Le Musée de l’Annonciade touche au vieux port de Saint Tropez, on y entend chanter les grillons et les mouettes viennent se poser sur les arbres alentour. La Côte d’Azur est riche de musées et de collections de très grande qualité, L’Annonciade en fait partie et présente à travers une collection constituée par les peintres eux-mêmes qui ont séjourné dans ce qui fut naguère un charmant village, la sensibilité d’un siècle à peine disparu et si riche de créations artistiques. La lumière pure et étincelante de la Méditerranée a toujours touché et inspiré les artistes et la collection en est démonstrative avec des oeuvres de Signac, Matisse, Rouault, Bonnard, Van Dongen, Vlaminck, Delaunay… Un véritable musée d’art moderne dans un écrin sublime
Pendant l’été, du 7 juillet au 8 octobre 2012, une exposition remarquable consacrée aux sculptures de peintres se tient dans le cadre de ce charmant musée, ne la manquez pas !
De DAUMIER à GIACOMETTI
la sculpture des peintres, 1850-1950
Nul ne saurait mieux en parler que Monsieur Jean-Paul Monery, Commissaire de cette exposition, conservateur en chef du patrimoine, L’Annonciade, musée de Saint-Tropez
L’aventure de la sculpture du XXe siècle ne pourra être racontée sans recenser le nombre important de peintres qui ont consacré, à un moment de leur vie, leur réflexion dans ce domaine qui leur était apparemment inconnu. Tous les peintres ont toujours manifesté le plus grand respect pour le dur travail du sculpteur. Il est vrai que celui-ci, dans l’apprentissage d’un métier difficile et lentement appris, se retrouve plus souvent enserré dans le respect de la tradition avec des outils dont il dépend et qu’il doit dominer ; il en est de même pour le matériau. Sans cette formation, il est impossible de se lancer à l’assaut du vide. Aucune négligence ne sera pardonnée, et tout sera désormais visible pour un temps infini. La sculpture n’autorise pas le repentir, l’humilité est une nécessité absolue. Elle peut être une pratique épisodique, mais elle est toujours une pratique fatidique. L’art de ce siècle aura, sans aucun doute, vécu de cette part d’éternité et les peintres qui ont tenté cette passionnante aventure ne s’y sont plus jamais soustraits.
Si Honoré Daumier figure le premier sur la liste dans cette exposition, c’est pour indiquer combien la sculpture moderne, celle née d’une autre interprétation, lui doit pour sa liberté et son pouvoir de suggestion. Mais c’est à partir de la révolution de l’Impressionnisme, saisissant l’instantané, que certains peintres ont été intéressés par la sculpture.
Degas tente de capter un geste en mouvement, Renoir, à la fin de sa vie, se tourne vers la sculpture tant sa peinture devenait « plastique ».
Gauguin en bouleverse les règles en réintroduisant la taille directe et s’écarte du langage qui était le nôtre pour révéler la beauté oubliée.
Bonnard et Vallotton excelleront dans des nus modelés dans la terre et figés dans le bronze.
Parmi les fauves, Matisse, surtout, a « fait de la sculpture comme un peintre » c’est-à-dire qu’il a interrogé la sculpture pour y trouver solution à des problèmes picturaux.
Kirchner, à l’inverse, met à nu la peinture et ses bois sculptés sont un retour au primitif.
Pour Derain ou Chabaud, la sculpture est de forme géométrique dans un espace resserré.
Picasso, quant à lui, se servira sans cesse de la sculpture pour vivifier sa peinture.
Braque aura une approche très différente, son œuvre frontale est presque en contradiction avec sa peinture.
Giacometti est-il peintre ou sculpteur ? Il est synthèse des deux mondes.
Arp ouvre un univers autre, onirique, poétique et sensuel.
Ainsi, des artistes, dont l’histoire retient le rôle éminent et primordial, se sont aventurés dans un monde différent. Ils ont voulu signaler que le peintre pouvait lui aussi tenter une autre analyse et laisser trace d’une autre vie, la cerner, la mettre en volume dans l’espace. Ils ont plus sûrement compris qu’ils devaient, s’ils voulaient rester attentifs à la création, se mettre en difficulté, dans un équilibre plus instable que celui établi dans un langage qu’ils connaissaient trop bien, pour essayer de remédier à des coutumes et ainsi se frotter à l’inconnu.
