De Boismortier’s Baroque opera with such a loony and funny staging and direction.
«Don Quichotte chez la Duchesse» est un opéra de Joseph Bodin de Boismortier (1689-1755), c’est un des fleurons de l’opéra baroque, il vient d’être joué à Metz sous la direction musicale d’Hervé Niquet et une mise en scène de Corinne et Gilles Benizio (alias Shirley et Dino).
Il faut pouvoir retrouver son âme d’enfant, ses capacités d’émerveillement, pouvoir se laisser porter par le rêve, le non sens et, enfin, avoir une solide dose d’humour pour apprécier et participer pleinnement à l’une des représentations de ce « ballet comique » de Boismortier créé à l’Académie royale de musique pour le Carnaval de 1743 et donné deux soirs à Metz avant que de rejoindre les planches du prestigieux Opéra Royal de Versailles où il sera à l’affiche prochainement.
Le manuscrit de l’œuvre de Boismortier a été retrouvé par Hervé Niquet en 1988 et donne lieu à une première production discographique qui est, en fait, la seule référence de cette œuvre qui a été captée en 1996 à l’Arsenal de Metz.
Un méchant critique musical dira de la production de Boismortier que « l’on y trouve quelques perles sur un tas de fumier » !
Boismortier fût un auteur très prolixe du règne de Louis XV produisant dans tous les genres en vogue. Sa capacité d’écrire lui valut d’ailleurs de pouvoir vivre de sa musique à une époque où les places grassement rémunérées étaient rares comme le pauvre Mozart en fit l’expérience tragiquement de ne jamais accéder à un poste officiel de Kappelmeister.
Don Quichotte chez la Duchesse fût donc le premier succès de Boismortier et, de fait, des morceaux de très belle facture voisinent avec des pages plus banales dans une atmosphère comique parodique et irrévérencieuse.
Le livret de l’oeuvre a été conçu par Favart – le Directeur de l’Opéra Comique- qui était un librettiste de génie qui transforma le sujet de Don Quichotte extrait de l’oeuvre de Cervantès : les aventures du célèbre chevalier en le faisant participer à un divertissement se déroulant chez des individus réels : le Duc et la Duchesse pour le plaisir des invités.
Il est impossible de proposer un résumé de l’histoire car c’est une mise en abyme qui est en fait double. Celle d’une part de personnages réels qui se meuvent dans le siècle où s’inscrit l’histoire. Et celle des personnages fictionnels sortis de l’imagination de leur auteur.
La trame de l’histoire consiste dans le fait que les personnages réels – en l’occurrence le Duc et la Duchesse – vont tenter de faire abandonner voir ridiculiser les valeurs un peu rigides de ce pauvre Don Quichotte qui court toujours et sans relâche après sa Dulcinée.
Au cours de trois actes qui le conduisent successivement dans une forêt enchantée, dans un palais souterrain, sur la lune, au Japon et au Congo, Don Quichotte affrontera des monstres, des magiciens, des géants, des fantômes avant d’être changé en ours car il n’a pas voulu renoncer à sa Dulcinée. On croit rêver !
Pas de décor unique, des changements à vue, des effets spéciaux, des costumes somptueux………On renoue avec la tradition du grand spectacle !
Cette intrigue échévelée et débridée est un bon tremplin pour l’imaginaire des metteurs en scène qui n’auront pas de mal à faire coïncider le synopsis de l’œuvre avec leur univers décalé et ringard où l’humour naît non pas de la dérision mais de pouvoir aller jusqu’au bout du grotesque voire du mauvais goût. Ainsi, à titre d’exemple, pour rappeler les racines espagnoles de Cervantès, les deux compères introduiront un intermède de chants espagnols – avec la complicité du Chef d’Orchestre – où la parodie fait hurler de rire une salle conquise aux facéties des deux comédiens…….et du Chef.
La vigueur des applaudissements à la fin des représentations et les nombreux rappels qui suivirent témoignent, s’il en est besoin, du plaisir pris par les spectateurs – mais aussi par l’ensemble de la troupe – à ce qu’il faut appeler une pochade où l’important est de rire et de se faire plaisir…….Ce qui n‘est d’ailleurs pas étranger à l’œuvre elle-même où Don Quichotte ne sait pas rire ni se faire plaisir comme l’y enjoint si souvent son fidèle Sancho Pança.
Hervé Niquet souligne que la musique est inégale et est articulée en une multitude d’airs brefs mais aussi de chœurs et d’ensembles fort agréables où la danse – le ballet – est à l’honneur. On sent d’après le chef l’influence de Rameau.
La distribution doit concilier à la fois les qualités vocales liées au rôle mais aussi l’art de jouer la comédie. Car les artistes sont fort sollicités par une intrigue qui exige déplacements, rythme………..
Les trois rôles principaux y réussissent fort bien. François-Nicolas Geslot, Don Quichotte, sait donner beaucoup de sensiblité à ce personnage un peu caricatural et certains airs où il clame son amour et ouvre son cœur pour défendre ses valeurs un peu surranées sont chantés avec finesse même si la voix perd un peu de pureté et de maîtrise dans les aigüs.
Sancho Pança a la partie belle puisqu’il incarne la raison. Marc Labonnette allie à la fois une voix de baryton-basse très puissante et une vélocité scénique assez remarquable où il utilise son corps pour donner dans la parodie, voire la caricature. Ce qui réhausse d’autant son chant et son expressivité.
Chantal Santon-Jeffery a un double rôle fort important et la soprano doit assumer plusieurs airs longs et difficiles qu’elle réussit fort bien d’autant qu’elle double ses vocalises d’un travail du corps et des mimiques qui valorisent sa prestation vocale de grande qualité principalement dans le dernier grand air.
Citons également Thomas Roediger, membre du Chœur, qui assume le triple rôle de Montésimos, Merlin et du traducteur. Là aussi à côté des qualités vocales on sent que tout un travail dramatique a été accompli qui montre que les metteurs en scène ont à la fois privilégié la musique en se pliant à la baguette d’Hervé Niquet mais qu’ils ont aussi conduit une troupe à jouer et à visiblement prendre du plaisir à jouer aussi bien pour les rôles principaux que pour le Chœur qui accomplit un travail vocal et dramatique remarquable.
Beau travail, belle soirée, beaux souvenirs !
Merci.
Jean-Pierre Vidit
Président du Cercle Lyrique de Metz
Don Quichotte chez la Duchesse de Joseph Bodin de Boismortier a été joué à l’Opéra-Théâtre de Metz les 18 et 20 Janvier 2015
Direction musicale : Hervé Niquet et le Concert Spirituel
Mise en Scène : Corinne et Gilles Benizio (alias Shirley et Dino)
WUKALI 21/01/2015