Théodore Gouvy, a romantic composer of the 19th century split into two cultures, French and German


C’était en cette année passée 2013. Le Conseil général de la Moselle, l’association qui en dépend, Moselle Arts Vivants, l’Institut Théodore Gouvy de Hombourg-Haut et le Palazzetto Bru Zane de Venise lequel a créé un Centre de musique romantique française sous la direction du musicologue mosellan d’Alexandre Dratwicki , s’étaient associés pour diffuser, au fil des mois de 2013, un Festival départemental intitulé « Théodore Gouvy et son temps ». Cette année musicale qui avait pour but de mieux faire connaître ce compositeur, a permis de produire de nombreux récitals, concerts symphoniques et de musique de chambre, non seulement en Moselle mais également à l’étranger et jusqu’en Chine, pour rendre hommage à ce musicien à la double culture. Il connut ses heures de gloire au XIXe siècle et sombra dans l’oubli à sa mort. Jusqu’à ce qu’un certain Sylvain Teutsch parcourant le cimetière de Hombourg-Haut où il demeure, fut intrigué par la tombe en forme de petite pyramide ressemblant à un grand métronome, où était enterré le compositeur. Chanteur à la Chorale d’hommes de cette localité et qu’il dirigeait, Sylvain Teutsch décida un jour de faire revivre le musicien et de lancer l’Institut Gouvy. C’était au début des années 1980. Les concerts se succédèrent alors à Metz et en Lorraine, qui permirent de découvrir un certain nombre de ses œuvres oubliées parmi un impressionnant répertoire de ses compositions. Histoire d’une reviviscence…

Il y a quelques années, l’Académie du disque lyrique de Paris décernait un « Orphée d’or » récompensant l’enregistrement discographique des Scènes dramatiques d’« Iphigénie en Tauride » de Gouvy, et plus particulièrement le Prix Jules Massenet « pour la meilleure initiative discographique honorant un compositeur français. » Un trophée de plus qui confortait l’Institut Gouvy dont son président Sylvain Teutsch œuvra à la réhabilitation du musicien à la biculture.

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Un destin surprenant

Mais qui est donc Théodore Gouvy dont l’Opéra-Théâtre de Metz Métropole a, au mois de mai 2011, donné en création mondiale, un de ses deux opéras, « Fortunato », en français, d’après la nouvelle de Prosper Mérimée, tandis que le Théâtre de Sarrebrück proposait le mois suivant, « Der Cid », aussi en première audition, mais sur un livret en allemand ?

Coïncidence ou providence ? La conjonction de ces deux événements frontaliers tient en tout cas du symbole. Car le musicien, ballotté entre les deux pays conjoints, a connu un destin surprenant, lié à l’Histoire qui agita l’Allemagne et la France. Gouvy naquit en 1819, connut au XIXe siècle, son heure de gloire entre Paris et Leipzig, et sombra dans les limbes de l’oubli durant les trois-quarts du XXe, avant d’intéresser, dès les années 1980, les milieux musicaux curieux de son passé. Il était né allemand, à Goffontaine, un quartier de Sarrebrück, quatre ans après que cette partie de la Lorraine soit annexée à la Prusse, suite à la bataille de Waterloo et en vertu du traité de Paris de 1815.
Descendant d’une famille de maîtres de forges qui s’installera plus tard à Hombourg-Haut, et où il décéda en 1898, Gouvy eut trois frères, dont l’un naquit en 1813 et qui est, lui, né français !

Le conservatoire de Paris lui ferme ses portes !

La mère de Théodore Gouvy, Lorraine de coeur, était originaire de Metz, et son fils Théodore, après avoir été collégien à Sarreguemines, fut, après le décès de son père, lycéen à Metz. Il y décroche son bac. Il a dix-sept ans. Malgré toutes les démarches entreprises sans relâche, il ne pourra pas être naturalisé. Il aurait fallu qu’il habitât en France depuis dix ans. Bah ! Il fit son droit à Paris, mais, sa nationalité, mal vue, restreignait ses ambitions. Finalement, il abandonnera la magistrature qui n’était pas faite pour lui. Et il se replonge dans la musique qui lui manquait beaucoup depuis qu’à six ans, il improvisait sur une harpe à huit cordes ! Autre déception : on refusera à l’Allemand, son accès au Conservatoire de Paris. Quant aux éditeurs musicaux français, ils faisaient la fine bouche et rechignaient à publier ses premières compositions. Néanmoins il prit des cours dans la langue de Molière et se liera avec quelques condisciples, Camille Saint-Saëns, Adolphe Adam, Gabriel Fauré. Il pérégrine à Berlin, à Cologne, à Dresde, à Wiesbaden, à Francfort, à Leipzig, où les milieux musicaux sont plus attentifs à ses compositions musicales. Et il revient à Paris.

Pourtant, ses tribulations ne sont pas terminées. En 1848, il devra même y louer une salle et payer un orchestre pour qu’on joue sa première symphonie. Heureusement, c’est un succès.

