IT impact on all our social systems and political societies


La 2ème Edition du Forum Changer d’Ère présidé par Joël de Rosnay et animé par Véronique Anger-­‐de Friberg, s’est tenue jeudi 5 juin 2014 à la Cité des Sciences à Paris.

Les défis multiples engendrés par la société numérique y ont été abordés. Nous sommes dores et déjà rentrés dans une nouvelle civilisation. Les technologies de l’information, l’informatisation ont tout à la fois bouleversé les rapports sociaux et stimulé l’acquisition des connaissances tout en contribuant à creuser les inégalités.

Céline Dogroul, correspondante de Wukali à notre bureau de Paris a participé à cet événement, voici son analyse passionnée

Olécio partenaire de Wukali

La chronique de Céline DOGROUL


Echanger pour mieux changer

Il est impossible de rendre compte dans un seul article de la richesse et le la diversité des débats qui ont eu lieu tout au long de cette journée. Ce qui a retenu mon attention, et qu’il paraît indispensable de traiter, c’est le fossé abyssal qui s’est creusé entre l’avancée spectaculaire du numérique et le retard de plus en plus inquiétant des pouvoirs publics, voire même leur désintérêt complet pour cette question, comme si justement ils ne voyaient dans le numérique qu’un simple spectacle divertissant.

Chaque révolution a eu son lot de luttes, de même que la révolution industrielle a vu naître la lutte des classes, la révolution numérique voit se former la lutte des âges. La société subit une mutation progressive, orchestrée par le nombre grandissant d’outils numériques et de toutes les applications qui en découlent. Aucun secteur n’est exclu de cette révolution (de l’architecture à la biologie, en passant par l’art, chaque discipline peur se targuer d’être associé à une application numérique) : mais de toutes celles et ceux qui pourraient en être des acteurs majeurs, beaucoup sont contraints de contourner le système actuel pour réaliser leurs projets. Ce ne sont ni les connaissances ni les compétences sur le sujet qu’il leur manque, mais des moyens financiers. Ce défaut permet l’émergence d’une nouvelle économie : une économie collaborative et solidaire basée sur le partage et la confiance. Une économie qui s’inscrit dans un système que l’on pourrait qualifier de capitalisme social. Si l’on rêve et si l’on veut que l’ère du numérique contribue à réduire les inégalités que la crise économique a multipliées, il devient urgent que les gouvernements mettent à jour leur version, et contribuent activement au développement des nouvelles technologies : en investissant d’une part, mais aussi en reconsidérant la question du système éducatif :

– mise à disposition d’outils numériques pour les élèves, dématérialisation des cours.
– Révisions des programmes, à travers lesquels les réalités de notre société doivent être approfondies, et non plus survolées : l’éducation civique, l’écologie, le développement durable…

A long terme, l’impact environnemental peut être considérable, mais aussi l’impact économique : le système éducatif produira des individus qui n’auront pas eu à contourner le système pour rester en phase avec leur temps. Un sondage OpinionWay réalisé après les élections Européennes indique que 40% des moins de35 ans auraient voté s’ils avaient pu le faire via leur Smartphone. Le monde avance, mais les systèmes de gouvernance stagnent, comme s’ils étaient complètement inconscients de ce changement.

Pour apprécier ce changement, et profiter pleinement des possibilités qu’il nous offre, il est pourtant absolument nécessaire de le comprendre, pour pouvoir mieux le transmettre ; il est indispensable d’échanger pour mieux changer. Si les générations précédentes ne connaissaient qu’un échange à sens unique (le plus âgé transmettait au plus jeune, et le plus jeune devait se contenter d’écouter et d’appliquer ce que le plus âgé lui dictait), aujourd’hui, l’apprentissage se fait à double sens : refuser d’apprendre des jeunes générations, revient à renoncer au présent, et donc à l’avenir. La peur du changement vient du fait que nous devons changer la façon dont nous nous percevons, nous devons remettre en cause ce que nous avons longtemps considéré comme acquis : le système économique, le système éducatif, le système politique. Nous devons donc, non pas renaître, mais co-naître pour vaincre nos peurs, et accéder pleinement à la connaissance du monde tel qu’il est maintenant.

