Wonderful ! India meets US on Mars
L’éditorial de Pierre-Alain LÉVY.
L’Inde vient de réussir la mise en orbite autour de la planète Mars de son vaisseau scientifique baptisé Mangalyan qui avait été lancé en novembre dernier.
L’événement est fantastique et mérite d’être salué et l’on ne peut qu’être ahuri par le quasi silence des médias français sur cet événement extraordinaire, de très loin bien plus important que ces ineptes nouvelles du microcosme hexagonal faites de querelles d’egos ou des narcissismes médiatisés d’histrions ridicules dont on nous abreuve. Nous développerons.
L’Inde est ainsi devenue après les USA, la seconde nation à avoir réussi pareil exploit et tout ce qui a concouru à ce succès indien demeure tout autant spectaculaire. Deux ans après la fabuleuse pose par la Nasa de Curiosity sur Mars ( 6 août 2012, date qu’il conviendrait d’apprendre dans les manuels scolaires!), les Indiens pour leur première tentative ont réussi sans coup férir à positionner leur vaisseau spatial en orbite martienne, l’engin ne pèse que 1,350 kg.
L’exploit est fabuleux. Les scientifiques indiens ont ainsi méticuleusement exploré à travers la masse impressionnante d’informations recueillies toutes les failles éventuelles possibles pesant sur la communication avec MOM (nom familier que les indiens ont donné à leur vaisseau) pour aboutir à un risque zéro. C’est aussi cela la conquête spatiale et on le comprend d’autant mieux que les budgets sont lourds.
C’est précisément là aussi l’autre exploit indien ! Alors que pour le Rover Curiosity les Américains ont dépensé 2 milliards $, les Indiens quant à eux pour leur mission n’en ont dépensé seulement que 74 millions$. Le différentiel laisse pantois. L’exploration spatiale low-cost ! La conquête spatiale constitue pour les Indiens tout à la fois un enjeu politique, une vitrine industrielle et scientifique, et aussi une option stratégique et diplomatique. Depuis 1975 l’Inde a ainsi lancé 75 satellites directement opérationnels et qui permettent de rassembler des informations les plus diverses concernant tout aussi bien les risques naturels que la diffusion de programmes de télévision et d’éducation à distance.
Sandip Bhattacharya, directeur du Birla Planetarium de Jaïpur, a déclaré dans un entretien relaté par le Washington Post, « pour nous les hautes technologies ne doivent pas être chères, notre objectif était d’atteindre Mars, d’en prendre des photographies et de rapporter de l’information scientifique. Pour les années à venir nous mettrons en place de nouvelles missions pour de plus larges expérimentations scientifiques ; nous y apporterons tous les moyens nécessaires, financiers notamment. » La planification scientifique d’exploration de la planète Mars pour les six mois à venir a aussi pour objet de détecter la présence du méthane.
Ce n’est un secret pour personne que les mathématiciens indiens sont parmi les meilleurs du monde. L’université de Bangalore est un des creusets de cette excellence scientifique. L’Administrateur général de la Nasa Charles Bolden a adressé ses vives félicitations à l’ISRO ( agence spatiale indienne) et s’est réjoui de cet exploit qui permettra d’accroire la connaissance scientifique.
Jusque là la NASA avait avec le concours d’équipes européennes réussi la dépose sur la planète mars en août 2012 d’un objet scientifique Curiosity, un Rover, automate autopropulsé et sur chenilles rempli d’une infinie technologie scientifique qui a réussi admirablement la mission, envoie au quotidien sur terre des images et procède à un grand nombre de missions et d’expériences scientifiques. Magnifique! Faut-il rappeler que Mars, la planète rouge, est situé à près de 410 Millions de kms de la Terre ( la distance se situe en orbite basse à 190 millions et haute à 410 Millions kms). Et dire que dans nos entourages terriens immédiats des minus habens sont incapables de conceptualiser le progrès scientifique et prônent l’arriération.
D’évidence l’exploration spatiale constitue aussi un enjeu politique et stratégique important.
Car c’est un progrès rien moins que fabuleux une avancée scientifique colossale. André Brahic astrophysicien français et membre d’un certains nombres de commissions scientifiques européennes qui travaillent de concert avec la Nasa prévoit selon les programmations et planifications méticuleusement élaborées, l’arrivée de l’homme sur Mars à l’horizon 2050. A la vitesse où vont les choses, on en est à se demander s’il ne faudra pas anticiper cette date !
