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La chronique littéraire d’Émile COUGUT
Il y a peu, j’ai fait une chronique dans Wukali sur le livre de Frédéric Dany « La Rose des vents ». Le héros, Xavier, était atteint du syndrome d’Asperger, une sorte d’autisme. Théodore, un des deux jumeaux (avec Dimitri), personnage principal de « La dynamique des fluides » de Mathieu Tazo est victime du même mal. Leur attitude au quotidien est totalement différente, autant l’un est enfermé sur lui-même, refusant toute communication verbal avec autrui, autant Théodore parle, avec difficulté, mais parle, est totalement paranoïaque, tout en restant dans son univers, dans le but qu’il s’est donné : trouver la solution des équations de Navier-Stokes.
L’histoire de se roman : Théodore et Dimitri, à 10 ans sont dans un avion en classe économique. Alors qu’il était en vol, des turbulences arrachent une partie du fuselage, mais le pilote arrive à atterrir. Lors de l’accident, Théodore est blessé au visage (il en gardera une cicatrice) et neuf passagers ont étaient aspirés dans le vide. Parmi les neuf victimes, les parents des jumeaux. Chacun réagit à sa façon, une sorte de fuite en avant pour Dimitri, un repli sur lui-même, avec des nuits pleines de cauchemars pour Théodore. Recueillis chacun chez des parents différents, les deux frères se retrouvent 20 ans après aux décès de ses de ces derniers. Dimitri s’occupe du « matériel » pendant que son frère butte sur les équations de Navier-Stokes. Dimitri voulait écrire un livre, n’y arrivant pas, pour avoir la paix, son frère le lui écrit. C’est un succès de librairie et Dimitri devient célèbre. De fait, non seulement il ne dénonce pas la supercherie, mais laisse dire qu’il est aussi mathématicien. Un vieux cheval sur le retour, Maurice Frossard, l’invite à son émission à la télévision, après le vin d’honneur, Dimitri est rattrapé par la présentatrice vedette de la chaine, blonde pulpeuse alcoolique, ils ont un accident de voiture et Dimitri en profite pour disparaitre en trouvant refuge chez Lou une de ses anciennes maîtresse. Théodore qui se retrouve seul, rencontre Angélique dite Angie qui se révèle être, je vous le donne en mille, comme par hasard, un vrai ange gardien. Après une série de rencontres dont Grigori Perelman, qui est le seul mathématicien à avoir résolu la conjoncture de Poincaré, de situations plus ou moins invraisemblables, les deux frères finissent par se retrouver et à soigner plus ou moins leurs traumatismes.
D’un côté on a l’idée, qu’a développée à son époque Pythagore, que la nature peut-être mise en équations mathématiques, et de l’autre que la nature est pleine d’imprévus, de hasards, de règles aléatoires qu’il faut savoir interpréter. A cela s’ajoute une critique contre la télévision qui n’est utilisée, dans un but mercantile, que pour manipuler en jouant sur les plus bas instincts des téléspectateurs. C’est lourd, souvent un peu trop pontifiant. C’est irréaliste, dès le début. Ainsi, après l’accident, les deux orphelins sont laissés, de fait seuls, sans même une indemnisation ce qui explique qu’ils ont du mal, adultes, « à joindre les deux bouts ». Il y a des moments où le lecteur se demande s’il n’est pas en train de lire un (mauvais) conte de fées ou un (normal) roman à l’eau de rose.
A force de vouloir expliquer les attitudes, les gestes, les questionnements de chaque personnage, ils finissent par ressembler à des caricatures, des marionnettes sans âmes, n’ayant aucune vie, aucune âme. Le seul qui a (un peu) d’épaisseur, d’humanité est Maurice Frossard, le personnage le plus cynique du roman. Et ce n’est pas le seul paradoxe de ce livre.
Emile Cougut
La dynamique des fluides
Mathieu Tazo
Editions Daphnis et Chloé. 18 €