Outre la nécessité d’une remise en question, qu’est-ce qui peut bien encore bugger chez les politiques ? Est-ce de la fierté mal placée ? Pouvoir avancer ensemble ne peut se faire que dans l’humilité, accepter de se fondre dans un groupe pour favoriser l’émergence d’ idées nouvelles, accepter, à n’importe quel âge qu’il nous reste encore tant à apprendre. Socrate disait « la seule chose que je sais, est que je ne sais rien ». Qu’attendent donc les politiques pour savoir qu’ils ne savent rien et, à fortiori, pour commencer à apprendre ? De quoi ont-ils peur ?

Aujourd’hui, quasiment toute personne physique, ou morale (institutions, entreprises, associations…) a une ou des extensions virtuelles. Et il n’est pas rare d’entendre quelqu’un qui a oublié son smartphone dire : « je me sens comme sans cerveau ». Ce rapport au numérique doit évidemment changer si nous voulons en faire un système efficace ; en effet, la vocation de l’outil numérique n’est pas de remplacer l’Humain, mais de le rendre plus performant, plus généreux, plus solidaire.

Alors que l’ère industrielle a permis la fabrication d’armes de destruction massive, l’ère numérique doit être celle des armes de construction active.

Les possibilités offertes par les technologies numériques semblent tellement infinies que l’on pourrait se laisser aller à penser que l’ère numérique sera la dernière ère qui connaîtra l’être humain vivant. Paradoxalement, c’est aussi l’ère qui pourrait faire de l’espèce humaine, une espèce immortelle. Jusqu’à présent, seul l’Art avait ce pouvoir de rendre l’Homme éternel, en immortalisant les pensées, et les visions du monde. Le numérique détient le pouvoir de tout conserver et de tout analyser, jusqu’aux données biologiques qui nous définissent, et fait ainsi des œuvres reproductibles à l’infini.

En plus de poser la question de l’être humain comme sujet unique, le numérique modifie aussi profondément notre rapport au temps : Ce qu’il lui était impossible de réaliser faute de temps, et d’espace, l’homme peut aujourd’hui le concevoir et le faire. Le principe de la démocratie participative est très éloquent sur ce sujet : l’accès à des outils qui permettent d’échanger rapidement, et de synthétiser les échanges rend possible ce qui paraissait totalement inconcevable il y’a à peine 30 ans. Un exemple très concret, et en plein développement, est le site « Démocratie Ouverte » conçu par Cyril Lage, militant en faveur d’un gouvernement ouvert, d’une démocratie représentative, transparente, collaborative, et participative. http://democratieouverte.org/author/cyril-lage

Cet exemple, comme tant d’autres, montre que le numérique est un outil formidable pour se réaliser, pour s’accomplir, pour se dépasser, pour devenir notre rêve. Telles des miroirs magiques, les technologies numériques et ce que nous en faisons révèlent ce que nous sommes dans la réalité à 3 dimensions. A ceux qui doutent d’eux-mêmes, cette 4ème dimension qu’est le numérique peut même donner l’opportunité de se révéler, sans plus avoir peur de l’erreur. La société n’a longtemps réservé l’éloge qu’à ceux qui réussissaient, et ainsi fait de nous des trouillards, des individus paralysés par la peur de l’échec, et donc de l’erreur. Il semblerait que les politiques, en plus de s’acharner à s’accrocher à leur système dépassé bâti sur une mode de hiérarchisation pyramidale, soit aussi resté ancré dans l’ère-« heurt ». Heurtés à quelque chose qu’ils ne maîtrisent pas parce qu’ils refusent de se donner les moyens de le faire, les politiques sont comme paralysés. Entre la peur de l’erreur et l’ère numérique, combien de temps faudra-t-il encore, avant que nos enfants puissent nous dire « merci infiniment de ce que vous avez fait pour nous »

Céline Dogroul

06/06/2014


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