Pour les sceptiques qui ne manqueront pas de ratiociner sur ces expériences, il conviendrait de rappeler, quoique cela tournerait rapidement à des banalités, que depuis la roue des chars de Ramsès jusqu’à …, oui jusqu’à quand aujourd’hui , l’humanité n’a jamais cessé de progresser.
Plus de technologies dans un simple Ipad, ou autres téléphones androïdes (devenu depuis plusieurs années un objet de consommation) qu’il n’en a fallu pour aller sur la Lune, c’est pourtant vrai ! Nos moindres objets technologiques dont plus personne aujourd’hui ne pourrait plus se passer sont directement issus de ces recherches et notamment de la recherche militaire. Qui n’utilise pas sur toute la surface de cette terre et quelques soient les langues différentes parlées : Facebook, la correspondance par Email , la diffusion d’images ou de sons, le tout grâce à Internet ? Souligner que la technologie de l’Internet a été imaginée à l’époque de la guerre froide pour constituer un réseau mondial de transmission de l’information de secours à l’abri de tous risques qu’un conflit nucléaire pourrait faire surgir, pourrait en étonner plus d’un.
Il est vrai qu’aujourd’hui quelques lobotomisés de l’hippocampe en sont encore à prétendre que jamais l’homme ne s’est posé sur la lune et que les images de Neil Armstrong et Buzz Aldrin du 20 juillet 1980 sont des montages ! Bien voyons…!
Les rigidités françaises
Pourtant nous sommes dores et déjà engagés dans une nouvelle civilisation, et c’est une aventure impressionnante ! C’est la civilisation du savoir et de la connaissance sublimée, comme l’on dirait d’un parfum ou d’une sauce, par les développements de l’informatique, des raisonnements mathématiques et de la vitesse de la communication sur les réseaux.
Mais si ces mots sont faciles à écrire, il est infiniment plus difficile et complexe de faire passer cette réalité dans les consciences (ou les inconsciences) et les raisonnements et d’enfreindre des tabous. L’homme neuronal, comme dirait Jean-Pierre Changeux, est mu par des circulations nerveuses qui sont en soi l’objet d’extrapolations infinies.
Mesurer l’avancement des sciences aujourd’hui et surtout réussir à faire partager cet enthousiasme (hors de la communauté scientifique il va de soi,) est d’évidence un défi considérable. C’est précisément ce défi, ce fossé abyssal qu’il convient de combler. Une seule recette, miser sur la qualité des programmes d’enseignement ( vaste projet n’est ce pas !). Il convient donc de faire de la science (autre terme voisin sémantiquement des arts) une entropie, une curiosité à partager, un produit marketing n’en déplaise aux puristes !
Tout commence à l’école bien entendu, et dès le plus jeune âge, car l’école procède de tout et ce qui est valable pour les sciences est tout autant valable pour les arts. Science sans conscience n’est ce pas ! Ainsi des projets mis en forme par Georges Charpak prix Nobel français de physique en 1992 avec La main à la pâte, une façon ludique et simple de faire découvrir la physique aux plus jeunes. C’est aussi l’objet de cette très intéressante exposition neuroludique, Le C3RV34U, actuellement présentée à la Cité des sciences et de l’Industrie à Paris ( lire à cet égard le remarquable catalogue publié aux éditions de la Martinière)
En d’autres termes que nos programmes de radio et de télévision tout comme l’ensemble de nos médias, donnent à connaître, à partager le savoir, pas épisodiquement, pas ponctuellement, pas au compte-goutte, mais au quotidien, très régulièrement, et surtout naturellement ! Pas de façon docte et hautaine, mais une information joyeuse et dynamique ! Que l’on parle des grandes avancées technologiques, des grandes prouesses scientifiques et aussi des réalités du quotidien dans les laboratoires de recherches et les universités comme l’on parle aujourd’hui des matchs de football ! Que ces sujets scientifiques puissent susciter des vocations et donner de l’espoir, et si le débat doit se faire aussi entre deux Ricard derrière un zinc, qu’il soit alors charpenté et argumenté, imaginons un monde, un pays, le nôtre, où l’on réciterait Cyrano comme l’on déclinerait les éléments de la table de Mendeleïev. Depardieu revu par Mozart !
