A concert in Metz dedicated to Nordic composers
Deux musiciens, un violoniste et un pianiste, Vadim Tchijik et Pascal Mantin à L’Arsenal de Metz, ce mardi 4 mars 2015, dans un répertoire consacré aux musiciens scandinaves, à savoir de Norvège, du Danemark et de Finlande, avec des oeuvres de Johan Svendsen, Carl Nielsen, Jean Sibelius et Edvard Grieg. Une volonté parfaitement assumée de faire partager et surtout faire découvrir et aimer des oeuvres trop peu jouées en concert voire ignorées en France, (je me dois de confesser que pour votre serviteur le nom du compositeur Johan Svendsen était inconnu, aussi l’ audition de sa Romance fut-elle une très agréable découverte).
Deux interprètes bourrés de talent : Pascal Martin commence le piano dès l’âge de cinq ans. Au CNSMDP, il remporte le premier prix de piano dans la classe d’Yvonne Loriot-Messiaen et de musique de chambre dans celle de Jean-Claude Bernède, puis complète sa formation à l’Ecole Normale supérieur Alfred Cortot auprès de Michelle Boegner, puis ensuite auprès de Christian Ivaldi . Il est membre du trio Solstice depuis 2008 avec le violoniste Frédéric Moreau et le violoncelliste Robin Defives
Vadim Tchijik commence à étudier le violon dès l’âge de six ans, il remporte le concours Paganini à Gênes, le prix Tchaïkovski à Moscou. Il terminera ses études à l’École Centrale spéciale de Musique du Conservatoire de Moscou avec la mention : «excellent» ! Il est, entre autres responsabilités, directeur musical du Festival de Musique d’Hyères, il donne des masterclasses en Europe et en Asie.
Quatre oeuvres au programme pour ce récital messin: la Romance pour piano & violon, opus 26 de Svendsen, suivie de la Sonate n°1 en la majeur opus 9 de Carl Nielsen puis après l’entracte les Humoresques 1 et 5 de Jean Sibelius, avant que de finir par la Sonate n°3 en ut mineur opus 4 d’Edvard Grieg
La Romance pour piano et violon de Svendsen (1840-1911) s’ouvre par quelques mesures introductives au piano avant que le violon ne chante sa romance proprement dite, un univers calme et lumineux rapidement suivi de notes galopantes et joyeuses, une progressive montée chromatique, un galop qui s’apaise dans une sérénité tendre. Un petit bijou ciselé de délicatesse.
L’on apprend,( les programmes de L’Arsenal sont très bien faits) que Johan Svendsen a vécu l’essentiel de sa vie à Copenhague qu’il fit appel pour parfaire sa formation à Carl Reinecke et Ernst Friedrich Richter au Conservatoire de Leipzig et eut pour ami Richard Wagner. Il a beaucoup composé pour orchestre et son oeuvre la plus connue est la Romance pour violon et orchestre
MOV01118 par violinlive
Vadim Tchijik et Pascal Mantin en concert à l’École normale de musique de Paris Alfred Cortot.
Dans la Sonate n°1 en la majeur, op.9 de Carl Nielsen, l’on a affaire à un long dialogue entre les deux instruments sans que jamais chacun d’entre eux ne prenne le pas sur l’autre. Une couleur sonore chaude. Lors de ses nombreux voyages, Nielsen rencontrera de nombreux compositeurs ou interprètes tels Ferrucio Busoni, Richard Strauss ( avec ce dernier le moins qu’on puisse dire est que le contact ne passera pas). En revanche il rencontrera Johannes Brahms et l’imaginaire ainsi que la technique du compositeur viennois de Hambourg auront une certaine influence, une coloration romantique en quelque sorte, sur ses compositions. Cependant la richesse inventive du compositeur sait aussi se projeter vers d’autres univers musicaux. C’est aussi en l’occurence l’intérêt d’une telle programmation comme celle concoctée par Vadim Tchijik et Pascal Mantin à L’Arsenal de Metz que d’ouvrir des voies et des médiations vers d’autres sensibilités esthétiques soit une entropie de la beauté et du sensible.
Les Humoresques n° 1 et 5 de Jean Sibelius ouvraient la deuxième partie du récital. La première Humoresque a des airs de danse populaire et s’apparente à une mazurka, elle n’est pas sans rappeler la sixième symphonie du compositeur, quant à la cinquième c’est un joyau de virtuosité et de transcendance. Le spectacle du violoniste Vadim Tchijik cabré dans ses souliers vernis avait par moment quelque chose de «Paganinien» !
La Sonate n°3 en Ut mineur, op.45 d’Edvard Grieg concluait ce récital. Un univers musical par moment très impressionniste. Le premier mouvement ruisselle d’accords modulés au violon et repris au piano. Le second mouvement fait la part belle aux pizzicattis tandis que le piano joue la mélodie avec une profonde sérénité. Le troisième mouvement c’est presqu’une danse de paysans, une bourrée fantasque. On n’est pas très éloigné là non plus d’une influence française on pense par exemple à Vincent d’Indy, Édouard Lalo, Emmanuel Chabrier certes, et last but not least Claude Debussy bien évidemment et cela n’a rien d’étonnant quand précisément Grieg souhaitait mettre un frein à l’influence germanique et plus précisément la vague wagnérienne qui se développait alors !
La salle de l’Esplanade de l’Arsenal était à peu près pleine (190 spectateurs). Il manquait un peu de «peps» dans la salle ! Quel dommage qu’il n’y eut que si peu de jeunes gens et de jeunes filles pour assister à ce récital, que des têtes chenues, trois fois « hélas». Il est vrai que pour cela il faudrait un cadre politique municipal, hors les joutes électorales, convaincu de l’exigence humaniste de l’art et de son apport dans la société… Par ailleurs on ne peut aussi que regretter que les institutions académiques d’enseignement musical locales ne se soient point faites le relais activiste auprès de leurs étudiants et élèves, une fois de plus, d’un tel événement … !
Pierre-Alain Lévy
WUKALI 04/03/2015