Des archéologues viennent de découvrir à Chypre près de la ville antique de Nea Paphos une amulette biface estimée à 1500 ans environ et comportant sur l’une de ses facettes une inscription en grec formant palindrome ( le texte peut être lu indifféremment de gauche à droite ou de droite à gauche), c’est ce que révèle Livescience
Sur l’une des faces on aperçoit la représentation historiée d’une momie recouverte de bandelettes allongée sur une barque, probablement le dieu égyptien Osiris et au-dessus une image d’Harpocrates, le dieu du silence, assis sur un tabouret et portant sa main droite à hauteur de ses lèvres. De façon plus surprenante on y découvre aussi un personnage à tête de chien (cynocéphale) portant sa patte à sa gueule reproduisant ainsi le geste d’Harpocrates.
Sur l’autre face, une inscription en grec ancien formant palindrome dont la traduction est «Iahweh, est le porteur du nom secret, le lion de Ré bien dans son sanctuaire» et qui se lit comme suit:
ΙΑΕW
ΒΑΦΡΕΝΕΜ
ΟΥΝΟΘΙΛΑΡΙ
ΚΝΙΦΙΑΕΥΕ
ΑΙΦΙΝΚΙΡΑΛ
ΙΘΟΝΥΟΜΕ
ΝΕΡΦΑΒW
ΕΑΙ
Pour le professeur Joachim Śliwa de l’Institut d’archéologie de l’université Jagiellonica à Cracovie en Pologne, d’autres palindromes ont déjà été retrouvés dans le monde antique comme le reporte un article paru dans le journal Studies in Ancient Art and Civilization ; (SAAC). C’est à la suite de fouilles effectuées pendant l’été 2011 par des archéologues sous la direction de Ewdoksia Papuci-Wladyka de l’université Jagiellonica que cette amulette a été mise à jour
Le professeur Śliwa constate que le scribe a commis deux petites fautes dans ce palindrome en écrivant un «p» à la place d’un« v».
De telles amulettes avaient une fonction prophylactique et étaient censées protéger leurs possesseurs de tous les maux.
Chrétiens et Païens
Du Ve au VIe siècle, Chypre faisait partie de l’Empire romain d’Orient. L’Empire romain s’étant scindé en deux au IVe siècle. A la chute de l’Empire romain d’occident au Ve siècle l’Empire romain d’orient (l’Empire byzantin) continua à se développer. Au Ve siècle le christianisme était la religion officielle de l’Empire romain d’orient et les pratiques polythéistes commencèrent à subir restrictions et interdictions ce qui n’empêchait pas la coexistence avec les anciens cultes et les célébrations des dieux anciens.
Cette amulette apporte la preuve que des gens d’alors poursuivaient indépendamment des pratiques religieuses traditionnelles et polythéistes depuis très longtemps à Chypre. Madame Ewdoksia Papuci-Wladyka constate qu’un ensemble antique connu sous le nom de Villa Theseus comporte une mosaïque finalisée et datant du VIIe siècle avec des éléments païens ce qui conduit à penser que le christianisme et le paganisme pouvaient dans le même temps coexister.
Une étrange iconographie
En dépit de cette coexistence entre l’ancien polythéisme et le christianisme, cette amulette présente certaines caractéristiques qui laissent à penser que son créateur ne comprenait pas très bien les personnages mythologiques qu’il représentait, par ailleurs son expression graphique est plutôt maladroite et schématique.
Ainsi Harpocrates devrait être représenté non point sur un tabouret mais sur une feuille de lotus avec les jambes allongées et le cynocéphale ne devrait pas le mimer. Dans une version classique en effet la déité cynocéphale fait face à Harpocrates avec ses pattes levées en adoration aussi pour le professeur Joachim Śliwa il n’y a donc aucune justification à cette représentation surprenante.
Plus étrange encore Harpocrates comme le cynocépale portent sur leurs corps des stries suggérant que l’artiste estimait que ces personnages devraient être momifiés avec Osiris. Or si on peut trouver des cynocéphales avec bandelettes de momie, Harpocrates n’est nullement supposé en avoir.
Traduction et adaptation de Live Science par P-A L pour WUKALI
WUKALI 2/01/2014