Un spectacle pour toute la famille, réglé comme sur du papier à musique ! Quand la musique classique se mêle à la bande dessinée, cela offre au public une expérience originale et ludique.
Odyssée de Doublecroche… pour crayons, feutres, pinceaux, couleurs, piano et violon !
Zep, le papa de Titeuf, qui aime beaucoup la musique au point d’avoir choisi son pseudonyme en hommage au groupe Led Zeppelin, était en bonne compagnie musicale ce samedi, devant un auditoire de tous âges. On sait que le dessinateur et scénariste suisse est aussi compositeur, guitariste, et fin connaisseur non seulement de rock’n’roll, mais aussi de musique classique. Il s’est d’ailleurs amusé à croquer, dans l’hilarante bande dessinée L’Enfer des concerts, de malicieux portraits de musiciens et de spectateurs de tous les univers musicaux.
En cette fin d’après-midi, Renaud Capuçon l’accompagne au violon… à moins que ce ne soit Zep qui accompagne le violoniste par ses illustrations ! Peu importe : la performance est unique, car ils jouent et dessinent en direct un conte musical en plusieurs séquences. Nous étions scotchés par tant d’inventivité, d’humour, de poésie et de surprises dans cette Odyssée pour Doublecroche. Pas tout à fait à deux, puisque le piano de Théo Fouchenneret était lui aussi joliment présent. Le jeune pianiste niçois connaît bien le violoniste, et tous deux ont déjà collaboré dans divers projets musicaux.
Quand Renaud Capuçon interprète des œuvres classiques pendant que Zep illustre en direct, c’est surtout à partir des dessins (grands formats) projetés sur grand écran que l’on suit l’histoire. On se réjouit de cette fusion artistique, qui vise à rendre la musique classique accessible à un public plus large. Enfants, familles, spectateurs, auditeurs : le bonheur !
Car il est beau, ce conte-concert qui se dessine sous nos yeux. On ne se lasse pas de suivre ce petit bonhomme qui ressemble farouchement à Titeuf. On l’appellera Titeuf du reste, c’est plus simple ! Il se crée sous nos yeux, accompagné par le violon magique. Cette symphonie pour crayon et violon (tel est le sous-titre du spectacle) nous prend par les sentiments : car l’image et le son mêlés enchantent à la fois les yeux et les oreilles. L’archet lumineux de Renaud Capuçon et le crayon farceur de Zep est un duo qui fonctionne à merveille.
Sur Edward Elgar déjà, et Chanson de matin, sur les cinq lignes de la portée, Zep place ses notes. La musique suivra… et le petit personnage en équilibre sur ces lignes, monte ou descend. Chez Debussy ensuite, en forme de double croche, il regarde un joli soupir qui danse. Amoureux, il s’accroche et s’enfuit avec La Fille aux cheveux de lin, le thème de ce sublime morceau.
La Danse hongroise n°5 de Brahms est tout aussi irrésistible ; des « oh » et des « ah » se font entendre dans la salle à mesure que progresse cette séquence au dragon enchanteur. Zep livre encore de savoureux croquis sur Tchaïkovski et son Iolanta op. 69. On aime voir Titeuf, sauter sur les notes d’un piano, au son de Rachmaninov et de sa Romance op. 21. La Méditation de Thaïs de Jules Massenet qui est sublime : sur le papier mouillé, les encres fusionnent dans l’eau pour inviter la pluie, et Titeuf médite sous un gros nuage.

de g. à dr. Zep,Théo Fouchenneret, Renaud Capuçon
On s’interroge sur une séquence : Zep dessine Titeuf, avec sa houppette caractéristique, tout en haut de la feuille. Il pose ensuite quatre pastilles de couleurs, les trois primaires et du vert, en diagonale, en bas de la feuille. On va vite comprendre : d’un habile et rapide coup de carte rigide, il balaie les couleurs de bas en haut, lesquelles fusionnent pour former un arc-en-ciel sous les pas du petit héros, comme par enchantement. Rachmaninov revient avec Vocalise op. 34 n°14 : un parapluie s’ouvre, et le petit garçon court, des effets de cinéma avec juste deux dessins qui se suivent et se superposent par magie.
Ici encore, Zep dessine sur une sonate de Brahms, là il est inspiré par Ennio Morricone et se fait son propre « Cinéma Paradiso ».
Quelle merveille, ce gros plan d’un violon qui se construit, des mains magiques s’en emparent, et un visage apparaît : ce pourrait être Renaud Capuçon lui-même et son violon Guarneri del Gesù de 1737. Le spectacle est court, on le savait, mais le bonheur se prolonge longtemps après.
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