Jean-Paul Monery
Conservateur en chef du patrimoine
L’Annonciade, musée de Saint-Tropez
De DAUMIER à GIACOMETTI
la sculpture des peintres, 1850-1950
Du 7 juillet au 8 octobre 2012.
L’ANNONCIADE. Musée de Saint-Tropez. Place Grammont
83990 Saint-Tropez
Horaires :
Ouvert tous les jours au mois de juillet /août. Fermé le mardi à partir du 1er septembre. De 10h à 12h et de 14h à 18h
Courtes biographies des artistes
Malgré les réticences de son père, il suit des cours de dessin à l’Académie Suisse et à l’Académie Boudin.
En 1825, il est chargé chez l’éditeur Belliard de la préparation des pierres lithographiques et réalise des copies de dessin. C’est à la même époque qu’il livre à La Caricature ses premiers dessins politiques et ses satires de Louis-Philippe le rendent rapidement célèbres.
A la fermeture du journal, il s’oriente vers le dessin de mœurs jusqu’à la Révolution de 1848. Il retrouve alors sa verve politique et réalise une série en terre sur les parlementaires avant de créer en 1850 le personnage Ratapoil, figure du propagandiste radical.
Remercié dans les années 1860 duCharivari, il ralentit sa production lithographique mais continue le dessin et la sculpture. Il se consacre à la fin de sa vie à la peinture.
La sculpture moderne lui doit beaucoup pour sa liberté et son pouvoir de suggestion.
Grand peintre, dessinateur et lithographe, il trouve dans la sculpture qu’il réalise de mémoire, le moyen d’approfondir son approche en deux dimensions en décelant une autre vérité réfutant les apparences.
EDGAR DEGAS (1834-1917)
Après une expérience de copiste au Louvre jusqu’à 1853, il est admis à l’Ecole des Beaux-Arts en 1855. C’est au cours de cette formation qu’il rencontre brièvement Ingres qu’il admirera ensuite toute sa vie. Il rencontre Edouard Manet en 1859 et entreprend dans ces années-là ses premières études de chevaux tout en s’adonnant à la peinture d’histoire.
Ses premières représentations de musiciens, danseuses et repasseuses datent de 1869. Apparenté au courant impressionniste, il s’attache comme les autres artistes de ce mouvement à saisir l’instant fugitif de scènes contemporaines par une touche très libre. Il use de techniques très diverses.
Outre la peinture à l’huile, Edgar Degas pratique le pastel et s’initie à la technique du monotype.
Pendant les années 1880, il réalise un grand nombre de sculptures en cire et de gravures. La cire lui permet d’exprimer avec force le mouvement et de saisir les instants les plus éphémères.
Il participe à toutes les expositions impressionnistes et c’est à celle de 1881 qu’il présente la sculpture Petite danseuse de quatorze ans qui déclencha la polémique.
Passionné par la découverte de la photographie, il effectue parallèlement de nombreuses prises de vue.
C’est à la fin de sa vie, souffrant de problèmes de santé et presque aveugle, qu’il se consacre plus largement à la sculpture et au pastel. Comme à travers son œuvre picturale, l’artiste fait preuve d’une grande acuité de regard dans ses sculptures pour traduire la fugacité du mouvement et des postures.
Pierre-Auguste Renoir commence sa formation en apprentissage chez un peintre en porcelaine à Paris tout en suivant des cours à l’école de dessin et d’arts décoratifs sous la direction du sculpteur Callouette.
Il fréquente ensuite l’atelier Gleyre où il fait la connaissance de Frédéric Bazille, Claude Monet et Alfred Sisley avec qui il travaille dans la forêt de Fontainebleau et développe la peinture en plein air.
Il est admis ensuite à l’Ecole des Beaux-Arts et appartient au courant impressionniste qui prend officiellement naissance lors de la première exposition du groupe en 1874. Il s’attache ainsi à traduire la fugacité des reflets et des effets de la lumière en usant d’une touche fragmentée. Cependant, contrairement aux autres peintres de ce courant pictural, la figure continue à occuper chez lui une place prépondérante.
Un voyage en Italie fait évoluer sa manière dans laquelle le dessin semble prendre le pas sur la couleur. Son style linéaire fait place ensuite à une facture plus souple à base de blancs et de roses en demi-teinte, manière dite « nacrée ».
