Was J-S BACH a crook? Worst, a pimp ?
Dans le Landerneau de la musique, voici un nouvelle qui fait du bruit, enfin disons plutôt qu’elle est abondamment commentée! Les sonates pour Violoncelle seul de Jean-Sébastien Bach ne seraient pas de lui mais plutôt de Anna Magdalena Bach, son épouse, dont on sait depuis notamment le film de Jean-Marie Straub, que sa vie fut toute de soumission et de dévotion pour son respectable compositeur de mari. Voici en tous cas ce qu’annonce le journal britannique The Telegraph suite à des études graphologiques sur les manuscrits originaux du Cantor.
Non Anna Magdalena n’aurait point été cette copiste soumise et attentionnée, le tracé de la plume d’oie sur le papier ne laisse aucun doute, c’est elle même qui écrit, qui s’arrête pour réfléchir et poser les bonnes notes, les parfaites harmonies. Les graphologues de l’association AFDE ( Association of Forensic Document Examiners) utilisant des microscopes stéréo pour percer les détails de la feuille écrite, aidés de musicologues se sont conjointement penchés sur les partitions autographes, pour eux c’est clair ce n’est pas le travail de J-S B. Ils considèrent même que dans le dernier mouvement de la Suite en Do majeur pour violoncelle la rusticité de l’écriture mélodique ne peut être le fait que d’une personne moins aguerrie. Il est vrai que la pauvre Magdalena avait bien à faire dans sa maisonnée, s’occuper, d’une ribambelles d’enfants, les siens et ceux des autres, faire la cuisine, préparer son respectable époux pour ses obligations musicales, courtisanes et professionnelles, l’assister dans son travail, bref ce ne devait pas être de tous repos et l’on en est à se demander comment aurait-elle pu faire pour trouver le temps de se cultiver, de se former et d’étudier la musique et le solfège!
Sans tomber dans nos errements bien souvent ridicules du vingt et unième siècle qui ne jurent que par les formations académiques et dénient à l’individu tout caractère de génie et d’originalité fondant ainsi les apprenants en un magmat le plus souvent médiocre et inconsistant, on ne peut néanmoins qu’être sceptique quant à l’annonce de cette information qui si elle était avérée ( et cela c’est une autre paire de manche !) serait alors formidable. Passe encore pour des petites compositions, l’oeuvre de Bach est foisonnante, mais les Suites pour violoncelle seul, alors là non ! Effet d’un machisme mal placé ? Certainement pas, chacun reconnait aujourd’hui par exemple la place unique que Fanny Mendelssohn avait auprès de son frère et ses compositions aujourd’hui sont connues et l’on restitue à Fanny ce que l’on avait cru de la main de Félix.
Certes ce fut très difficile, voire impossible jadis pour des compositrices de se faire un nom. Si on connait bien sûr en France à la fin du XVIIème siècle’l’œuvre d’ Élisabeth Jacquet de La Guerre ou de la fin du XIX au début du XXème celles de Cécile Chaminade ou de Lili Boulanger, sans oublier d’évoquer plus tard Germaine Taillefer pour le Groupe des Six, il est quelque peu confondant d’imaginer Jean-Sébastien comme un proxénète perruqué tirant de sa pauvre épouse qui n’en pouvait mais, des compositions musicales dont il se serait attribué le mérite exclusif de la création.
Le sujet des femmes dans la musique constitue depuis quelques années un marronnier commode pour bien des sujets de conférences et une arme redoutable pour quelques pétroleuses en mal ( sans accent circonflexe ni e) de reconnaissance et de prise de pouvoir à satisfaire.
De grandes personnalités, de grandes compositrices, nous venons d’en évoquer quelques unes, sans oublier il va de soi Clara Schuman ou Alma Mahler, ont vécu trop souvent dans l’ombre d’un frère ou d’un mari sans pouvoir pleinement faire reconnaitre leur propre talent musical ou tout simplement leur propre personnalité, sauf à passer sous le patronyme du frère ou de l’époux pour pouvoir être joué dans une société misogyne. Il faudra attendre le vingtième siècle pour qu’enfin l’émancipation des femmes commence à être reconnue et qu’elles puissent ainsi s’exprimer en liberté dans tous les champs ( les chants ?) de leurs désirs et de leurs passions, musicales pour ce qui nous intéresse ici tout particulièrement… !
Nous autres vieux mâles (enfin je parle pour les autres bien entendu …!), considérons l’art et la musique comme quelque chose de sacré, c’est cette sacralité même, cette cérémonie sacrificielle de la musique, ces holocaustes faites aux Dieux du Parnasse pendant les concerts, pendant les offices, qui nous ont fait ostraciser les femmes hors de nos territoires de petits négoces médiocres et de complicités malsaines. Il serait grand temps de rendre profane la musique pour lui restituer adamantine cette saine sacralité de la beauté sans exclusive, et débarrassée de ces boursicotages et compromissions d’un autre temps. Si Rome depuis longtemps n’est plus dans Rome, Jean Sébastien est-il encore lui-même?
Allez il est grand temps d’écouter cet enregistrement de Jacqueline du Pré (1962) dans ces sublimes suites pour violoncelle N° 1 & 2 de J-S B ! Emporte-moi, wagon! enlève-moi, frégate!
Emporte-moi, wagon! enlève-moi, frégate!
Loin! loin! ici la boue est faite de nos pleurs!
– Est-il vrai que parfois le triste coeur d’Agathe
Dise : Loin des remords, des crimes, des douleurs,
Emporte-moi, wagon, enlève-moi, frégate?
Charles Baudelaire. Moesta et Errabunda in Les Fleurs du Mal
Pierre-Alain Lévy
WUKALI 29/10/2014