In the hot, intense and ardent Marocco
La littérature maghrébine en général et la marocaine en particulier offrent régulièrement de magnifiques romans, lumineux non dénués d’une vraie sensualité au sens étymologique du terme, c’est-à-dire qui mettent en éveil tous les sens. Le Lutteur , dernier roman du marocain My Seddik Rabbaj, en est le parfait exemple.
A une époque fort peu définie, au fond d’un douar aux portes du désert se trouve une communauté religieuse autour du « Cheick », dernier rejeton de la famille du fondateur. C‘est là qu’après le massacre de son village composé de la tribu des Raytsoutes que trouve refuge Yahya devenu le chef de famille et se devant de protéger sa mère et son frère et sa sœur. Lourde responsabilité pour un garçon de 14 ans et qui plus est noir, car les Raytsoutes sont une tribu d’Afrique subsaharienne déportée depuis la nuit des temps dans ce coin du Maroc qui ont su la transformer en une riche oasis. Le massacre de cette population est le fait d’autochtones qui jalousent leur réussite et veulent s’accaparer leurs terres.
La famille s’installe, à peine tolérée à cause de sa couleur de peau. Les deux plus jeunes partent à l’école c’est-à-dire doivent apprendre le Coran par cœur, mais la famille est en quasi-esclavage. Mais Yahya grâce à sa force et à son talent à la lutte va devenir un des soldats de la garde rapprochée du Cheick. Ce dernier prône une vision très rigoriste de l’Islam, fondamentaliste, sous peine de faire un contre sens historique, il en a une vision proche des salafistes. Quoiqu’il fasse pour s’intégrer à la communauté, Yahya comprend que quelques soient ses efforts, sa couleur de peau fera toujours de lui un marginal. Jamais ni lui, ni son frère, ni sa sœur ne pourront vivre comme les autres. Le Cheick, sous couvert de direction spirituelle va montrer sa volonté d’étendre son pouvoir d’abord au détriment de ses voisins, mais aussi contre le roi du pays considéré comme ayant trahi le message du Coran. En bon soldat Yahya le sert malgré ses rancœurs et ses doutes, mais dès qu’il se sent délier de sa loyauté, il part pour essayer d’offrir un avenir meilleur à sa famille.
Le Lutteur est un magnifique roman sur la différence, sur l’imbécilité du racisme, mais aussi sur la manipulation dont fait l’objet la religion pour les intérêts de quelques-uns. Voilà un sujet qui est tristement d’actualité, le tout servi par un style clair, chatoyant.
Les éditions du Serpent à plumes renaissent de leurs cendres. Si elles continuent à publier des livres d’une aussi grande qualité, je ne doute pas qu’elles ont de très beaux jours devant elles.
Emile Cougut
Le Lutteur
My Seddik Rabbaj
Éditions du Serpent à plumes. 19€
WUKALI 02/005/2015
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