C’est à la fin de sa vie, après ses rencontres avec Maillol à Essoyes, qu’il se tourne vers la sculpture tant sa peinture tend à devenir « plastique ». Pour ce faire, il demande l’assistance du sculpteur Richard Guino, modelant la terre sous les indications du peintre.
PAUL GAUGUIN (1848-1903)
Gauguin est un artiste autodidacte. Travaillant chez un agent de change, il peint pendant ses loisirs.
C’est en 1876 qu’il expose pour la première fois au Salon et s’initie au modelage et à la sculpture grâce au sculpteur Julles Bouillot.
Passionné de peinture, il devient l’un des plus actifs collectionneurs de toiles impressionnistes et plus particulièrement de Cézanne. Invité par Pissarro et Degas, il participe à la quatrième exposition impressionniste.
Ses séjours à Pont-Aven en Bretagne auront un impact significatif dans son œuvre. De même, son séjour à Panama en 1887, constitue une étape importante dans la maturation artistique de son art dans lequel l’exotisme et le primitivisme s’affirment. Il en apprécie l’aspect sauvage et rompt avec la technique impressionniste à la recherche d’une forme simplifiée. Dans les pas d’Emile Bernard à Pont-Aven, il initie le synthétisme en rupture avec l’art officiel et l’impressionnisme.
Ernest Chaplet le forme à la technique de la céramique. Son goût pour les contrées lointaines et plus sauvages, s’intensifie avec ses voyages successifs à Tahiti, Papeete ou aux Iles Marquises. De sa quête du primitif et du sauvage naîtront aux côtés de ses toiles aux couleurs si fortes, ses sculptures à la fois frustes et puissantes.
PIERRE BONNARD (1867-1947)
C’est au cours de sa licence de droit que Pierre Bonnard entre à l’Académie Julian en 1887 où il rencontre Paul Sérusier, Maurice Denis et Paul Ranson. C’est avec eux qu’il constitue le groupe Nabis après la révélation du Talisman peint par Sérusier à Pont-Aven d’après les directives de Paul Gauguin.
Il est reçu en 1889 à l’école des Beaux-Arts et se lie avec Edouard Vuillard et Ker-Xavier Roussel. Toutes ces rencontres seront décisives et vont lui permettre d’affirmer sa liberté novatrice sur des supports et dans des techniques variés. Le recours à la gravure, essentiellement la lithographie, fait ressurgir son sens du décoratif dans des affiches, des illustrations de livre voire des paravents.
Comme les autres membres du groupe Nabis, il rejette la représentation spatiale traditionnelle et le rendu objectif des formes pour un jeu sur l’aplat. Son art porte la marque de multiples influences depuis les arts graphiques japonais jusqu’à l’univers du théâtre pour lequel il créé des décors et des costumes.
Auteur de l’affiche de la Revue Blanche, il appartiendra au cercle d’artistes et d’écrivains gravitant autour de cette publication dirigée par les frères Natanson.
La nature va prendre ensuite une place de plus en plus importante dans son œuvre. Les paysages et les représentations de sa femme Marthe deviennent ses sujets privilégiés et ses toiles d’alors se caractérisent par un lyrisme coloré qu’offre une palette chatoyante.
Il se tourne un temps vers la sculpture mais elle ne fut qu’une parenthèse dans son œuvre et témoigne d’un besoin de tridimensionnalité après ses recherches sur l’aplat en peinture.
FELIX VALLOTTON (1865-1925)
Entré à l’Académie Julian, il reçoit les cours de Jules Lefebvre et de Gustave Boulanger et se lie d’amitié avec le professeur Charles Maurin et le graveur Félix Jasinski.
Ses toiles sont exposées pour la première fois au Salon des artistes français à Paris, puis au Salon des Beaux-Arts de Genève. En participant à la quatrième exposition des peintres impressionnistes et symbolistes, il fait la connaissance des Nabis, Vuillard, Bonnard et Roussel.
C’est en 1891 qu’il réalise ses premières gravures sur bois. L’année suivante, il participe au premier Salon de la Rose-Croix avec les Nabis. Son travail est alors très diversifié. Aux illustrations qu’il effectue pour de nombreux journaux comme la Revue Blanche et Le Rire, s’ajoutent la création d’affiches et son travail sur l’estampe. Il s’adonne également au paysage lors de ses séjours en Belgique, en Hollande ou à l’île d’Oléron.
Membre fondateur du premier Salon d’Automne, il est un peintre au talent reconnu comme en témoignent les nombreuses expositions auxquelles il participe.
