Troisième édition du 18 au 23 juillet dans le cadre exceptionnel du village de Vauvenargues, au pied de la Sainte-Victoire. Nadezda Pisareva et Bilal Alnemr ont ouvert la troisième édition de ce festival ce 18 juillet
Bilal Alnemr est le directeur artistique de ce festival. Originaire de Syrie, né à Damas en 1996, il débute le violon dans son pays, puis intègre en 2010 le conservatoire d’Aix-en-Provence et, en 2012, le CRR de Paris. L’artiste est arrivé à Vauvenargues en 2016 avec ses parents et sa sœur. Il se souvient avec émotion :
« Le maire de Vauvenargues ainsi que les habitants de ce village ont accueilli à bras ouverts et le cœur sur la main mes parents et ma sœur. » Très vite, sa famille s’est sentie acceptée, entourée de bienveillance. Depuis huit ans, elle mène ici une vie paisible :
« Passant d’un extrême de guerre et de bruit à un extrême de poésie et de calme. »

En 2022, Bilal a voulu remercier ce village provençal à sa manière, avec la musique. Il crée le Festival Ugarit-en-Provence à Vauvenargues. Le nom Ugarit-en-Provence établit un lien poétique entre cette cité antique syrienne, berceau de la musique occidentale, et la Provence qui a accueilli Bilal Alnemr, tissant ainsi un dialogue entre ses racines musicales et culturelles d’origine et son nouveau territoire artistique.
« C’est avec cette énergie humaine que j’ai réussi à délivrer un merci musical à ce village. « En Provence » colore ce projet de la lumière du Sud et traduit la place que la Provence a en moi, cette maison qui a adopté et accueilli ma famille depuis le début. »
Après ce moment fort, il a pris du recul pour donner un sens plus large à cette réussite : « Ne pas la centraliser sur l’histoire de ma famille, mais justement passer à un échange culturel plus profond entre deux civilisations. »
Le programme de la soirée était réjouissant. On apprécie la cohérence thématique qui traverse harmonieusement le romantisme avec Clara Schumann et César Franck, poursuit vers la modernité de Maurice Ravel ; on se promène encore dans le post-romantisme d’Amy Beach et de Charlotte Sohy. Un choix audacieux encore, qui met en lumière des compositrices féminines parfois négligées du répertoire. Bilal Alnemr au violon et Nadezda Pisareva au piano, le duo fonctionne à merveille.
« Nous n’avons pas souvent joué ensemble », reconnaît la jeune femme, à l’issue du concert. Cela n’apparaît pas, assurément. Née en 1997 en Russie, elle est certes très jeune mais fait 10 ans de moins que son âge ! Chez elle, la fraîcheur ne réside pas seulement sur son joli minois expressif, mais aussi dans l’équilibre et la simplicité lumineuse de ses interprétations. La pianiste a multiplié les collaborations prestigieuses.
Dans une ambiance feutrée, presque confidentielle, on apprécie d’autant plus le raffinement des Thèmes variés de Charlotte Sohy, Op. 15 bis : Lent. Le violoniste nous précise que toutes les œuvres de la soirée sont dédiées à une personne par le compositeur ou la compositrice. Celle-ci, qui date de 1921, est adressée à une amie, Nadia Boulanger. Quel joli thème mélodique, sentimental et nostalgique, et on apprécie l’écriture maîtrisée de Sohy, une compositrice trop longtemps oubliée. Merci déjà pour cela, de l’inscrire au programme.
Le concert se poursuit alors qu’une jolie lumière se pose sur la scène. Quelques grillons confondent encore le jour et la nuit ! On est juste « bien » pour écouter Ravel, dont on découvre le génie dans la Sonate pour violon et piano n°2 en sol majeur.
Il fallait toute l’audace des jeunes interprètes pour mettre en lumière cette œuvre, avec ses accents jazz et ces passages jouissifs qui révolutionnent notamment l’écriture pour le violon. Un violon au premier plan, les deux instruments ne se fondant pas, mais sans doute Ravel l’avait-il envisagé ainsi – et le dialogue fonctionne tout de même fort bien. On aime particulièrement le troisième mouvement, Bilal Alnemr nous avait prévenus : il est particulièrement spectaculaire, d’une virtuosité incroyable. Une course violon/piano, les deux instruments se lancent dans un dialogue effréné, mais, nous le disions, chacun garde sa place.
Encore une compositrice à l’honneur, Clara Schumann (1819 – 1896), Trois romances, Op. 22, des pièces intimistes qui conjuguent sensibilité et virtuosité technique de la part des deux musiciens.
« Je me sens toujours porté par la façon de jouer de Nadezda », confiera Bilal Alnemr. « Elle me tire vers le haut d’un point de vue musical : elle a suffisamment de sensibilité pour prendre la “parole” quand il faut, et surtout, elle écoute. C’est important de pouvoir s’écouter. Je suis fier et honoré de jouer avec elle ce soir », avait prévenu le violoniste en début de soirée.
On est moins sensible à Amy Beach – Romance pour violon et piano, Op. 23. Elle n’apparaît pas comme une pièce très virtuose et surtout, on a encore en tête Ravel, qui explore des sonorités inédites, des rythmes et des harmonies surprenants. Mais de toute évidence, cette œuvre exige elle aussi une grande complicité de la part des interprètes, tout comme celles de Clara Schumann qui la précèdent. Ici encore, on est dans le raffinement, le sens du chant, le tout dans une atmosphère intime et sensible. Il s’agit de nous émouvoir avec simplicité. On est moins sensible ne signifie pas que l’on n’a pas aimé.
Quelle merveille enfin, la Sonate pour violon et piano en la majeur de César Franck, écrite pour le mariage d’Eugène Ysaÿe (1858–1931), le légendaire violoniste belge. Un choix judicieux pour clore ce concert. On plonge dans la passion dramatique de l’une des sonates les plus jouées au monde – et ici, elle le fut de la plus belle des manières. Le public a eu droit à deux bis : un Ravel revisité, et surtout, une œuvre étonnante d’une compositrice autrichienne aveugle, Maria-Theresia von Paradis. Grâce à Bilal Alnemr et Nadezda Pisareva, la compositrice oubliée est passée de l’ombre à la lumière, ce vendredi 18 juillet, à Vauvenargues.
18 juillet 2025 – 21h00
Vauvenargues – Parvis de la Mairie
Bilal Alnemr (violon) & Nadezda Pisareva (piano)
19 juillet 2025 – 21h00
Vauvenargues – Parvis de la Mairie
Claire Désert (piano)
22 juillet 2025 – 21h00
Aix-en-Provence – Musée Granet
Gabriel Pidoux (hautbois), Bilal Alnemr (violon), Luc Dedreuil (violoncelle), Jorge Gonzalez Buajasan (piano)
23 juillet 2025 – 20h30
Vauvenargues (Vallon des Sports)
Orchestre des Jeunes de la Méditerranée, direction Evan Rogister
Pour en savoir plus, cliquer.
WUKALI est un magazine d’art et de culture librement accessible sur internet
Vous pouvez vous y connecter quand vous le voulez…
Comment soutenir WUKALI: nous relayer sur les réseaux sociaux (quelques icônes en haut ou en contrebas de cette page)
Contact ➽ redaction@wukali.com