Mercredi 2 Août, 20 h, le concert démarre un peu plus tôt, par rapport à d’autres programmations en soirée. C’est la carte blanche à Alexandre Kantorow qui se joue dans le parc du Château Florans : l’artiste a convié des amis musiciens. Il est heureux, et les 2000 spectateurs n’ont aucun doute : entre la programmation et la fine fleur des musiciens invités, ce concert sera l’un des temps forts de cette 43ème édition.
Il est devenu en quelques années l’un pianistes favoris du public français. Alexandre Kantorow est un musicien rare, qui ne se prend pas pour une star, et qui aime mettre sous les feux des projecteurs ses amis musiciens. Par nature, un soliste est seul, et si interpréter seul la musique a un goût particulier, cela n’est pas suffisant. Alexandre Kantorow le reconnait « Si on reste seul dans son coin à faire de la musique, on ne fait pas de progrès. On a besoin des autres ». Et ce mercredi soir, en soliste ou en ensemble, la musique s’est livrée avec passion.
Les amis sur scène
On découvre les musiciens amis : la belle Liya Petrova au violon, un violon qui ne manque pas de caractère. Sa longue robe noire de la première partie est elle aussi très remarquée. Aurélien Pascal, est déjà un très grand violoncelliste, une belle prestance sur scène, Il fait preuve d’une virtuosité éclatante dans les œuvres proposées.
Beethoven (1770–1827) : Trio pour piano et cordes n°1 en mi bémol majeur
D’emblée, le ton est donné avec le Trio pour piano, violon et violoncelle en mi bémol majeur, une œuvre de jeunesse de Ludwig van Beethoven, qui n’a alors que 26 ans lorsqu’il compose ces pages. Et on ne boude pas notre plaisir face à la générosité et l’énergie de ces musiciens eux aussi tout jeunes. On les connaissait déjà, mais séparément. Les trois ensemble, c’est un bonheur absolu, une belle révélation. Ils se connaissent bien en fait, on souvent joué ensemble et cela se remarque. Voilà trois jeunes artistes en pleine possession de leur technique. Ce qui ressort de leur jeu, c’est une limpidité, une belle cohérence, le violon et le violoncelle se déploient avec naturel dans un dialogue soutenu par le pianiste. Un piano qui tient une place primordiale, instrument particulièrement virtuose dans la partition. On peut le rappeler, Beethoven était un grand pianiste et on l’entend bien ce soir-là , de même que l’on se réjouit de voir que les trois musiciens ont su trouver le meilleur équilibre entre leurs instruments.
Beethoven : Triple Concerto pour piano, violon et violoncelle en Ut majeur opus 56
Le Sinfonia Varsovia fait son entrée, avec son chef, Gordan Nikolitch, violoniste. Le musicien yougoslave s’est perfectionné avec le grand violoniste et chef d’orchestre Jean-Jacques Kantorow, le papa d’Alexandre ! Les trois solistes les rejoignent. Il y a entre ces entités une belle complicité. On le disait, ils se connaissent bien, on pourrait presque parler de connivence. Sourires, regards, ils échangent en permanence, à l’écoute, car être ensemble est un enrichissement. Dans ce triple concerto, le chef est assis, son violon va faire entendre sa voix. Un musicien parmi ses musiciens qui dirige. out ensemble peut jouer sans chef, on l’a constaté à maintes reprises. Ce soir-là, la direction générale du Sinfonia Varsovia va se perdre, parfois, avec une légère désorganisation dans les différents pupitres. Mais globalement la cohésion de l’orchestre est conservée. Le charisme d’un chef, c’est important aussi !
Si le premier mouvement se passe, « gentiment », c’est dans le second, « largo » que l’on sera littéralement envouté par la voix du violoncelle, superbe. Il annonce un finale brillant et éloquent, « un rondo alla polacca » plein de caractère.
Schubert : Wanderer-Fantasie en Ut majeur opus 15 D. 760
C’est Schubert qui est à l’honneur et qui va le rester jusqu’à la fin de la soirée. Alexandre Kantorow seul sur scène, prouve, si besoin était, qu’il est très à l’aise dans ce chef-d’œuvre du compositeur autrichien. Du haut de ses 26 ans, il a toute la maturité qu’il faut pour l’interpréter. Dès l’Allegro con fuoco ma non troppo, le pianiste fait preuve d’un toucher vigoureux, tout en restant nuancé tant dans le presto que dans l’allegro. Il ne hausse jamais le ton, n’a pas besoin de cela pour affirmer sa virtuosité et sa technique, il pulvérise les obstacles, se joue des difficultés, semble si loin et paradoxalement si proche de nous. C’est Kantorow, attachant en diable. Tout est si fluide, précis, et lorsqu’il achève le finale, d’une beauté à couper le souffle, on ne veut pas le laisser partir… Voilà qui tombe bien, il y a une troisième partie, et on le retrouve avec ses amis musiciens.
Schubert : Quintette pour piano et cordes en la majeur opus 114 D.667 «La Truite»
Liya Petrova violon
Violaine Despeyroux alto
Aurélien Pascal violoncelle
Yann Dubost contrebasse
Alexandre Kantorow piano
Au firmament du bonheur musical autrichien avec des musiciens qui dialoguent comme ils l’ont fait depuis le début de la soirée. La contrebasse de Yann Dubost vient les rejoindre, un instrument au son rare et beau. Dans cette truite que l’on connait si bien, l’essentiel est là, il y a cette évidence, cette simplicité immédiate que l’on attend de ce chef d’œuvre. On file dans l’eau limpide avec ce quintette joliment composé, parfait. On navigue joyeusement, rien n’est pesant ni laborieux, on se jette à l’eau, avec un réel plaisir.
Écoutons tous ce concert qui sera diffusé sur France Musique le mardi 8 août à 20h dans Le Concert du soir, présenté par Jean-Baptiste Urbain.
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