Dante Alighieri dont on ne retient le plus souvent que le prénom, Dante, est Le Poète – avec deux majuscules- qui est à l’origine et qui reste encore de nos jours, au centre de la langue et de la culture italienne. Sa vie a été tourmentée : chassé pour des raisons politiques de Florence en Toscane, où il est né entre 1265 et 1267, il est décédé à Ravenne, en Emilie-Romagne, le 14 septembre 1321 à l’âge de 54 ou 56 ans.
Mais avant de parler des multiples transferts du corps de Dante, il faut connaître l’importance qu’a le Poète de nos jours pour commencer à comprendre qui il est. Et pour le savoir, il faut se rendre devant son tombeau à Ravenne, un soir à 17 heures de novembre à mars ou à 18 heures d’avril à octobre, sauf le 25 décembre, pour écouter la lecture d’un chant de la Divine Comédie. Instituée à partir du 14 septembre 2021 lors du sept-centième anniversaire de sa mort, cette lecture est totalement gratuite, se passe devant le tombeau de Dante et il y a toujours beaucoup de monde, italien ou non, pour écouter une ou un acteur, lire dans le texte, un chant de cette œuvre majeure du patrimoine littéraire.
Lors de ce sept-centième anniversaire, un geste du pape François a clôt toute polémique à propos des vives critiques que Dante avait émises, à juste titre, vis-à-vis de la Curie romaine. A cette occasion, le pape a béni la croix grecque qui avait été offerte à Ravenne par le pape Paul VI en 1965 pour le sept-centième anniversaire de la naissance du Poète. Le pape François, comme le pape Paul VI voulait signifier que Dante, contrairement à ce que disent certains commentateurs, « avait vécu et était mort comme un fils dévoué de l’Eglise ». La croix est visible sur une des parois à l’intérieur du mausolée.
Une autre façon de comprendre l’importance de Dante est de suivre la cérémonie qui se déroule devant son tombeau, tous les ans le 14 septembre, date anniversaire de sa mort. Le maire de Florence, accompagné d’une délégation de notables, vient remettre une bonbonne d’huile des collines toscanes au maire de Ravenne. Parce que les reste du Poète ont été placés dans un mausolée au plafond duquel brûle en permanence une flamme dans une lampe à huile. L’huile toscane va servir à faire brûler cette flamme tout au long des jours, des mois et des années. Les Florentins rendent ainsi hommage à celui qu’ils ont chassé il y a plusieurs siècles. Mais c’est aussi évoquer toutes les tentatives de récupérer le corps du Poète pour le ramener dans sa ville natale. Tentatives perpétuées encore de nos jours ou simple souvenir ? De toute façon, l’espoir de ramener le corps du Poète à Florence est totalement vain. Jamais Ravenne ne laissera partir le corps de son plus illustre personnage. Et voici l’histoire de la vie et de la dépouille de Dante.
La vie politique à Florence était compliquée au quatorzième siècle. Le pouvoir se disputait entre les Guelfes qui se réclamaient du pape et les Gibelins qui se réclamaient de l’Empereur. Mais comme rien n’est simple, les Guelfes se sont divisés en Guelfes noirs qui soutenaient sans discussion le pape tandis que les Guelfes blancs émettaient quelques réserves. Tout ce monde là se faisait la guerre, s’entretuait et s’excluait mutuellement. Dante, qui était du parti des Guelfes blancs, a été banni quand les guelfes noirs ont pris le pouvoir. C’était en 1302. Il n’est jamais retourné à Florence et a terminé ses jours à Ravenne.
On pourrait penser qu’une fois mort, le sort de Dante était scellé et qu’il allait pouvoir reposer en paix à Ravenne. C’était sans compter sur Florence qui a rapidement voulu récupérer la dépouille de celui qui était un poète reconnu et dont le prestige et l’influence ne faisaient que croître. Ravenne a toujours jalousement gardé la dépouille de Dante jusqu’à nos jours. Et ça n’a pas été simple. Dès 1519 les Florentins ont réclamé le corps pour le transférer dans leur ville. Tenaces, ils ont construit en 1829 une magnifique tombe. Elle se trouve dans l’église Santa Croce, elle est toujours visible mais elle est vide. C’est un cénotaphe et il y a tout lieu de penser qu’il restera toujours vide. Les Florentins ne récupéreront jamais le corps de celui qu’ils ont exclu il y a plus de sept cents ans. Cette première tentative de 1519, qui avait le soutien de Michel-Ange avait été autorisée par les papes, Léon X et Clément VII, deux descendants des Médicis. Les Florentins ont eu le droit d’ouvrir le sarcophage mais quand il a été ouvert, ils se sont rendu compte qu’ils avaient été bernés : le sarcophage était vide. Malins, les moines franciscains de Ravenne, qui considéraient que Dante était un des leurs, avaient caché le corps dans un mur de leur église. Les reste du poète y sont restés jusqu’en 1677, date à laquelle ils ont été transférés dans une urne qui a été placée en 1781 dans le mausolée construit en hommage à Dante, juste à côté du couvent et de l’église des franciscains. Ce mausolée est celui que l’on peut voir encore aujourd’hui.
Et ce n’est pas fini, en 1810, quand Napoléon a dissout les ordres religieux, l’urne a été sortie du mausolée pour être cachée, par précaution, dans un mur du couvent. En 1865, lors de travaux de restauration, un ouvrier a mis au jour l’urne. Elle a ensuite été remise dans le sarcophage d’origine et replacée dans le mausolée.
Les restes de Dante y sont toujours mais il y a encore eu un épisode au siècle dernier qui a empêché Dante de profiter d’un repos éternel. Le 23 mars 1944, pendant la Seconde Guerre mondiale et alors que les Alliés avaient débarqué en Sicile en juillet 1943, l’urne a été cachée dans un tumulus juste derrière le mausolée pour éviter qu’elle soit détruite ou simplement ouverte lors d’un bombardement. Ou, selon une autre version, pour empêcher l’occupant allemand de transférer les restes de Dante en Allemagne. Ce tumulus est encore bien visible dans le petit jardin à côté du mausolée. Et ce n’est que le 19 décembre 1945, plusieurs mois après la capitulation de l’Allemagne, que l’urne a été replacée dans le mausolée dédié au Poète. Il était temps qu’il repose en paix. Qu’il soit tranquille, Ravenne se gardera bien de laisser partir les restes du plus illustre Poète de la Péninsule.
La ville a dédié un très beau musée à Dante, juste à côté de son tombeau, dans l’ancien couvent des franciscains qui ont veillé sur sa dépouille. On peut y voir toute l’histoire de ses restes, des illustrations en trois dimensions de la Divine comédie et différents objets évoquant sa vie et son œuvre. Sur l’un des murs du cloître, des villes du monde entier ont apposé leur blason en hommage à Dante. Sur ce mur, on note aussi celui de Florence qui cherche à tout prix à retrouver les faveurs de celui que les Italiens appellent Il Sommo Poeta. Un peu plus loin, sa maison où il aurait vécu, a été reconstituée. L’ensemble, tombeau, musée et maison a été intégré dans une « Zona del silenzio » qui comprend également la basilique San Francesco et le « Quadratto di braccioforte », endroit de calme dans le jardin derrière le tombeau. Toute cette partie de la ville, avec les évènements qui s’y déroulent, fait revivre l’esprit et la présence de Dante Alighieri.
Voir Le site de Dante à Ravenne
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