Et Berlioz, qui grossoyait ses critiques dans « Le Journal des débats », lui envoie un souffle d’espoir « Qu’un musicien de l’importance de Gouvy soit encore si peu connu à Paris, alors que tant de moucherons importunent le public de leur obstiné bourdonnement, il y a de quoi indigner les esprits naïfs qui croient encore à la raison et à la justice de nos mœurs musicales !… » De quoi regonfler les bronches de notre musicien à la double culture.

Deux ans plus tard, retour de Leipzig, Gouvy revient à Metz (c’était en 1850) où il voulait s’installer. Làs ! la barrière de la nationalité n’était pas encore levée. Il dut attendre l’année suivante pour qu’on lui signe enfin sa nouvelle carte d’identité…française ! Il avait 32 ans.

Une sérénade pour Metz

Toutefois, à Metz, on l’accueille à la société « L’Union des Arts » à laquelle il dédiera une Sérénade pour le piano et qui sera publiée dans sa revue. On en profite pour jouer quelques- unes de ses compositions qui, selon les chroniques, seront chaleureusement saluées. Lors de son nouveau passage à Metz, dix ans plus tard, il jouera avec deux musiciens amateurs, son « Trio pour piano, violon et violoncelle ». Puis, il continuera ses pérégrinations et se fera un nom, en France, certes, mais, plus encore peut-être, Outre-Rhin et plus spécialement à Leipzig où ses symphonies et sa musique de chambre étaient fort appréciées.

La reviviscence viendra, trois-quarts de siècle après sa mort. Un trésor ? Lorsque l’Institut Gouvy, qui s’était entouré de spécialistes, musiciens et historiens de la musique, s’engagea dans la voie de la réhabilitation, on reconnut au compositeur, un style où se compénètrent l’école germanique orientée vers la musique de chambre et les œuvres orchestrales, et l’esthétique française, plus légère et plus versée dans le corpus lyrique, bien que la musicologue Danièle Pistone ait dit de Gouvy qu’il était « une figure emblématique et l’initiateur du mouvement symphonique français ». On ira de découvertes en édition de partitions, de concerts en enregistrements discographiques. On redécouvre, dans les années 1980, à Metz et dans la région, ses œuvres religieuses dont son « Requiem » ; Jacques Mercier enregistre ses symphonies ; on tourne un film documentaire intitulé « Le Mystère Gouvy ». Et le colloque international qui suivit fut clos sur cet apophtegme :« Gouvy, entre élégance française et vigueur allemande ! » En fait Gouvy a puisé son inspiration chez les musiciens de la génération précédente, dont Mendelssohn, Schubert, avec une belle carrure béethovénienne, s’il fut aussi dans la lignée symphonique apparentée à Saint-Saëns.

Partenariats, Concerts… et 2013, l’Année Gouvy !

Alors, la remise de l’Orphée d’or, à l’Opéra Bastille, a fait monter à nouveau Gouvy sur le podium de la reconnaissance. On remet le trophée à Sylvain Teutsch ; un des descendants du compositeur, Jean Gouvy, est présent ; le chef d’orchestre Joachim Fontaine qui a dirigé « Iphigénie en Tauride » à la tête de la Grande société philharmonique de Sarrelouis, avec la Kantorei et quatre solistes vocaux, récolte les félicitations. La cérémonie se double d’une convention passée entre l’Institut et le Palazetto Bru-Zane de Venise qui défend la musique romantique, et portant sur la mise à disposition des partitions de Théodore Gouvy.

De plus, toujours en 2011, l’Ensemble Le Salon romantique a donné un concert à Solignac, en partenariat avec la Fondation La Borie, et le second concert, dans la Sérénissime. Au programme, deux Quintettes, celui d’Onslow et un de Gouvy. Enfin, Sylvain Teutsch, avec Denis Schaming, alors Directeur général adjoint des services au Conseil général de la Moselle, ont finalisé un projet liant le Palazzetto, le Conseil général, l’ Association « Moselle Arts Vivants » et « L’Institut Gouvy » . Ce trio associé décida alors que 2013 serait l’année Gouvy ! On y rejoua son Requiem, quelques unes de ses symphonies (qui ont d’ailleurs fait l’objet au fil des ans d’un enregistrement de son intégrale au nombre de huit par Jacques Mercier à la tête de l’orchestre de Sarrebruck-Kaiserslautern) sa musique de chambre. Le dernier concert donné à Metz par l’ONL en octobre faisait côtoyer son Requiem et la 5e symphonie de Mendelssohn. Une de ses Sérénades fut jouée le même mois à l’Hôtel de Ville de Metz. On y ajoutera le concert de musique de chambre du 14 décembre dernier à l’Arsenal, où trois ensembles avaient mis à leur programme trois opus de Gouvy : un Quatuor, un trio avec piano et un quintette avec piano également. Ce furent pour l’auditeur et critique que je suis, des « airs de jouvence de l’aimé Gouvy ». Sans oublier Hombourg-Haut qui le chouchoute et renouvelle tous les ans le festival qui lui est dédié.

Georges MASSON
Journaliste – auteur


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