C’est en 1904 qu’il s’essaye à la sculpture. Après ses recherches sur l’aplat, cette technique lui permet d’appréhender la forme dans la tridimensionnalité.
Egalement auteur dramatique, il écrira plusieurs pièces qui seront montées ensuite par des théâtres. Il se consacre ensuite à la fin de sa vie exclusivement aux paysages et aux natures mortes après un bref retour à la gravure sur bois durant la Première Guerre Mondiale.
HENRI MATISSE (1869-1954)
C’est à la suite d’une convalescence à l’âge de vingt ans au cours de laquelle sa mère lui offre une boîte de couleurs, qu’Henri Matisse s’intéresse à l’art et décide de s’inscrire à l’Ecole Quentin de la Tour réservée aux dessinateurs en textile. Il décide alors d’abandonner le droit et sa carrière de clerc en 1890 pour se consacrer à l’art et s’installe à Paris en 1891.
C’est alors que commencent véritablement sa formation et sa carrière artistique.
Dans l’atelier de Gustave Moreau qu’il fréquente, il rencontre des artistes comme Georges Rouault et Albert Marquet.
A partir de 1900, il travaille à l’Académie Chaumière sous la direction d’Antoine Bourdelle tout en fréquentant l’atelier d’Eugène Carrière où il fait connaissance d’André Derain qui lui présente ensuite Maurice de Vlaminck. Avec eux, il participe au Salon d’Automne de 1905 en compagnie d’Albert Marquet, Maurice de Vlaminck et Kess van Dongen. Leurs toiles aux couleurs pures et violentes, posées en aplat font scandale et Henri Matisse devient le chef de file de ce que le critique Louis Vauxcelles surnomme Les Fauves.
Son œuvre se nourrit de ses nombreux voyages et il participera à un grand nombre d’expositions.
Dans les années 1940, son travail évolue grâce à la technique des gouaches découpées, qui lui permet de « dessiner dans la couleur ». Son recours à la sculpture influe considérablement sur son travail de peintre. Une interaction riche et fructueuse s’effectue entre les deux techniques. Il déclare « Je me livre parfois à la sculpture qui me permet, au lieu d’être placé devant une surface plane, de tourner autour de l’objet et de mieux le connaître. »
GEORGES ROUAULT (1871-1954)
Georges Rouault débute comme apprenti à quatorze ans chez un peintre de vitraux avant d’entrer à l’Ecole des Beaux-Arts de Paris dans l’atelier de Gustave Moreau.
Il fonde le Salon d’Automne en 1903 avec les peintres Henri Matisse et Albert Marquet et y participe associé aux Fauves. Toutefois, il refuse d’appartenir à ce mouvement et souhaite rester un artiste indépendant. Les figures de juges, d’avocats, les salles d’émigrés et de fugitifs très présentes dans son œuvre reflètent sa révolte face à la misère humaine et sont autant de thèmes qu’il tire de son observation critique de la société qu’un prétexte à des recherches sur les formes et les couleurs.
Profondément catholique, il reconnaît dans cette humanité souffrante le visage du Christ qu’il recherche dans de nombreuses toiles évoquant la passion. C’est grâce à sa rencontre avec André Metthey qu’il expérimente le décor sur céramique et la sculpture à travers plusieurs créations.
Dès 1910, son œuvre est reconnue par les collectionneurs et les marchands d’art et de nombreuses expositions lui sont consacrées au cours des années 1930.
OTTO FREUNDLICH (1878-1934)
A la suite d’une formation commerciale à Hambourg, il se consacre à des études d’histoire de l’art, de philosophie et de littérature à Berlin.
C’est en 1904, qu’il se consacre définitivement à l’art et étudie à Munich et à Florence.
D’abord séduit par le Jungendstyl ornemental du groupe Sécession, son art évolue rapidement vers une peinture en aplats plus proche des expressionnistes de la Nouvelle Sécession et de Die Brücke avant de s’orienter vers l’abstraction naissante du Blaue Reiter. Il se retrouve en effet au cœur de l’avant-garde artistique parisienne en habitant le Bateau-Lavoir en 1909 où il se lie avec Picasso, Herbin, Delaunay, Kandinsky, Juan Gris, Max Jacob et Braque.
