Lu dans la presse française. LA CROIX

Le corps du poète chilien, décédé peu après le coup d’État contre Salvador Allende en 1973, a été exhumé, ce lundi 8 avril, pour étudier un éventuel empoisonnement par la dictature.

Pablo Neruda, grand poète chilien et ami du président socialiste Salvador Allende, est-il décédé le 23 septembre 1973 des suites d’un cancer de la prostate, comme le veut la version officielle, ou a-t-il été assassiné par les militaires, tout juste arrivés au pouvoir après le coup d’État d’Augusto Pinochet  ? Près de quarante ans après les faits, la justice chilienne rouvre le dossier, la version officielle ayant toujours été contestée par des proches du prix Nobel de littérature 1971.

Une équipe de médecins légistes, chiliens et internationaux, a procédé, ce lundi 8 avril, aux prélèvements des restes du poète, enterré dans le jardin de la maison qu’il possédait à Isla Negra, face au Pacifique, sous la supervision du juge Mario Carroza. Ils devaient être ensuite transférés jusqu’à Santiago, la capitale du Chili, pour être analysés.

C’est en juin dernier que le juge a rouvert le dossier. Selon le certificat de décès, Pablo Neruda est mort à 69 ans de « cachexie cancéreuse » – état d’affaiblissement et d’amaigrissement extrêmes. Or, des personnes l’ayant vu les jours précédant sa mort s’accordent à dire qu’il ne présentait aucun signe de faiblesse, même s’il était bien malade.

UNE MYSTÉRIEUSE INJECTION

« Lorsque je l’ai connu, c’était déjà un homme malade, mais il n’était pas squelettique ni catatonique. Autrement, je n’aurais pas envisagé de le mettre dans un avion pendant neuf heures », rappelait l’ancien ambassadeur mexicain Gonzalo Martinez, qui lui avait ouvert les voies de l’exil vers Mexico. Pablo Neruda se sentait en effet menacé depuis le coup d’État du 11 septembre 1973 et voulait quitter le pays, où il était revenu en début d’année, après avoir été l’ambassadeur du Chili d’Allende à Paris.

Pour ses proches, la dictature aurait commandité son assassinat, redoutant qu’il ne devienne un opposant de prestige depuis son exil mexicain. Son ancien secrétaire personnel et chauffeur, Manuel Araya, a ainsi affirmé que son patron, hospitalisé, avait reçu une mystérieuse injection dans les heures ayant précédé sa mort. Le Parti communiste du Chili (PCC), également convaincu de son assassinat, a saisi la justice en décembre dernier pour qu’elle fasse exhumer les restes du poète et, selon l’avocat du PCC, Eduardo Contreras, « déterminer si avec l’aide des nouvelles technologies et malgré le temps passé et la proximité de la mer, nous pouvons trouver des traces de substances nocives, de toxines, de bactéries », prouvant l’intervention d’un tiers.

La justice chilienne a récemment revisité les circonstances de plusieurs morts politiques survenues sous la dictature. Elle a ainsi exhumé, en mai dernier, la dépouille de Salvador Allende, pour comprendre s’il s’était suicidé ou avait été assassiné pendant le coup d’État. L’expertise médicale a conclu au suicide.

En revanche, une autre enquête visant à examiner les circonstances de la mort d’un autre opposant, l’ancien président (1964-1970) Eduardo Frei Montalva, qui s’est éteint en 1982 après une opération bénigne, a conclu en 2009 à un empoisonnement. L’affaire est toujours en cours d’instruction.


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Le chauffeur de Neruda affirme que Neruda fut assassiné. (en espagnol)

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