Que l’on décloisonne! Les plus grands scientifiques ont cette infinie capacité d’expliquer les choses les plus compliquées le plus simplement du monde et l’auditoire après les avoir écoutés par exemple lors d’une conférence, en sort avec le sentiment d’être devenu un peu plus intelligent. Susciter la curiosité, poser les fondements, nourrir les générations montantes de perspectives d’études et d’élévation personnelle, c’est cela même le grand talent. Réconcilier la main et le cerveau, connaître l’une et comprendre l’autre, alors oui Bergson n’est pas loin !
Et puis aussi cette prodigieuse et admirable réussite indienne «nous interpelle», pour parler «bébête». Nos journaux ne réservent qu’un entrefilet à cette information fantastique et admirable, tout comme le peu de curiosité ils ont manifesté en France en tous cas, pour le Rover de la Nasa, mais où en sommes-nous donc arrivés? Qu’il est loin le temps ou Gagarine et les lancements des fusées des programmes Gemini ou Mercury depuis Cap Canavéral en Floride enflammaient les passions du grand public ! Mais quelle presse méritons-nous, desséchée, insuffisante ! On pourrait au demeurant poursuivre la liste des sujets scientifiques inexploités ou biaisés par les médias.
Les pays naguère émergents deviennent des puissance de premier plan, la Chine talonne les USA
Effectivement que faut-il dire ici en France, que faut-il faire, quelles réformes engager, quels langages tenir, quelles politiques décider, pour faire comprendre hic et nunc, à nos concitoyens que le monde a changé, que le monde n’est plus ce qu’il fut, que les idéologies d’un autre temps sont à remiser dans le magasin des accessoires, que le déplacement de puissance est entrain de s’organiser vers l’Asie dont la Chine et l’Inde en seront les pivots. Nous sommes dores et déjà rentrer dans une nouvelle civilisation, je me répète mais c’est ma conviction profonde. Les conservatismes de tous acabits accablent notre pays, et les plus délétères sont paradoxalement à trouver là où on les ne les attendrait pas ! On vit de paroles magiques, mais il serait temps d’atterrir ou plutôt comment dit-on sur Mars ?
Sans une remise en cause drastique de nos certitudes ahanantes, sans de profondes transformations et réformes, sans un vouloir vivre ensemble commun, sans bien entendu une dynamique européenne, nous risquons gros. Que cessent ces querelles politiques stériles.Paul Valéry disait dans le sillage de la Guerre 1914-1918: «Civilisations je sais aujourd’hui que vous êtes mortelles !». Faut-il aller plus loin dans l’explication politique et dans l’ordre des menaces… ?
Les hautes technologies constituent notre new frontier, l’excellence de nos scientifiques, le nombre impressionnant de nos Prix Nobel de physique sont pour nous des vigies d’espoir, n’ayons pas peur, avançons ensemble, rassemblés, et vive la planète Mars ! (il faut bien conclure…)
Pierre-Alain Lévy
Illustration de l’entête: Le Premier ministre indien Mr Narendra Modi (à gauche) félicite le président le l’ISRO Dr. K Radhakrishnan après la réussite de la mise en orbite. Photo The Times of India
WUKALI 25/09/2014
Deux grandes manifestations scientifiques à ne pas manquer
Exposition neuroludique. De quoi le cerveau est-il composé ? Quelles sont les étapes de sa construction ? Comment un bébé perçoit-il son environnement ? Quelle zone du cerveau est impliquée dans l’apprentissage de la lecture ? Comment le cerveau nous permet-il d’interagir avec les autres ? Autant de questions qui trouvent ici des réponses, en s’appuyant sur les neurosciences, en particulier celles offertes par les méthodes d’imagerie cérébrale ( IRM, électroencéphalographie, tomographie)
Catalogue de l’exposition sous la direction de Stanislas Dehaene. Éditions de la Martinière. 32,50€
du 4 au 9 octobre 2014 sur le Campus Paris-Saclay
Le festival est organisé par La Diagonale Paris-Saclay en partenariat avec les établissements du campus Paris-Saclay et un soutien particulier de l’Université Paris-Sud et de la Région Ile-de-France.
La Diagonale Paris-Saclay, projet de la Fondation de Coopération Scientifique Campus Paris-Saclay a pour mission d’animer le dialogue science et société sur le campus. Ce festival ouvert à tous vous fera découvrir des créations étudiantes inédites nées de la rencontre entre scientifiques et artistes. Au programme : installations interactives, concerts, spectacles, conférences