Ses premières sculptures sous forme de masques archétypes vont naître de cette période d’effervescence artistique en 1910. Il les présentera à la Nouvelle Sécession de Berlin.
Après avoir appartenu également à des groupes cubistes à Paris, Amsterdam et Cologne, il réalise sa première œuvre complètement abstraite en 1919. N’abandonnant pas la sculpture pour autant, il s’adonna à nouveau à cette technique en réalisant deux sculptures monumentales sur le thème du cosmos en 1923 et 1933, un haut-relief en 1934 et une impressionnante Sculpture-Montagne.
Toujours dans le souci d’être au cœur des nouveautés artistiques de son temps, il adhéra au groupe Cercle et Carré avant d’entrer dans le nouveau Abstraction-Création.
Une partie importante de son œuvre fut détruite par les nazis, l’une de ses sculptures L’homme nouveau ayant figuré en 1937 sur la couverture du catalogue d’exposition sur ce qu’ils qualifiaient d’« art dégénéré ».
Il décède au camp d’extermination de Sobibor à Lublin-Maïdanek.
ANDRE DERAIN (1880-1954)
André Derain commence sa formation artistique en 1898 lorsqu’il rentre avec Eugène Carrière à l’Académie Camillo. Toutefois, il restera un artiste autodidacte qui nourrit sa réflexion esthétique par une fréquentation assidue des musées et un grand nombre de lectures (Zola, Nietzsche…). A cela vont s’ajouter des rencontres qui seront déterminantes pour la maturation de son œuvre.
Avec Henri Matisse qu’il rencontre au Louvre puis Maurice de Vlaminck, il se lance dans l’aventure du fauvisme qui le fera connaître du grand public.
Sa découverte des arts primitifs en 1906 et 1907 dont il fit collection ensuite aura un impact majeur sur ses recherches créatrices.
En effet, tout en poursuivant sa réflexion sur les liens entre décoration et expression, il s’intéresse aux arts décoratifs et à la sculpture. Son œuvre se diversifie et à ses créations picturales s’ajoute le travail à partir de la céramique et du bois. Un temps sous l’influence de Picasso qu’il rencontre au Bateau-Lavoir, il s’oriente vers le pré-cubisme qu’il abandonne ensuite.
En 1907, il s’essaie à la sculpture sur pierre qui va lui permettre de traduire avec force le nouvel univers de formes qu’il a tiré de sa découverte de l’art primitif.
ERNST LUDWIG KIRCHNER (1880-1938)
C’est à l’âge de dix ans que Kirchner prend ses premiers cours particuliers de dessin et s’initie à la gravure sur bois.
Après avoir obtenu son diplôme d’ingénieur architecte à l’Ecole supérieure et technique de Dresde, il décide de se consacrer entièrement à la peinture.
Le 7 juin 1905, il fonde avec Fritz Bleyl, Erich Heckel et Karl Schmidt-Rottluff le groupe Die Brücke dont il grave sur bois et publie le « Brücke-Programm » qui s’oppose de manière virulente à la tradition bourgeoise et académique pour prôner une liberté totale d’action et de création.
La représentation du nu en peinture comme en gravure est le sujet le plus récurrent de sa période dresdoise.
En 1910, Heckel l’initie à la sculpture sur bois d’après les arts primitifs. De ce travail, ses œuvres bidimensionnelles vont acquérir une plus grande plasticité.
De 1925 à 1927, son travail oscille entre figuration et abstraction, puis il se tourne vers « l’abstraction cubiste » en multipliant les points de vue tout en reliant les formes entre elles par une ligne continue.
Alors qu’en Allemagne la répression contre l’art et les artistes s’intensifie et que son état de santé se dégrade, Kirchner abandonne l’abstraction pure et se tourne vers le paysage traité d’une manière naturaliste et monumentale. 639 de ses tableaux, gravures, dessins et sculptures seront vendues à l’étranger ou détruites par le gouvernement national-socialiste. Dans ce climat de tensions politique et intellectuelle, l’artiste se suicide en 1938.
Son œuvre sculpté témoigne de l’interaction étroite qui se joue entre les différentes techniques. La peinture lui confère une puissance exceptionnelle tandis que l’influence de son œuvre graphique est perceptible dans une statuaire aux formes plus primitives.
PABLO RUIZ PICASSO (1881-1973)
Peintre, dessinateur, sculpteur, graveur et céramiste, Pablo Ruiz Picasso est l’artiste le plus novateur et prolifique de son temps.
