A novel that should be noticed. A story taking place in the Middle West Corn Belt


La parution au coeur de l’été du dernier roman d’Émilie de Turckheim, Popcorn Melody , publié par les éditions Héloïse d’Omesson, marquera sans aucun doute la rentrée littéraire 2015.

Shellawick, un bourg perdu dans le désert de pierres noires (le Pierrier) dans le Middlewest. Ici les mouches sont partout et c’est le roi maïs qui asservit la population. L’immense majorité de celle-ci travaille dans l’usine de pop-corn Buffalo Rocks, le seul employeur avec la distillerie (qui fabrique l’alcool de maïs consommé sans modération par les gens du coin) et qui a des méthodes de management dignes de Zola ou des pires entreprises chinoises. Le maire de Shellawick dont le frère s’occupe de la « sécurité » de Buffalo Rocks est totalement corrompu ou plus exactement ne voit que les intérêts de l’entreprise et jamais ceux de la population. Le seul loisir de celle-ci est un bar avec des entraîneuses et la principale occupation c’est de repousser la poussière noire du désert qui s’insinue partout. L’avenir pour les jeunes c’est le travail à l’usine de pop-corn. Malgré les efforts de Matt l’instituteur, seul Tom a pu faire des études de linguistique à l’université.

Shellawick est un bourg qui se meurt, se dépeuple, petit à petit tous les commerces ferment. Après le suicide de son barbier de père, Tom Eliott, décide d’ouvrir un « supermarché ». Mais celui-ci n’est fourni en marchandises que par rapport aux priorités de son propriétaire (se nourrir et tuer les mouches), et ne comporte aucun produit à base de maïs et surtout pas de pop-corn. Devant la caisse, il a installé le fauteuil de barbier (sentant encore l’huile de pied de bœuf) sur lequel son père a mis fin à ses jours et ses clients s’y assoient et racontent leurs vies, leurs souvenirs, leurs rêves. Tom les écoute et retranscrit les pensées qui lui viennent sous forme de haïku dans des bottins téléphoniques. Et il se sert du même support quand il entreprend d’écrire un livre. Tom veut créer un manque chez ses clients, ne jamais avoir que l’essentiel et non le superflu. D’ailleurs il a appelé son commerce «le Bonheur ». 

Olécio partenaire de Wukali

Mais un jour, Buffalo Rocks construit en face de chez Tom un supermarché ultra moderne, climatisé avec des robots nettoyeurs.

Il n’est pas bien sorcier de comprendre toute la symbolique sous tendue et dans ce roman et dans la présence des deux magasins : le petit commerçant contre les financiers (la désertification de nos campagnes avec la disparition des commerces de sécurité est due en grande partie par la multiplication des supérettes à l’entrée (ou à la sortie, c’est selon) des petits bourgs ruraux), les mode de consommation, l’abondance contre le nécessaire, l’obligation de glisser dans un moule social et la marginalisation de ceux qui refusent de le faire, la fin de la culture amérindienne sous les coups de la société de consommation, etc.

Les personnages sont tous hauts en couleurs, déjantés, parfois à la limite de la caricature, mais chacun correspond à l’archétype que la société leur a demandé de prendre. Sauf les « marginaux », mais eux aussi sont des archétypes de marginaux. Tous sont exactement à la place que l’on sait où ils doivent se trouver : le maire ne peut être qu’une ordure, l’instituteur ne peut être que celui qui essaie d’ouvrir l’horizon intellectuel des jeunes, la mère de Tom ne peut être qu’une indienne écrasée par l’histoire de son peuple et pleine d’une fatalité lui fermant son univers, etc.

Émilie de Turckheim fait preuve d’originalité, de créativité, c’est certain, mais le lecteur peut regretter cependant qu’elle ne développe pas assez ses trouvailles. L’écriture d’haïku sur des bottins téléphoniques par exemple aurait mérité de plus longs développements pour ne pas dire devenir la véritable colonne vertébrale de ce roman.

En résumé Popcorn Melody est un livre très agréable à lire et qui devrait trouver sa place dans la pléthore de livres de la rentrée littéraire.

Émile Cougut


Popcorn Melody
Émilie de Turckheim

Éditions Héloïse d’Ormesson. 18€
Sortie en librairie le 20 août 2015


WUKALI 10/08/2015
Courrier des lecteurs : redaction@wukali.com


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