In the complex world of art history to resolve a gloomy and heinous crime
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La chronique d’Émile COUGUT.
J’ai déjà écrit pour Wukali des chroniques concernant Le Palimpseste d’Archimède d’Héliet Abdecassis et Le Secret de Cracovie de Magorzata et Michar Kuzminski; Le complot Médicis est à ranger dans la même catégorie des romans à clé, à suspens, à « recherche selon des méthodes policières mais par des non policiers », autour d’ « un passé renfermant un secret pouvant avoir des répercussions dans le présent, d’où la présence d’un groupe occulte prêt à tout pour empêcher le héros à découvrir la vérité ». Ce groupe, une fois de plus devenant coutume, étant bien sûr une émanation du Vatican. On avait l’habitude depuis le très médiatique (et très mauvais) Da Vinci code de Dan Brown. Heureusement, le livre de Susana Fortes est autrement plus intéressant que celui contenant les escroqueries intellectuelles de l’auteur américain.
Le complot Médicis nous plonge dans la Florence de 1478 et dans la Florence de ce début de millénaire. Un chapitre pour une époque suivit d’un chapitre pour l’autre. Deux histoires qui s’entremêlent autour du même thème : qui est à l’origine du complot visant à tuer Laurent le magnifique le jour de Pâques, le 26 avril 1478 ?
L’histoire se déroulant au Quattrocento est en quelque sorte la description de « la montée du péril ». Susana Fortes, qui a du avoir à sa disposition une excellente documentation, décrit la vie quotidienne à Florence à cette époque en essayant d’appréhender le mieux possible les mentalités, les façons d’être de penser de la population. Elle le fait à travers la personne de Lucas jeune berger « venant à la ville » qui devient l’arpète d’un peintre protégé de Laurent de Médicis, au passé plus que trouble, Pierpaolo Masoni. Ce dernier peint une commande de son mécène : La Madone de Nivole. Il apparait que Masoni, comme il était coutume à cette époque parsème son œuvre de symboles ésotériques. Ce tableau n’est pas qu’une peinture, c’est surtout, pour qui sait le « lire » un message sur la situation de cette époque. Florence est alors dominée par la toute puissance de la famille Médicis. Or elle entre en conflit avec le pape Sixte IV qui souhaite acheter la ville d’Imola pour son neveu et non moins jeune cardinal d’une vingtaine d’années. Pour des raisons géostratégiques, Laurent refuse le prêt sollicité par le pape, mais les Pazzi, les principaux concurrents des Médicis qui se targuent d’être une famille patricienne bien plus ancienne que ces derniers, dont un ancêtre fut le premier chevalier à entrer dans Jérusalem délivrée par les croisées, le lui accordent. La tension entre le souverain pontife et les Médicis est très forte, et ce malgré l’entrejambe du duc d’Urbino, Frédéric de Montefeltro. A cela s’ajoute des confréries religieuses, des groupes ésotériques secrets qui tous, plus ou moins, complotent contre les Médicis. Le 26 avril 1478, lors de la messe à la cathédrale, les comploteurs passent à l’action : le frère de Laurent est tué, lui est blessé, et contrairement à leurs espérances, le peuple ne se soulèvent pas en leur faveur mais défend les Médicis. La répression est violente, durant plusieurs jours, ce ne sont que pendaisons, exécutions sommaires. L’archevêque de Pise un des principaux conjurés est pendu avec le patriarche de la famille Pazzi. Cet acte, comme nous le savons, va être le prétexte pour Sixte IV pour jeter l’excommunication sur Florence et déclencher la « guerre des Pazzi » qui durera deux ans, le duc d’Urbino se retournant contre Florence et commandant les armées vaticane comme gonfalonier de l’église romaine. Mais au-delà des faits, se posent les questions de savoir qui a tout pensé, organisé sans apparaitre, quel était le véritable but recherché par le pape en voulant éliminer les Médicis ?
C’est plus de cinq cent ans après que les réponses vont apparaitre et ce, involontairement, grâce à une jeune espagnole d’une vingtaine d’années Ana Sotomayor, qui arrive à Florance avec une bourse pour achever sa thèse d’histoire de l’art. Cette dernière porte sur le peintre Pierpaolo Masoni. Lors de ses recherches à la bibliothèque, elle s’aperçoit qu’il manque 3 des douze carnets que ce dernier à écrit concernant sa vie quotidienne, son art. De plus, la Madone de Nivole fait l’objet d’une controverse avec le Vatican (qui a essayé en vain de racheter ce tableau), sur la méthode et même l’opportunité de le restaurer. L’héroïne est victime d’un accident, de pressions, voire de menaces. Elle est aidée dans ses recherches par un ami de feu son père qui est aussi son maître de thèse et au charme duquel elle est loin d’être insensible. Par son obstination, elle va trouver non seulement sa voie, mais aussi les raisons de l’attentat du 26 avril, tout en mettant fin à un trafic d’œuvres d’art.
Susana Fortes sait très bien nous plonger concomitamment dans deux univers différents, dans deux époques différentes, mais avec une même unité de lieu. Son style est alerte, et elle sait très bien changer de registre entre les deux époques. Susana est une jeune femme moderne, de son temps qui fait référence constamment à des héros de romans ou de films policiers. Mais c’est aussi une intellectuelle qui se pose des questions sur son métier d’historienne de l’art, sur les blessures de son passé, sur sa place dans la société, sur sa vision de la vie, sur sa vie et ce qu’elle veut qu’elle soit.
La complot Médicis est un livre qui se lit comme un roman policier, qui nous fait voyager dans une des plus belles villes d’Europe, mais qui nous montre que derrière la beauté, quelque soit l’époque, se cachent la violence, la volonté de pouvoir, la dissimulation, le lucre.
Un livre agréable à ne pas oublier de sélectionner avant de partir en vacances.
Emile Cougut
12/06/2014
Le complot Médicis
Susana Fortes
éditions Héloïse d’ Ormesson. 22€