Après l’Ecole des Beaux-Arts de Barcelone dans laquelle son père enseigne, il est reçu en 1896 à l’Académie Royale San Fernando à Madrid mais préfère se former en visitant les salles du Prado et fréquente les milieux avant-gardistes.
Dans sa période dite « bleue », l’artiste peint des scènes de cabaret et de prostituées et se met du côté des déshérités.
Il s’installe à Montmartre en 1904, au Bateau-Lavoir, et entame sa « période rose » autour du monde des saltimbanques. Ses premières sculptures, parmi lesquelles Arlequin, Tête de fou (1905) datent de cette époque.
Son œuvre Les Demoiselles d’Avignon en 1907 initie le courant du cubisme et reflète son intérêt pour la sculpture ibérique et l’art primitif africain et océanien.
Sa période analytique ensuite le conduit vers ses premiers papiers collés.
Il participe en 1925 à la première exposition surréaliste et aborde ensuite la sculpture en fer avec Julio Gonzales en 1927. Il s’adonne également à la gravure et à l’illustration de livres.
Tout au long de sa vie, Pablo Picasso réalise de fréquents allers-retours entre peinture et sculpture ce qui contribue à enrichir constamment son puissant vocabulaire pictural, qui induit déjà d’évidentes formes sculptées.
Après avoir suivi l’enseignement de Pierre Grivolas à l’Ecole des beaux-arts d’Avignon, Auguste Chabaud complète sa formation artistique à Paris à l’Académie Julian puis à l’Ecole des beaux-arts tout en fréquentant les ateliers de Cormon et de Carrière.
De retour au domaine familial de Graveson en 1902, il réalise de nombreux dessins et quelques rares huiles qui témoignent d’une vision très personnelle et synthétique.
Son rejet d’un naturalisme rigoureux pour une transposition expressive du motif, s’affirme lors d’une période créatrice très intense à l’occasion de son second séjour à Paris.
Un moment tenté par le cubisme, c’est dans une série de sculptures aux volumes volontairement géométriques qu’il révèle l’aspect le plus intéressant de ses recherches formelles.
Après la guerre de 1914-1918, son œuvre évolue vers un plus grand réalisme auquel il restera fidèle. Ses principaux sujets d’inspiration dès lors sont liés à la vie rurale et aux paysages qui l’entourent.
Outre de son œuvre pictuale, Auguste Chabaud nous lègue aussi de nombreux écrits où transparaissent son intense goût de la vie, ses réflexions élevées sur l’art et son amour pour la Provence.
GEORGES BRAQUE (1882-1963)
D’abord apprenti dès l’âge de 14 ans chez son père qui était peintre amateur, il suit en même temps l’école des Beaux-Arts du Havre.
Sa formation se poursuit à Paris en 1900 à l’atelier Bonnat au sein de l’Ecole des Beaux-Arts tout en suivant les cours de l’Académie Humbert pendant deux ans.
D’une inspiration étroitement naturaliste dans un premier temps, c’est en 1905 qu’il s’oriente vers le fauvisme lorsqu’il découvre au Salon d’Automne La cage aux fauves.
Les couleurs de sa palette deviennent violentes et abstraites et traduisent sa recherche d’une connaissance fortement sensuelle et émotive. Il ressent toutefois rapidement les limites du fauvisme et se tourne vers une approche plus intellectuelle de la peinture.
C’est à l’Estaque en 1907 qu’il amorce les premières recherches d’analyse et de décomposition de la forme qui vont donner naissance au cubisme dont il est avec Pablo Picasso l’initiateur. Sa rencontre avec l’artiste cette même année au Bateau-Lavoir, scelle une grande amitié entre les deux hommes. Tous deux créent un nouveau langage pictural où la peinture s’émancipe de la représentation imitative du monde pour conquérir une existence propre.
Cette représentation novatrice du réel s’enrichit ensuite de l’introduction d’éléments arrachés à la réalité quotidienne à travers les collages notamment.
Après avoir renoué brièvement avec la réalité extérieure et l’apparence des choses à son retour de la guerre, sa réflexion sur la forme se poursuit jusqu’à devenir extrêmement dépouillée.
Son recours à la sculpture un temps donné de sa carrière de peintre, a certainement contribué à l’évolution de ces recherches formelles. Plus symbolique et dépouillée, son œuvre frontale renonce à l’analyse développée par l’artiste dans sa peinture cubiste. Son retour à la peinture en portera les marques.
