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Ovations et public debout pour Gautier Capuçon et Pierre Bleuse à Aix-en-Provence

par Pétra Wauters

On ne présente plus Gautier Capuçon, il s’est produit ce vendredi 25 avril au Grand Théâtre de Provence dans le cadre du Festival de Pâques. Nous étions heureux de le retrouver à Aix, quelques mois après son mémorable concert du 24 septembre 2024 au GTP, c’était magique !

Vendredi soir, place aux jeunes talents prometteurs et aux musiciens confirmés de l’Orchestre de chambre du Festival Casals de Prades. Tous nous ont embarqués dans un programme aux couleurs éclatantes de Chostakovitch, puis dans le romantisme intense et flamboyant de Franz Schubert. À la direction, Pierre Bleuse, chef d’orchestre reconnu et attachant, baigné dès son plus jeune âge dans la musique grâce à une famille d’artistes : un père compositeur, une mère chanteuse, un frère violoncelliste, une sœur pianiste. Très tôt, il s’est rendu compte qu’il ne pouvait vivre sans musique : « Tu as les cartes en main, si tu veux être musicien, cela doit venir de toi ! » lui disait son père.

Pierre Bleuse
©Julia Serinsen

Quelle évolution pour ce brillant violoniste et chef d’orchestre qui, adolescent, nourrissait déjà l’ambition de diriger un ensemble musical. Directeur du Festival Casals de Prades depuis 2021 et à la tête de l’Ensemble intercontemporain depuis 2023, Pierre Bleuse nous a impressionnés vendredi soir par son énergie communicative et son expressivité. Jusqu’au bout des doigts l’homme s’exprime, et si ses intentions musicales et sa gestuelle précise sont déjà limpides pour nous, public, elles sont de toute évidence parfaitement comprises et appréciées des musiciens qu’il dirige.

Dmitri Chostakovitch Concerto pour violoncelle n°1 en mi bémol majeur, op. 107
Gautier Capuçon, d’une profondeur saisissante : on est touché au cœur, car au-delà de la pure virtuosité technique, le violoncelliste nous offre un jeu d’une rare expressivité. Il est reconnu pour cette intensité musicale qui fait oublier la technique : il dépasse la maîtrise de son instrument pour révéler l’âme de l’œuvre qu’il interprète. Ici, c’est toute l’âme de Chostakovitch qui se dévoile, au travers d’un univers tourmenté. Cette souffrance, la sienne et celle de son peuple, s’expriment avec force.

Olécio partenaire de Wukali
Dimitri Chostakovitch (1906-1975)

Ce concerto est considéré comme l’un des plus grands du XXe siècle. C’est une œuvre magistrale. Si l’on entre facilement dedans, il faut néanmoins se concentrer pour ne rien perdre de sa profondeur émotionnelle, de sa mélancolie poignante. On connait le contexte politique soviétique de l’époque et les moments dramatiques sont nombreux. Cela se traduit aussi par les grandes difficultés de la partition du violoncelliste : des techniques de vélocité à maîtriser, des contrastes expressifs à faire vivre, un dialogue subtil à maintenir avec l’orchestre…  Le 4ᵉ mouvement est incroyable avec ses tempis rapides et ses rythmes syncopés.

Voilà un concerto qui va bien à Gautier Capuçon. Il l’a déjà enregistré il y a quelques années. Quelle chance de le retrouver aujourd’hui avec cette profondeur émotionnelle intacte. On admire la direction de Pierre Bleuse : il y a quelque chose de magique dans sa manière de mener ses musiciens. Même de loin, sa gestuelle raconte véritablement la musique ; même de loin, on sent l’intensité de son regard lorsqu’il s’adresse à un pupitre. Retransmettre au mieux la vision de cette œuvre passe par ces échanges divers, par ce regard qui ne nous échappe pas, à nous, bienheureux dans la salle.

Gautier Capuçon
© Anoush Abrar.

Gautier Capuçon, ovationné, revient plusieurs fois sur scène. Il prend le micro pour remercier le public ainsi que son frère Renaud, qui l’a invité au festival. Puis il annonce le bis, là encore d’une incroyable profondeur. C’est sans doute le mot que l’on retiendra de cette soirée : la profondeur. Ainsi interprète-t-il « Le Chant des Oiseaux », de l’immense violoncelliste Pablo Casals, grand musicien humaniste qui a souvent joué cette œuvre à travers le monde. En 2025, ce chant catalan demeure un symbole de paix. La mélodie est belle, pleine d’espoir, et ses moments de silence sont véritablement poignants. Les dernières notes sont suspendues, personne ne bouge. Portés par une émotion pure, nous sommes en « apnée ». Les musiciens eux aussi affichent un « arrêt sur image ». Ce n’est que lorsque Gautier Capuçon fait glisser au ralenti sa main le long de son corps que nous reprenons notre souffle pour applaudir à tout rompre.

Après l’entracte Franz Schubert Symphonie n°9 en ut majeur, D.944

Pierre Bleuse possède de belles qualités dans le répertoire romantique, et il nous les a révélées dans la Symphonie n°9 de Schubert : un défi intéressant. Il faut rester attentif pour suivre cette « Grande » symphonie : elle l’est par sa longueur autant que par sa richesse. Nous osons à peine dire que parfois, oui, c’est très long, même si c’est très beau… dès le premier mouvement, particulièrement développé, et ce vaste allegro ma non troppo qui lui donne une ampleur imposante. Nous pensons encore au finale, superbe, grandiose. On est saisi par cette tension dramatique, ce bel équilibre entre lyrisme et puissance orchestrale.

On s’étonne toujours de voir comment un orchestre « répond » sous la conduite de chefs différents. Il faut saluer l’Orchestre du Festival Pablo Casals, dont on a aimé la sonorité raffinée. Les musiciens, pour beaucoup très jeunes, offrent le meilleur de cette œuvre de Schubert sous la direction de leur chef. C’est un regard neuf, différent, qui est porté sur cette symphonie oscillant entre classicisme et romantisme. On associe souvent cette symphonie aux grands chefs germaniques et aux orchestres prestigieux. Ce vendredi soir, les jeunes musiciens, portés par la direction habitée de Pierre Bleuse, nous ont profondément touchés. Ils étaient réceptifs à la justesse et à la vision du chef d’orchestre. 

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