Mardi 22 juillet à 21h, dans le parc du château de Florans à La Roque d’Anthéron, Liya Petrova, au violon, Alexandre Kantorow au piano et l’Orchestre Philharmonique de l’Opéra de Marseille dirigé par Lawrence Foster ont offert un concert d’exception.
Au programme :
Vaughan Williams : The Lark Ascending, pour violon et orchestre
Brahms : Concerto pour piano n°1 en ré mineur opus 15
Dvořák : Symphonie n°8 en sol majeur opus 88
Trois œuvres qui s’enchaînent magnifiquement.
Lawrence Foster entre en scène, tout de blanc vêtu. Quel parcours extraordinaire que celui de ce musicien, ce « géant » né à Los Angeles en 1941, et qui, à bientôt 84 ans, n’a rien perdu de son aura. Alexandre Kantorow nous le confiera à l’entracte « Foster nous met en confiance, nous solistes, comme tout l’orchestre. Il peut se permettre cette retenue gestuelle parce que son autorité musicale est absolue. »

Festival de La Roque d’Anthéron, juillet 2025
©photos Pierre Morales
On n’oublie pas qu’il a accompagné les plus grands virtuoses pendant des décennies !
The Lark Ascending de Vaughan Williams, choisi en ouverture, est une merveilleuse introduction. Cette pièce contemplative et poétique crée une atmosphère idéale. Le violon solo de la gracieuse Liya Petrova s’élève comme une alouette dans le ciel anglais, léger, délicat. Sa sonorité pure enchante le public. Les pans vaporeux de sa robe moutarde semblent eux aussi « jouer » pour elle, ajoutant une touche de lyrisme à l’une des œuvres les plus populaires de la musique anglaise. C’est une pièce impressionniste, foisonnante d’images : l’envol et le chant de l’alouette dans la campagne anglaise, la lumière, la liberté… Autant d’éléments que le compositeur a su sublimer dans cette partition si expressive, où le violon s’élance vers l’infini.
Il y a une grande fluidité dans le jeu de Liya Petrova, malgré les nombreux défis techniques, notamment celui de maintenir une sonorité expressive et pure dans les nuances les plus douces. Entre contemplation et envolées virtuoses, elle fait preuve d’une maîtrise parfaite de l’archet. À vrai dire, si le public a été conquis, le chef aussi semblait sous le charme : il l’a saluée longuement, et n’a pas oublié de remercier son orchestre, qui a su respecter l’œuvre et sa structure tout en laissant jaillir cette impression d’improvisation naturelle, qui révèle toute sa poésie et ses mille couleurs évoquant la nature.

Liya Petrova, Alexandre Kantorów, Lawrence Foster, Orchestre Philharmonique de l’Opéra de Marseille
©Photos Pierre Morales
Toujours égal à lui-même, tout de noir vêtu, les cheveux courts cette année, visage reposé malgré un enchaînement de concerts, Alexandre Kantorow s’avance vers son piano, que l’on vient d’installer sur le devant de la scène. On décale alors l’estrade de Lawrence Foster, qu’on apercevra un peu moins bien de notre place. Mais l’essentiel est là : on le voit, et surtout, on entend ce qu’il transmet.
Toujours est-il que… plein feu sur les mains du pianiste ! The incredible pianiste qui va interpréter le concerto n°1 de Brahms : après la douceur pastorale de Vaughan Williams, l’intensité romantique et la virtuosité de ce concerto créent un contraste saisissant. Il y a dans cette œuvre monumentale tout le poids du drame, des élans passionnés entrecoupés d’instants d’intimité profonde. Le piano d’Alexandre Kantorow dialogue d’égal à égal avec l’orchestre.
Parfois, il nous semble que les cordes prennent un peu le dessus, et c’est là toute la difficulté : l’équilibre entre le soliste et l’orchestre. Toutefois, Kantorow sait quand affirmer sa voix, et quand relâcher la tension. Lorsqu’il recule ses bras, que son corps se penche en arrière, on sent qu’il est entré dans l’œuvre, qu’il ne fait plus qu’un avec elle. Nous retenons notre souffle, suspendus à ces silences éloquents.
L’orchestre joue aussi son rôle : chaque pupitre soutient le drame en révélant les moindres détails de l’orchestration. Parfois, certains pupitres s’exposent davantage, on pense aux cors, hautbois, mais c’est bien le piano qui, si l’on peut dire, « affronte » l’orchestre.

Alexandre Kantorów, Lawrence Foster, Orchestre Philharmonique de l’Opéra de Marseille
©Photos Pierre Morales
Un bis de rêve : Alexandre Kantorow et Liya Petrova nous offrent le deuxième mouvement de la Sonate pour violon et piano en mi bémol majeur opus 18 de Richard Strauss : Improvisation.
Soudain, l’intimité s’installe. On éteint les lumières du jour ! L’Orchestre Philharmonique de Marseille s’efface dans l’ombre. Place à un duo de chambre, et on pourrait dire aussi, duo de charme ! Le plaisir de jouer ensemble est palpable. L’atmosphère devient plus confidentielle, plus directe, d’une grande finesse avec ce bis. Alexandre Kantorow le confirme lors de l’entracte. Cette connivence et complicité que nous avons perçue, est le fruit d’une véritable amitié musicale et d’une collaboration régulière.
Enfin, la 8e Symphonie de Dvorak conclut la soirée en beauté. On retrouve Lawrence Foster et son orchestre dans une version lumineuse et généreuse de cette symphonie, avec ses belles mélodies slaves, ses couleurs folkloriques, sa joie débordante, sa passion dévorante. Un peu de drame, ici et là, juste ce qu’il faut pour nous tenir en haleine.
Les cordes sont virtuoses, les violoncelles livrent de magnifiques solos, les vents rayonnent — flûtes et hautbois en particulier, très expressifs — les cors impeccables, les clarinettes enveloppent leur chant de folklore. Cette symphonie regorge de petits joyaux orchestraux pour créer des couleurs variées, faire danser, briller, évoquer.
C’est toute la magie de la musique : l’émotion circule dans tout l’orchestre. Un équilibre subtil, porté par le chef. Et le public le ressent très fort.
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