Il commence sa formation artistique en 1903 à l’Académie Julian et la poursuit à l’Ecole des Beaux-Arts de 1904 à 1908 dans la classe de Lefebvre et Robert Fleury.
Il entre ensuite à l’Académie Ranson où il suit l’enseignement de Maurice Denis et Paul Sérusier.
Il peint alors des paysages bretons de Châteauneuf du Faou d’Audierne et de Pennarch.
En 1910, il installe son atelier à Paris rue des Sablons et travaille la sculpture sous la direction de Maillol à l’atelier de la Grande Chaumière. Il y rencontre Bourdelle et se lie d’amitié avec Raymond Duchamp-Villon.
Très intéressé par le cubisme, il se joint au Groupe de Puteaux qui se réunissait dans l’atelier de Jacques Villon et participe avec ce groupe et André Mare à l’élaboration de la Maison Cubiste de Raymond Duchamp-Villon.
Après avoir exposé plusieurs fois au Salon d’Automne et au Salon des Indépendants, il a sa première exposition personnelle à la Galerie Levesque.
JEAN ARP (1886-1966)
Jean Arp étudie les arts décoratifs à Strasbourg puis à Weimar avant de poursuivre sa formation à l’Académie Julian à Paris.
D’abord sous l’influence du mouvement Dada auquel il s’associe en 1916 à Zurich et à Cologne, il commence à sculpter des reliefs en bois polychrome en 1917 puis intègre le mouvement surréaliste en 1925.
Il deviendra l’un des membres fondateurs du groupe Abstraction-Création.
Tout en poursuivant ses activités plastiques et poétiques, ce n’est qu’à partir de 1930 que la sculpture devient son activité principale. Il développe alors un style très personnel et met en place un vocabulaire de signes aux allusions figuratives et ironiques. La ronde-bosse lui permet ainsi de traduire sa recherche d’un retour aux sources par l’élaboration d’un nouveau corps humain où l’homme et la nature sont unis. Les formes sont épurées et semblent venir du fond de la mémoire humaine, tandis que configuration organique et puissance architecturale se mêlent de manière étonnante.
De très nombreuses expositions personnelles lui sont consacrées après-guerre et Jean Arp devient un artiste internationalement connu.
En 1954, il reçoit le Grand Prix International de Sculpture à la Biennale de Venise.
JEAN FAUTRIER (1898-1964)
Il commence sa formation artistique à la Royal Academy qu’il quitte ensuite pour la Slade School, mais déçu, il préfère travailler seul et découvre William Turner en fréquentant la Tate Gallery.
En 1922, il participe au Salon d’Automne et connaît sa première exposition personnelle à la Galerie Visconti.
En 1924, il peint alors essentiellement des nus à la sanguine, des portraits et des natures mortes et gravures.
En 1929, il se lance dans d’importantes recherches techniques et met en place le procédé « matiériste ».
Jusqu’à 1933 il se partage entre sculpture et peinture, il réalise notamment des gravures pour l’édition illustrée de l’Enfer de Dante, préparée par Gallimard, mais qui finalement n’aboutit pas.
Dans les années qui suivent Fautrier travaille à l’illustration de plusieurs ouvrages, parmi lesquels L’Alléluia de Georges Bataille.
Il est avec Jean Dubuffet le plus important représentant du courant de l’art informel.
ALBERTO GIACOMETTI (1901-1966)
Encouragé par son père, peintre postimpressionniste et ami des peintres Ferdinand Hodler et Cuno Amiet, Alberto Giacometti découvre très tôt son don artistique et se passionne pour l’art.
Tout en copiant les œuvres des maîtres qu’il admire comme Dürer, Van Eyck ou Rembrandt, il prend pour premiers modèles ses frères et sœurs, son père et sa mère.
C’est en 1914 qu’il réalise sa première sculpture.
Après avoir fréquenté brièvement l’Ecole des Arts et Métiers de Genève, il entreprend deux voyages en Italie où il fut profondément marqué par Tintoret, Giotto et Cimabue.
Sa formation artistique se poursuit à Paris où il s’installe en 1922, grâce à de fréquentes visites au Louvre et dans des galeries d’art contemporain et primitif tout en suivant les cours d’Antoine Bourdelle. Il réalise alors des études d’après nature mais s’engage en 1925 dans la mouvance post cubiste et surréaliste.
