Special Tribunal for Lebanon in The Hague. Beyond words, when diplomatic strategies interfere with linguistic and semiology


Paris – le 20 décembre 2013 – Le Barreau de Paris exprime sa vive préoccupation devant les atteintes à la diversité juridique, linguistique et culturelle en cours au Tribunal Spécial pour le Liban. 
Dans une décision rendue le 17 Décembre dans l’affaire Merhi , à quelques jours de l’ouverture du procès des premiers accusés, la Chambre de première instance, présidée par le Juge australien David Ré vient de décider que seul l’anglais serait autorisé pour la procédure écrite et que pour pouvoir soumettre des écritures en arabe ou français les Parties devront démontrer une «bonne raison». Les traductions vers l’arabe ou le français ne pourront être effectuées que sur décision de la chambre. Le Chef du Bureau de la Défense est prié de tenir compte de cette décision dans la désignation qu’il devra faire d’une équipe d’avocats pour le 5ème accusé. Ainsi la chambre « invite » le Chef du Bureau de la Défense à désigner une équipe de défense anglophone…

De plus, dans une décision précédente (29 Octobre) la Chambre a décidé d’appliquer la procédure de common law plutôt que la procédure de droit civil prévue prioritairement par le règlement de Procédure et de Preuve.

Le Barreau de Paris rappelle que le Liban, qui participe à hauteur de 49 % au budget du Tribunal Spécial pour le Liban, est un pays arabophone et francophone, membre important de la francophonie. 
Que les langues officielles du Tribunal sont l’anglais, le français et l’arabe et qu’attenter au principe du respect de la diversité culturelle et juridique, revient à remettre en cause les droits les plus élémentaires de la défense de travailler et de s’exprimer dans une des langues officielles du Tribunal.

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Christiane Féral-Schuhl, bâtonnier de Paris, commente : « A part le Tribunal pour la Sierra Léone, qui évoluait dans un milieu anglophone, c’est la première fois dans un Tribunal Pénal International que l’anglais deviendrait la langue unique de travail. Or il s’agit du Tribunal … pour le Liban ! Certes aujourd’hui présidé par un Président Néo-Zélandais, avec un Procureur Canadien anglophone, un Greffier américain et un Président de Chambre australien après le départ du Juge Suisse. Peut-on demander à des libanais, dont l’Etat participe à 49 % au budget du Tribunal, de justifier de « good cause » pour pouvoir parler leur langue, arabe ou français, devant « leur » Tribunal ? »

Christiane Féral-Schuhl conclue : « C’est une décision inopportune, voire offensante pour le Liban dont la Constitution prévoit que l’arabe est la première langue et le français la seconde et une décision grave pour la Justice Pénale Internationale. Si le français en disparaît c’est toute la culture juridique romano germanique qui disparaîtra au moment précisément où ces juridictions ont au contraire besoin de construire un Droit Pénal International en mixant les systèmes et en puisant dans la culture romano germanique, des règles lui permettant de sortir de ses procédures chronophages et budgétivores. N’oublions pas par ailleurs que c’est grâce à la culture romano-germanique que nous avons réussi à imposer la présence des victimes devant les Juridictions Pénales Internationales. Devons-nous abandonner tout cela ? »

Communiqué


Illustration de l’entête: Photo Tribunal Spécial pour le Liban


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