Lire Shani Diluka, dont le nom à lui seul évoque l’Orient, est un moment d’apaisement. Monégasque née de parent Sri Lankais, pianiste invitée dans les salles de concert du monde dentier, elle a tout pour nous faire découvrir ce qu’elle connait et qu’on ne connait pas, pour nous faire explorer le monde et la vie. Et elle est aussi poète ce qui n’est pas le moindre de ses talents. Son dernier ouvrage, Les Silences de Schubert nous emmène dans un univers rempli de musiques, de peintures et de poésie. Et c’est dans cet univers qu’elle nous transporte doucement, en nous prenant la main pour nous conduire juste à côté du ciel, juste à côté des cieux, là où Schubert, Chopin ou Ravel l’ont emmenée.
Loin de toute rancœur, loin de tout désespoir et loin même de toute noirceur Shani Diluka écrit pour partager ce qu’il y a de Beau, de Bien et de Vrai. Ces trois-là sont pour elle, une même harmonie. Elle écrit comme elle joue, et ce pour partager ce que les compositeurs qu’elle interprète nous donnent à ressentir. Les mots ouvrent des horizons, /Les notes la lueur d’un été Ouvrir, construire, apaiser, espérer sont les points cardinaux des Silences de Schubert. Et puisqu’il y a des silences si importants dans la musique de Schubert, il y a aussi des silences entre les poèmes de ce recueil. Et ces silences, loin d’être vides de sens, sont remplis des illustrations de Jean Fléaca. Des couleurs toujours douces, placées en regard d’un poème, illustrent ce que Shani Diluka a écrit. Une terre ronde et rouge avec un trait qui évoque l’écharpe du Petit Prince est en face d’un poème dédié au personnage de Saint Exupéry : La fragilité, / Valeur essentielle de l’existence / Le Petit Prince dans la vallée des pleurs
Mélange de délicatesse, de tact et de retenue, fragiles comme la vie, les poèmes de ce recueil parlent aussi de la peinture comme celle de Mantegna Craquer une allumette au milieu de la nuit /Voir la grâce de Mantegna/Le cœur incendié Il est vrai que Mantegna peut incendier et illuminer la nuit Toutes ces pages font résonner ensembles la musique, la poésie, la peinture, ce qui n’est jamais chose facile ni évidente mais qui ici, est particulièrement réussi sans que jamais le trait ne soit forcé. Les liens apparaissent petit à petit et ce n’est qu’en refermant le recueil que l’on se rend compte du voyage qui a été fait.
Shani Diluka aborde dans ce recueil la vie, ses interrogations, ses espoirs sans s’appesantir sur les malheurs qui nous atteignent mais sans les nier ni les oublier. Elle préfère simplement voir le bleu du ciel et l’illuminer par ses poèmes plutôt que de voir les orages ou la tempête. La crainte a pris ses aises / dans un pays lointain La crainte, l’angoisse sont donc mises de côté. Au moins pour un temps.
Avec la volonté d’aborder l’universel dans tout homme et dans toute vie, elle nous donne parfois une injonction comme il n’y a pas de vie si vous ne sortez pas ce qui est en vous. Le silence n’est donc pas d’or comme le dit le proverbe, c’est la parole qui est en or. Il nous faut parler, échanger et construire. Je cherche la couleur de l’espérance est une autre confidence qui n’est pas une faiblesse mais plutôt une promesse, un espoir dans la recherche d’autre chose. Dans le quotidien, il y a une place pour le rêve et s’il faut rester les pieds bien arrimés à la terre, il faut aussi savoir qu’il y a autre chose et que même si le ciel est vide et même si on ne sait pas s’il est vide ou plein, Non, la terre n’est pas l’unique lieu que je connaisse. Shani Diluka nous fait part de quelque chose d’autre, de l’existence d’une harmonie entre le ciel et la terre, entre un ailleurs toujours possible et un attachement aux beautés du monde Choralités des résistances/ Choralités des existences Il y a un nous qui s’exprime dans cette choralité qui est partage de la vie , et ce partage est beau et harmonieux par le simple fait d’exister Il n’y a pas grand-chose à dire de plus , si ce n’est que la vie c’est peut-être un Etat de prière permanente / Hymne silencieux avec l’Absolu. Tout ce recueil est une prière pour ce monde avec un Absolu qui reste silencieux.
Deuxième recueil publié par Shani Diluka, Les Silences de Schubert, après Canopées, son premier recueil, ouvre une porte sur une poésie de l’intime qui rejoint un infini inatteignable mais qui trouve son sens dans une quête universelle et sans fin.
Dans un monde qui tourne de plus en plus à la guerre et à la violence, dans une société qui ne sait plus où elle va, ni comment faire pour résoudre ses problèmes, il est bon et réconfortant d’écouter une pianiste aux origines lointaines, issue d’un pays d’orient à la culture bien différente, et de l’entendre nous dire Ecouter un oiseau / C’est ne jamais mourir.
Les Silences de Schubert
Shani Diluka
éditionsArt 3 Galerie Plessis. 15€
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