

L’amour d’un village

L’auteure retrouve son enfance dans les collines du Perche normand, un jour de Toussaint quand les morts sont moins fuyants. Les signes de leur présence sont à qui veut les entendre. Ce vent, serait-ce la « voix d’océan » de maman ? Et ce feuillage qui bruisse ? 

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Du côté de la campagne bellêmoise, c’est encore toi, maman, que je retrouve, même si je me promène avec Yann. De là nous contemplons la ville sur son promontoire  où se dessinent le clocher de l’église et les maisons aux belles tuiles rousses.

Je voudrais arpenter encore une fois avec toi, maman, cette « maison-labyrinthe » 

Tu es vraiment présente avec moi.

Non loin du château de Martin du Gard, nous sommes sur une terre propice à la littérature. Au centre d’un triangle constitué par Alençon, Le Mans et Chartres, la cité bellêmoise fut également une place forte importante au Moyen-Âge.

L’amour d’une maison

Cette maison habite tous les pores de ma peau.

Chaque parent règne en maître dans son domaine : la mère, une « maîtresse-femme », en cuisine et dans la salle-à-manger, tandis que le père discute un point de droit avec son client entré dans la maison familiale par le 25 rue Ville Close pour rejoindre son bureau. Les grands radiateurs chauffent les pièces immenses. Céline et sa sœur dorment dans deux lits jumeaux en cretonne fleurie  séparés par un joli paravent chinois représentant des femmes en kimonos verts […] Avec la présence des bonnes, on songe au livre « Les vestiges du jour » de Kazuo IshiguroEntre 1955 et 1965, la maison vivait l’époque de sa splendeur. L’image qu’elle en a conservée est suffisamment précise pour qu’elle passe en revue l’aménagement intérieur comme le ferait la journaliste d’une revue Art & Décoration, du pignon jusqu’au carrelage, avec un luxe de détails. Ce dernier, ancien, d’une patine remarquable, déroulait ses losanges bleus et grenat […]. Le fil d’Ariane dans le dédale de cette maison composite ? rien d’autre que la puissance du souvenir et le goût de la narration qui la transforme en cathédrale littéraire.

L’amour d’une mère

Ouvrons encore une fois la porte, maman, mais je tiens désormais ma menotte de petite fille perdue sans sa mère dans ta main.

Trop d’amour, j’aurais pu en crever. Avec ce lien recréé par la mémoire, Céline Posson-Girouard dresse l’inventaire avec l’exploration de ses sentiments pour sa mère. Ne parle-t-elle pas d’une tendresse carnivore ? La foutue tendresse voisine avec l’amour sacré, inconditionnel, c’est toute l’ambiguïté humaine. Ta fille d’argile rentrait dans le moule où tu voulais l’enfermer. Céline est devenue enseignante, ce que sa mère souhaitait ardemment pour elle-même.

Le style

L’auteure connait son métier, qui varie les lieux, les époques ; distribue la parole, la donne fréquemment pour des récits à sa mère, c’est elle qui nous décrit sa communion. Les dialogues allègent le récit, offrent une polyphonie. Le regard se pose souvent sur les photos de famille. Rappelle-toi, maman […] fonctionne aussi très bien, sans la virgule, comme un aliment signalé à la mémoire, une présence dont elle va se rassasier. Maman vivante : tes robes vivantes encore, habitées de ta présence, maman ! En l’espèce (comme aurait dit le papa juriste), ces vêtements refusent d’être mis en sac, maintenant que celle dont ils portent encore le parfum, n’est plus dans la maison, et qu’il faut la vider. Le charme du lieu est rompu. Elle ne sera jamais la même. Never more, comme dans le poème The Raven, d’Edgar Allan Poe. Reste le canal de l’âme, ces lieux me transportent sans cesse en arrière dans le temps de mon enfance. C’est très proustien ! Voici Céline enfant qui guette l’aube tamisée de rose par les rideaux […].

NB : Chaque chapitre s’ouvre par une citation de Marcel Proust.

Bellême, mon Combray
Des lilas aux aubépines
Céline Posson-Girouard
éditions du Palio. 20€
Photos de Patrick Berger, Jean-Jacques Renard, dessins de Monique Touvay, Carole Van Hill, les aquarelles en couverture sont de Bernard Soupre.
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