Deuxième édition du « Festival Nouveaux Horizons »
Tous les concerts ont été donnés au Conservatoire Darius Milhaud. Ce beau projet autour de la création musicale initié par le violoniste Renaud Capuçon et l’altiste Gérard Caussé avait tenu toute ses promesses en 2020 ; aussi, le public répond présent cette année encore. Cet évènement est totalement gratuit, il convenait simplement de réserver.
Pourquoi gratuit ? S’interrogent certains, d’autant plus que des artistes de renommée internationale accompagnent les jeunes compositeurs et musiciens de cette génération montante. Parce que justement, ces jeunes musiciens prometteurs ont besoin de tous. L’évènement s’inscrit dans une démarche solidaire et militante, comme le souligne Dominique Bluzet. Nous souhaitons soutenir les jeunes artistes et mettre en lumière la musique d’aujourd’hui.
Vingt-cinq jeunes compositeurs et interprètes se sont retrouvés à Aix-en-Provence, du 4 au 7 novembre, pour nous livrer un festival réjouissant. Nous avons assisté à la soirée de vendredi 5 novembre au programme bien pensé, enchaînant avec fluidité les répertoires classiques et contemporains.
Renaud Capuçon débute le concert avec une création mondiale « Bec et Ongles » de Bastien David. Une création pour violon très originale pour ce jeune pensionnaire de la Villa Medicis en 2019/2020. Dans « Bec et Ongles », le musicien trentenaire semble avoir sorti ses griffes, ou pourrions-nous dire ses « serres », puisque la présence d’oiseaux nous parait évidente dans cette pièce. Même si le son est beau et captivant, il est tellement nouveau que nos oreilles doivent s’adapter en tout début de la partition. Puis, une « métamorphose » semble s’opérer sur l’instrument de Renaud Capuçon, parfaitement à l’aise. On sent que Bastien David connait notre violoniste, qu’il est à l’écoute de son art, car il faut être proche du musicien pour être à ce point capable de lui offrir ce solo.
Ottorino Respighi, (1879 – 1936) Il Tramonto, voilà un compositeur et une œuvre qui méritent d’être connus. Ce poème lyrique est l’un des cadeaux de la soirée, et merci aux jeunes interprètes d’avoir abordé une œuvre de ce compositeur Italien trop longtemps négligé.
La voix de Jeanne Gérard colle parfaitement à ce répertoire ; c’est comme si la jeune soprano parisienne se sentait chez elle dans cette musique italienne. Elle est bien dans sa voix, bien dans son jeu, car en plus d’une technique vocale irréprochable, le public a pu apprécier sa profonde musicalité et sa présence scénique remarquable. Pour l’accompagner, Raphaëlle Moreau. La violoniste n’est pas une inconnue, et elle fut elle aussi une « révélation » des Victoires de la Musique dans la catégorie soliste instrumental. Elle n’a que 24 ans et se fait un prénom dans cette fratrie de brillants musiciens.
Également très remarquées, Anna Egholm au toucher affirmé, et Clémence de Forceville, autre violoniste talentueuse dont le jeu est bien en place dans cet ensemble. Violaine Despeyroux est une altiste connue et reconnue. On se souvient notamment de son jeu tout en finesse dans une mémorable « carte blanche » à Renaud Capuçon. C’était au festival de Pâques 2021, dans une édition numérique très suivie avec la présente du Maître de l’alto : Gérard Caussé, une sacrée référence pour beaucoup.
Dans le groupe de jeunes femmes, toutes aussi jolies les unes que les autres, un homme, Aurélien Pascal, qui se construit lui aussi une superbe carrière de violoncelliste.
Ernest Chausson (1855 – 1899). Chanson perpétuelle, opus 37, une œuvre bouleversante et on est sous le charme de cette interprétation très émouvante des musiciens qui reviennent avec un plaisir non dissimulé sur scène. Là encore, Jeanne Gérard séduit. On la sent proche de son public mais aussi de son texte, superbe. Une œuvre pleine de surprises tonales qu’elle sert admirablement de sa voix est chaude et caressante.
Un musicien fait son entrée : Théo Fouchenneret. Le pianiste niçois n’est pas un inconnu. Révélation soliste aux Victoires de la Musique 2019, et également premier Prix (ex aequo) au prestigieux Concours International de Genève. Des distinctions méritées. Son interprétation a su restituer toute la poésie de cette « Chanson Perpétuelle ».
Le programme se poursuit avec David Hudry, né en 1978. Il propose une création étonnante, mouvante et pour ainsi dire visuelle. Quantité de tableaux s’offrent à notre oreille et tout se met joliment en place dans « Impulse », une partition pour violoncelle et piano. L’occasion pour nous de découvrir aux côtés d’Aurélien Pascal au violoncelle, Joe Christophe à la clarinette et Célia Oneto Bensaid au piano. Tous mettent en valeur l’œuvre de David Hudry, à la fois très construite et intuitive.
On aime le compositeur anglais Edward Elgar (1857 -1934) autodidacte de grand talent (faute de moyens dans sa famille, sa formation n’est pas classique mais ses influences sont multiples et le musicien connaitra le succès. Il y eut pourtant des critiques sévères, et fort heureusement bien d’autres, enthousiastes. Toujours est-il que ce vendredi soir, le Quintette pour piano et cordes en la mineur opus 84 à convaincu.
C’est autour de cette œuvre que les musiciens sont revenus sur scène : Renaud Capuçon accompagné au violon par Manon Galy, à l’alto par Violaine Despeyroux, au violoncelle par Max Bumjun Kim, et pour finir, Célia Oneto Bensaid, revenue s’asseoir devant le piano, pour notre plus grand plaisir. Oui, on peut parler de relève bien assurée.