C’est toujours un peu triste de clore une aventure aussi belle que celle de Grenade, la compagnie professionnelle fondée par la chorégraphe Josette Baïz. Mais offrir au public « Cinq versions Don Juan », créé pour ses merveilleux danseurs, est une façon splendide d’ouvrir un nouveau chapitre : celui d’un pôle de chorégraphie internationale dédié à la jeunesse.
« Je me consacrerai désormais exclusivement aux enfants et aux adolescents », annonce la chorégraphe, reconnue pour son approche pédagogique novatrice. Le projet conserve l’identité, le nom et l’esprit de Grenade, tout en élargissant son champ d’action : accueil de jeunes danseurs, résidences artistiques, formations et collaborations internationales.
Une même maison, un nouveau souffle, résolument tourné vers la transmission et la jeunesse.
Nous avons rencontré Don Juan ce mardi 4 novembre au GTP
Le mythe du séducteur iconique y est revisité : et si l’on croyait tout savoir du libertin, ces variations nous enchantent et nous transportent loin. Certes, quelques réglages restent à peaufiner, quelques synchronisations demeurent approximatives, mais peu importe ! On entre sans peine dans les tableaux imaginés par la grande chorégraphe.
Cinq séquences pour une approche plurielle : une relecture intelligente et sensible du mythe, que l’on salue chaleureusement.
Dans cette œuvre, Josette Baïz réunit des danseuses et danseurs venus du classique, du contemporain et du hip-hop, tissant un dialogue tonique, embrasé, poignant, virevoltant , séducteur, tendre parfois, violent souvent, pour explorer les multiples facettes du libertin : sa fougue, son insoumission, ses tourments.

©Photo Claire Gaby.
Chaque séquence révèle une dimension différente de ce personnage éternellement moderne. Et sans doute l’est-il plus encore ce soir-là, sur la scène du GTP, incarné par ces quinze danseurs extraordinaires aux profils variés. On reconnaît immédiatement la patte de Josette Baïz : sa manière singulière de parler de séduction, de pouvoir, de transgression, de mort. Elle permet aux danseurs de transposer tout cela en mouvement, dans une danse qui se fait narration.
On suit les corps, l’énergie, les relations entre les personnages, et bien sûr la séduction, dans un tourbillon incroyable. Quelle énergie dans toutes les versions annoncées sur grand écran
Version I : Démesure : trois danseurs nous subjuguent : Don Juan, Sganarelle et Elvire. Une progression dramatique qui donne le ton.
Version II : Rébellion, et on est face à des « Don Juan » insoumis, révoltés, projetés dans un futur sombre, au rythme d’un rap-rock endiablé.
Version III : Libération, Don Juan pourrait être une femme, une proposition servi par des danses orientales et indiennes superbe, teintées d’érotisme.
Version IV : Mort, on y va, forcément, et aux portes de l’enfer, Don Juan affronte ses victimes et le Ciel, et il reste fidèle à lui-même jusqu’au bout.
Version V : Métamorphose, le feu devient passage, non vers la fin, mais vers une transformation : un Don Juan délivré, transfiguré.
Dans cette réactualisation du mythe, on est surpris, secoués, mais jamais perdus. Le spectacle donne à réfléchir : il est bien plus qu’un simple divertissement.
La danse a ceci de fabuleux : par le corps, elle nous parle de pouvoir, de désir, de rébellion. La mise en espace accompagne merveilleusement ce thème si souvent abordé, qui a traversé les siècles, les arts, les sensibilités, chaque époque offrant un miroir de « son Don Juan ».Et ce mardi soir, il s’agissait aussi d’une dernière fois : la dernière création de la compagnie. Tout cela donnait à la pièce un arrière-plan chargé d’émotion. Un défi brillamment relevé, qui vient clore quarante ans de création.
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