Il réalise des sculptures-objets en puisant dans sa mémoire et son imaginaire, que les surréalistes apprécient. Toutefois, percevant les limites de ses recherches, il travaille à partir de 1934 à rendre sa propre vision du réel en sculptant des figures dans leur espace. Celles-ci semblent alors devenir minuscules ou disparaître en s’amincissant.
Durant les dernières années de sa vie, il s’attache à capter le regard, signe de vie de ses modèles à travers toute une série de portraits peints, dessinés et sculptés.
Son œuvre témoigne de la faculté de l’artiste à effectuer une synthèse des deux mondes que sont la sculpture et la peinture.
ANTONI CLAVE (1913-2005)
Après avoir travaillé très jeune dans le bâtiment, Antoni Clavé Sanmarti entre aux Beaux-Arts de Barcelone en 1930 où il reste pendant deux ans.
Il commence sa carrière en tant qu’affichiste, publicitaire et décorateur et contraint de quitter l’Espagne, il devient décorateur de théâtre et illustrateur à Paris.
Il travaille notamment pour le chorégraphe Boris Kochno et Roland Petit au début des années 1950.
C’est en 1954 qu’il décide de se consacrer à la peinture et d’arrêter la décoration.
Ni figuratif, ni abstrait et les deux à la fois, son œuvre est inclassable.
Inspiré par les structures murales et les graffitis, il utilise des fragments de journaux et d’autres supports pour son œuvre picturale dans l’esprit des collages.
Antoni Clavé déploie ses dons dans de nombreux domaines.
Après des premières ébauches pour des tapis, il se consacre à la sculpture à partir des années 1960. Dans cette technique également, il fait preuve d’une large inventivité. Il travaille à la fois sur des bas-reliefs, des assemblages et des sculptures archaïques en bois qui ressemblent à des totems ou à du plomb modelé et imprimé dans lequel des objets trouvés s’incorporent.
L’aspect pluridisciplinaire de son œuvre se poursuit comme en témoigne son recours au mélange des techniques par la suite.
Le pavillon espagnol de la Biennale de Venise lui est dédié en 1984.
BERNAR VENET : artiste invité
Bernar Venet naît le 20 avril 1941 à Châteaux-Arnoux-Saint-Auban dans les Alpes de Haute-Provence.
Il étudie pendant un an à l’Ecole Municipale d’Art de la ville de Nice à la Villa Thiole avant d’être engagé ensuite comme décorateur à l’Opéra de Nice.
L’œuvre de Bernar Venet est très riche. Peinture, sculpture, photographie, mobilier, performances, compositions filmiques et musicales, sont autant de domaines dans lesquels l’artiste s’est illustré.
C’est en 1961 lors de son service militaire qu’il réalise ses premières peintures au goudron à l’origine de ses tableaux Goudrons en 1963.
Son travail sur l’utilisation de diagrammes mathématiques aboutit sur son dessin industriel Plan de tube, sa première œuvre à caractère monosémique, qu’il présente dans le cadre d’« Impact » au Musée de Céret. L’artiste s’installe ensuite définitivement à New York et y développe son œuvre conceptuelle.
En 1971 est publié un catalogue raisonné de son œuvre conceptuelle à l’occasion d’une rétrospective au New York Cultural Center.
Il arrête quelques temps son activité artistique et revient plusieurs années à Paris entre 1972 et 1975 pour enseigner la matière « Art et Théorie » à la Sorbonne.
Ce n’est qu’en 1976 lorsqu’il retourne vivre à New York qu’il reprend sa production artistique et développe un travail sur toile qu’il intitule Angles et Arcs jusqu’en 1979. La même année, il entreprend des reliefs en bois : Angles, Arcs, Diagonales et réalise sa première Ligne indéterminée. Ces figures auront une large postérité. Il les déclinera dans des matériaux variés et de manière monumentale.
En 1995, il travaille sur le thème de la Droite et réalise un effondrement de barres qu’il intitule les Accidents.
A partir de l’année 2000, il s’adonne ensuite à un nouveau travail de peintures murales, Equations Majeures.
Très tôt, Bernar Venet est un artiste internationalement reconnu. Outre sa participation à un très grand nombre d’expositions d’importantes rétrospectives lui sont consacrées.
En 2011, sept de ses sculptures monumentales sont exposées dans les jardins de Versailles.